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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour : 31.01.2025
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4753 ART ET TRANSCENDANCE

Publié le 31/10/2024 à 06:10 par cafenetphilosophie Tags : sur vie monde soi belle mode mort création dieu nature art cadre demain

Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N° 4746.

 

Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.

 

Prochain billet demain vendredi 01 novembre

 

 

L’œuvre d’art, disions-nous, soulève des questions métaphysiques vertigineuses. Elle permet d’élever l’homme à la dimension de la gratuité, de ce qui est étranger à l’utilité vitale ou pratique, et elle le conduit à produire ou à tenter de produire des formes belles, la beauté étant elle-même un grand mystère de l’Etre. Arrêtons-nous un moment sur cette question de la beauté.

La présence de la beauté au sein de l’Etre, c’est-à-dire au sein de la réalité, tant dans ce qui apparaît que ce qui est vraiment au-delà des apparences, demeure une énigme et un sujet d’étonnement. La plupart des hommes sont traversés par une révolte intérieure face à ce que nous appelons le « Mal », c’est-à-dire tout ce qui remet en cause les raisons de notre attachement à la vie, que ce soit les souffrances physiques et morales, le vieillissement, les laideurs naturelles et humaines, et in fine la mort. Si Dieu existe, alors pourquoi le Mal ? Cette question redoutable, développée par Job dans la Bible, n’a jamais à vrai dire reçu de réponse crédible.

Mais cette interpellation de nature métaphysique devrait être complétée par la suivante : si Dieu n’est pas, alors pourquoi le Bien, si nous entendons par-là, entre autres choses, la présence au sein de l’Etre du plaisir et de toutes les sortes de satisfaction, de la beauté, de l’amour, tout au moins de l’amour-agapè, autrement dit de l’amour désintéressé. Cette seconde interrogation est beaucoup plus rarement soulevée. Car la plupart des hommes considèrent comme allant de soi les aspects positifs de l’Etre. Ces derniers relèvent d’une forme d’évidence. Or l’évidence est la maladie mortelle de la pensée. Aristote était fondé à considérer que la capacité d’étonnement signait l’acte de naissance de la réflexion philosophique.

Il nous faut justifier schématiquement une telle affirmation. L’Etre ou si l’on préfère la réalité de notre univers pourrait être, se maintenir à l’Etre et connaître un développement sans qu’il y ait ces manifestations de ce que nous appelons le « Bien », comme les plaisirs de toutes sortes, la beauté, l’amour etc. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une affirmation arbitraire car c’est exactement ce qui se passe pour toutes les réalités minérales et pour les êtres vivants du règne végétal. Ces deux cas de figure soulignent que la réalité pourrait se déployer, se développer, se complexifier, se maintenir par de simples régulations mécaniques et chimiques.

Il est vrai que les formes belles, les formes qui par leur composition, leur harmonie sont jugées belles par les êtres humains renvoient à une forme d’objectivité incontestable et non à la simple subjectivité supposée du jugement humain. La beauté des formes joue un rôle déterminant en vue de la fécondation des végétaux et pour la reproduction des différentes espèces animales. Certes, cette beauté des formes est reconnue de manière spécifique et innée par chacune des espèces animales concernées. Seul l’homme, grâce à son statut conscient, est à même de les reconnaître toutes et d’en apprécier la présence. Ainsi, il existerait bien une beauté naturelle objective mais néanmoins gratuite, non par le fait qu’elle joue un rôle utile comme nous l’avons vu, mais dans la mesure où sa présence au sein de l’Etre n’était nullement une nécessité afin que l’Etre puisse fonctionner et perdurer dans son Etre.

Cette beauté gratuite dans l’absolu a fait l’objet de réflexions métaphysiques d’une grande profondeur dans l’œuvre de Platon notamment, en particulier à la fin de la deuxième partie du « Banquet ». Pour Platon, la beauté sous toutes ses formes, que ce soit la beauté des corps, la beauté morale, la beauté d’une idée, n’est jamais que la manifestation sensible du « Logos » ou du sens. La beauté est la manifestation du sens transcendant de l’Etre, autrement dit d’un sens réel, objectif et qui en même temps nous dépasse. Si nous prenons en compte l’ensemble des analyses qui précèdent, nous devons en conclure qu’au même titre que la présence du « Mal », la présence du « Bien » est une énigme ontologique. A la question « Pourquoi le mal, si Dieu existe ? » pourrait appeler en écho, dans une égale impuissance à apporter une réponse, la question « Pourquoi le Bien si Dieu (ou le « Logos ») n’existe pas ? »

La beauté naturelle semble donc témoigner du sens ou du « Logos ». Mais l’homme a ceci de spécifique c’est que non seulement il peut se dévoiler toutes les formes de beauté naturelle mais qui plus est, il peut créer des formes belles, des formes qui ne soient pas la simple imitation des beautés naturelles mais qui soient le reflet de son âme, de l’interprétation qu’il se fait du monde, du mode de résonance que ce monde peut avoir sur lui. Par la médiation de l’œuvre d’art, l’homme devient un authentique créateur. Certes, ses possibilités créatrices s’exercent dans de multiples domaines culturels, la technique notamment. Cette activité technique créatrice est déjà remarquable, puisque par sa médiation l’homme réalise peu à peu le projet de Descartes de devenir « maître et possesseur de la nature ».

Cependant, l’activité technique créatrice doit se soumettre aux lois et nécessités du monde. Il est indispensable de connaître les lois de la nature afin de mieux les utiliser en vue de transformer le milieu en fonction de nos besoins. En revanche, l’activité créatrice de l’art fait surgir de l’esprit de l’homme des mondes nouveaux, entièrement humains, des mondes où le désir prend le dessus sur la réalité objective et les nécessités qui la caractérisent. L’artiste devient un démiurge pour qui tout est possible Cela lui donne un sentiment de liberté fascinant, un sentiment de puissance quasi illimité, hormis les quelques contraintes techniques qu’il se donne ou que lui impose la matière sur laquelle il travaille.

Cette activité artistique, capable de tirer de son esprit des formes belles, gratuites, spirituelles consacre vraiment l’homme comme le roi de la création si tout au moins création il y a. Ce type de création qui élève l’homme au-dessus de sa condition animale, qui le fait accéder à la dimension de la gratuité, qui le saisit par la beauté des formes produites, qui le fait pénétrer au sein d’un monde de plénitude, semble être le témoignage de la véracité des textes bibliques lorsque ces derniers font de l’homme un être « créé à l’image de Dieu » et qui est appelé ou qui a vocation à partager librement la plénitude divine elle-même.

Car l’activité artistique est une forme d’activité libre qui conduit le créateur à se dévoiler le sens du monde et la richesse cachée de son monde intérieur. L’art est une sorte d’épiphanie du sens, si on entend par-là la manifestation du sens, caché aux yeux de l’homme pratique. Le créateur, dans le cadre de ses objectifs, ignore lui-même ce que sera l’œuvre accomplie. Il improvise ou plus précisément il crée au fur et à mesure de son action. Il laisse travailler en lui toutes les forces obscures, inconnues qui participent à son inspiration et qui lui dévoilent peu à peu le sens qu’il voulait délivrer. L’artiste, à l’intérieur même de son action créatrice, est déchiffreur ou découvreur de mondes nouveaux, de mondes spirituels où se déploie le sens, où ce sens se manifeste de manière sensible par la beauté des formes créées.

Cette force créatrice, non seulement se libère de nombre de contraintes naturelles et sociales mai qui plus est se voit capable de transcender, de dépasser, de transfigurer son destin, si on entend par là tout ce qui le fait souffrir ou l’écrase. L’esthétique de la laideur en témoigne avec éloquence. La guerre, la déchéance morale, la laideur physique peuvent faire l’objet de son activité créatrice et de la beauté qui lui permet d’exercer sa puissance spirituelle sur ces terribles réalités. Guernica de Picasso, les Fleurs du mal de Baudelaire, Les Pouilleux de Murillo en sont quelques-uns des témoignages célèbres et qui faisaient dire à Malraux que l’art était un antidestin. Car l’esthétique de la laideur ne masque pas cette laideur. Elle la met au contraire en valeur par la médiation d’une belle forme, c’est-à-dire par la médiation d’une forme qui montre toute la laideur du monde et dont la force et la singularité de l’interprétation transportent dans un autre monde que celui de la laideur naturelle ou morale, dans le monde de l’émotion esthétique, du plaisir esthétique, de ce plaisir raffiné, à la fois sensuel et spirituel.

A certains égards, la vertu créatrice de l’art possède une force rédemptrice, si on entend par rédemption cette action divine ayant pour finalité de nous sauver du Mal, de le dépasser, de le surmonter, de le transfigurer. « La beauté, proclamait Dostoïevski, sauvera le monde ». Comme on le voit, l’activité artistique est inséparable, indissociable de l’interrogation métaphysique.