Il a animé pendant trente-cinq ans, de 1989 à 2023, Le Masque et la plume, l’émission mythique de France Inter créée par Michel Polac et François-Régis Bastide en 1955 où l’on cause littérature, théâtre et cinéma. À un mois de l’édition 2024 de la Foire du livre qu’il préside, Jérôme Garcin était, jeudi 10 octobre, de passage à Brive (Corrèze). En début d’après-midi, il s’est arrêté dans les locaux de La Montagne pour répondre aux questions de huit lecteurs de notre journal. Une heure d’échanges passionnants résumée ainsi par l’un des participants : « C’était conforme à mes attentes, même au-delà. »

Vous êtes plus « masque » ou «plume » ?

Je suis d’abord un enfant de la littérature. Depuis l’adolescence, j’aime lire, j’ai besoin de lire. Mais je suis aussi un fou de théâtre et je l’ai été bien avant d’être un amoureux de cinéma. Aujourd’hui, je vais plus au cinéma qu’au théâtre, alors que j’ai grandi en allant voir les grandes pièces de grands metteurs en scène. J’ai même épousé une comédienne de théâtre, et je suis le gendre d’un comédien, Gérard Philipe, qui aimait d’ailleurs autant le théâtre que le cinéma.

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Si je résume : je suis à la fois un enfant de la littérature, qui m’a fondé, et du théâtre, tandis que ma passion pour le cinéma est venue après. La littérature m’a toujours exalté. En revanche, je trouve que le théâtre n’est plus ce qu’il était. La place du théâtre privé est devenue trop grande et, surtout, ce théâtre-là est devenu inaccessible. Il est devenu l’art d’une caste. La place peut coûter jusqu’à 80 euros. Qui peut s’offrir cela ? J’étais, donc, « masque » et « plume », et je suis devenu « plume » et « caméra ».

Vous avez été à la tête de l’émission pendant trente-cinq ans…

(il coupe) Trente-cinq ans d’une émission qui ne s’arrête jamais. Le Masque et la plume, c’est cinquante-deux dimanches, juillet et août compris, par an. Il n’y a pas de dimanche sans émission.

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E n trente-cinq ans, je n’ai jamais été malade. Et quand j’ai été un peu empêché, par exemple à cause de chutes à cheval, je venais quand même. Je ne me suis jamais fait remplacer. Je pense que ce n’est pas une émission dans laquelle on peut être remplacé.

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Y a-t-il un moment que vous retenez de ces trente-cinq ans ?

Ça a été trente-cinq ans de bonheur et d’excitation. Quand on fait de la culture sa vie professionnelle, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point c'est gratifiant d’avoir devant soi des centaines de femmes et d’hommes qui vous disent qu’ils aiment lire, qu’ils aiment aller au théâtre, qu'ils aiment voir des films.

J’ai connu plein de moments forts à la tête de l’émission mais un moment m’a marqué à vie. C’est pendant les quelques semaines au cours desquelles la F rance a été confinée en raison du Covid-19. Le 17 mars 2020, chacun devait rester chez soi. Je me souviens bien : c’était un mardi. Le lendemain matin, j’étais en Normandie et je reçois un coup de téléphone du directeur des programmes de France Inter de l’époque. Tous les programmes de la station étaient arrêtés, on ne pouvait même pas accéder à la Maison de la radio, et il me dit : « On va trouver une solution technique mais tu continues ton émission. Dimanche prochain, tu fais Le Masque. »

Mes critiques et moi, on avait une application sur nos téléphones pour enregistrer l’émission, une sorte de studio virtuel. Le problème, c’est que les cinémas, les théâtres, les librairies étaient fermés. Me vient alors une idée : on va continuer Le Masque avec des livres classiques, des films anciens, etc.

Malgré une réalisation technique hasardeuse, on l’a fait. Les semaines suivantes, j’ai reçu des mails d’auditeurs et d’auditrices dont certains étaient bouleversants :« Vous êtes encore là », « Vous ne nous avez pas abandonnés », « Vous me sauvez la vie ». Ça a duré des semaines et des semaines. D’un coup, j’ai mesuré à quel point Le Masque était bien plus que Le Masque. L’émission était un complément dans leur vie. J’ai pris conscience qu'elle avait un rôle culturel et social primordial. Pour l’anecdote, quand on est sorti de ce drame mondial, quand on a refait des émissions en public, des gens m’ont reproché de ne parler que d’actualité et plus des films classiques et des grands auteurs (rires).

Que pensez-vous de l’intelligence artificielle (IA) dans le milieu de l’écriture ?  N’avez-vous pas peur que certains n’écrivent plus avec leur cœur ?

Vous pointez du doigt une menace évidente et terrible. Je pense, toutefois, que l’IA, si elle est très intelligente, elle n’a ni style ni cœur. Le problème, c’est qu’elle est assez intelligente pour vous pondre des thrillers, polars et romans d’amour parfaitement digérables. Je suis un écrivain à l’ancienne et l’IA me fait peur, m’inquiète. Et en même temps, il y a une part de moi qui est confiante. À mon avis, on peut faire des produits formatés, mais on ne peut pas remplacer l’émotion, les sourires, les larmes, la tendresse d’un vrai écrivain. L’IA a ses limites. Bon, peut-être que je suis trop optimiste… 

Ça vaut le coup d’écrire sur soi ?

Bien sûr que ça vaut le coup. On ne mesure pas à quel point on souffre de croire devoir garder le silence. J’ai écrit beaucoup de livres dans lesquels j’ai raconté, sans fausse pudeur, les drames de ma vie, depuis ma plus tendre enfance : l’accident de voiture qui a coûté la vie à mon frère jumeau à l’âge de 6 ans, la mort de mon père… Vous n’imaginez pas quel point il est important de parler.

Le pire, c’est le silence. C’est vrai, aussi, pour les belles choses.

Quel lecteur est Jérôme Garcin ?

Je suis un lecteur ouvert et compulsif depuis mes 12 ou 13 ans. Je ne me souviens plus du premier livre que j’ai lu mais je sais qu’adolescent, enfermé à la campagne, j’ai lu tout Claudel, tout Giraudoux, tout Stendhal… J’adore partir en voyage dans un livre de pure imagination, mis à part la science-fiction. Je suis, également, très friand de textes intimes. Je crois que dans un livre, on cherche à se retrouver, à retrouver un frère ou un père de substitution, à trouver chez les autres ce qu’on a du mal à exprimer… 

Propos recueillis par Guillaume Blanc et Pomme Labrousse

article la montagne https://www.lamontagne.fr/brive-la-gaillarde-19100/loisirs/jerome-garcin-president-de-la-foire-du-livre-de-brive-2024-face-a-huit-lecteurs-de-la-montagne-i_14587563/

Aux termes de débats passionnants et nourris, les douze jeunes collégiens et lycéens brivistes, jurés des Prix Tu l’as lu  - Crédit Agricole Centre France, ont rendu leur verdict.

Ces prix jeunesse de la Foire du livre de Brive 2024 reviennent à deux autrices de livres forts sur le harcèlement scolaire et la Résistance.

Il s'agit d'Amélie Antoine pour son thriller glaçant Ne vois-tu rien venir, paru aux éditions Syros (sélection 12-14 ans) et d'Elise Fontenaille pour son roman historique et bouleversant Missak et Mélinée : une histoire de l’Affiche rouge, paru au Rouergue.

Deux autrices confirmées

Amélie Antoine est née en 1984 et vit à Lille. En 2016, son premier roman Fidèle au poste a séduit plus de 250 000 lecteurs. Elle signe avec Ne vois-tu rien venir, un livre choc sur le mécanisme du harcèlement scolaire. 

Élise Fontenaille est née en 1960 et vit en Auvergne. Longtemps journaliste, elle se consacre aujourd’hui à l’écriture. À mi-chemin entre fiction et Histoire, son livre Missak et Mélinée raconte la destinée de vingt-trois héros qui ont résisté contre l’Allemagne nazie et ont combattu jusqu’au bout pour leur liberté. 

Marin, considéré comme un des plus grands auteurs actuels de BD, sera le grand invité de la Foire du livre de Brive 2024

Le Prix "Tu l'as lu" sera décerné aux deux lauréates dans le cadre de la Foire du livre, samedi 9 novembre 2024, à 15 heures, à l’Espace des Trois provinces. 

Chaque prix est doté par le Crédit Agricole Centre France d’un montant de 1.500  euros.