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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour : 31.01.2025
10705 articles


CULTURE

RHUBARBE ET FRAISE

Publié le 25/06/2022 à 09:42 par papilacabane Tags : sur bonne fond
La rhubarbe et la fraise, les recettes d’un mariage réussi La rhubarbe et la fraise, les recettes d’un mariage réussi

 

La Compote de rhubarbe à la vanille et fraises. Emmanuel Auger

 

C’est l’incontournable pointe d’acidité des recettes de l’été, la rhubarbe s’invite sur les étals des maraîchers jusqu’au mois de septembre. Ce légume a été malencontreusement classé parmi les fruits par la Direction des douanes de New York en 1947 à cause de son utilisation sucrée, mais d’un point de vue botanique, la rhubarbe est bien un légume dont seule la tige est comestible, les feuilles sont en effet toxiques. On la retrouve depuis des millénaires dans la cuisine chinoise et ce sont les Anglais qui l’ont acclimatée en Europe.

Comment bien la choisir

Pour la choisir, préférez les tiges avec des bordures rosées, très fermes, sans taches et sans flétrissures. Si la rhubarbe est bien fraîche et pas trop grosse, il suffit de couper la tige en tronçons. Sinon, il faut l’éplucher pour retirer les parties filandreuses. La rhubarbe supporte mal le passage au réfrigérateur, mais elle se congèle très bien.

La rhubarbe est le plus souvent utilisée dans des recettes sucrées avec son éternelle complice, la fraise. Mais il serait dommage de la cantonner à ce seul registre tant son acidité est intéressante pour équilibrer des plats salés de viandes et de poissons. Essayez de glisser quelques tronçons de rhubarbe aux côtés d’un gigot d’agneau cuit au four pour parfumer le jus, quelques cubes de rhubarbe poêlés pour accompagner un curry de poulet ou un poisson au four. Et vous pouvez remplacer le citron par des morceaux de rhubarbe pour votre prochain tajine !

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La recette ► Compote de rhubarbe à la vanille et fraises
La rhubarbe et la fraise, les recettes d’un mariage réussi
 

La Compote de rhubarbe à la vanille et fraises. / Emmanuel Auger

 

Pour 4 personnes

Dessert

Préparation : 10 minutes
Cuisson : 15 minutes

Ingrédients

3 longues tiges de rhubarbe
200 g de fraises maras des bois
150 g de sucre
1 gousse de vanille
2 brins de menthe fraîche

Coupez une des extrémités d’une tige de rhubarbe et, avec la pointe d’un couteau d’office, retirez la fine pellicule qui recouvre toute la longueur de la tige. Vous pouvez aussi utiliser un couteau économe pour cette étape. Taillez des tronçons de 15 cm environ et disposez-les dans une sauteuse, bien alignés. Saupoudrez de sucre, ajoutez les grains récupérés dans la gousse de vanille et laissez cuire à feu doux pendant une quinzaine de minutes. Goûtez : la rhubarbe doit être fondante, acidulée. Coupez les fraises en quartiers. Disposez joliment les tronçons de rhubarbe (qui se délitent certes, mais qui forment encore des tubes souples) dans des petites assiettes à bords hauts. Laissez refroidir et parsemez de fraises et de feuilles de menthe juste avant de déguster avec de crêpes, une gaufre, du fromage blanc, etc.

► Tarte fraise rhubarbe
La rhubarbe et la fraise, les recettes d’un mariage réussi
 

La Tarte fraise rhubarbe. / Emmanuel Auger

 

Pour 6 à 8 personnes

200 g de pâte sucrée
500 g de fraises
250 g de compote de rhubarbe (voir recette ci-dessus)

Étalez la pâte sucrée dans un moule à tarte, piquez-la avec une fourchette sur toute la surface puis lestez-la avec des légumes secs. Réservez au frais le temps de faire préchauffer le four à 180 °C. Enfournez une vingtaine de minutes pour que la pâte soit bien dorée.

Retirez les légumes secs et laissez refroidir le fond de tarte sur une grille.

Versez la compote de rhubarbe dans le fond de tarte. Coupez les fraises en lamelles et répartissez-les sur toute la surface de la tarte.

► Confiture de fraises rhubarbe
La rhubarbe et la fraise, les recettes d’un mariage réussi
 

La Confiture de fraises-rhubarbe / Emmanuel Auger

 

Pour quatre pots de confiture

Un kilo de tiges de rhubarbe
500 g de fraises
1 kg de sucre cristallisé

Avec un couteau d’office, épluchez les tiges de rhubarbe pour les débarrasser des fils. Coupez ensuite des tronçons de la longueur d’une allumette. Dans un grand récipient, mélangez les morceaux de rhubarbe, les fraises équeutées et coupées en quartiers et le sucre. Laissez macérer pendant deux heures en remuant de temps en temps. Versez le tout dans une bassine à confiture en cuivre et laissez mijoter une bonne demi-heure en surveillant (il faut éviter que la rhubarbe ne caramélise) avant de mettre en pots.

MAIGRET

Publié le 23/02/2022 à 09:01 par papilacabane Tags : sur coup photo jeux femme cadre film
Un Maigret d’anthologie En adaptant Maigret et la jeune morte, paru en 1954, Patrice Leconte signe un très grand film, expressionniste et crépusculaire, marqué par l’interprétation émouvante et grandiose de Gérard Depardieu.

Maigret ***

de Patrice Leconte

Film français, 1 h 28

Maigret est las, désabusé, un tantinet dépressif. Le divisionnaire du 36, quai-des-Orfèvres délaisse même les plats roboratifs que lui mitonne Mme Maigret. Sa pipe ne le précède plus en tout lieu. Son médecin lui a fermement recommandé de renoncer à fumer. Et voilà que tombe une affaire qui attire son attention. On a retrouvé une jeune femme sans identité, trucidée, lardée de coups de couteau. Parti comme toujours à pas lourds et lents sur les traces du tueur, il se concentre sur cette inconnue, dont la beauté brisée n’est pas sans réveiller en lui une souffrance intime, le rappel d’un drame personnel. Sa route croise celle d’une jeune délinquante qu’il prend sous son aile parce qu’elle ressemble à la morte. Transformée, sans le savoir, en doublure de son obsession, elle aide Maigret, qui la suit et l’observe, à dessiner les contours et le parcours de cette silhouette foudroyée dont personne ne semble se souvenir. Profil perdu qui n’aurait laissé aucune trace de son existence, pas même de son court passage dans la capitale.

Maigret reconstitue patiemment, sans en avoir l’air, le trouble itinéraire de cette passante évaporée, tombée dans les jeux pervers d’une grande bourgeoisie qui sait protéger ses turpitudes. Il anéantit fausses pistes et ruses d’influence, lui qui ne nourrit plus guère d’illusions sur l’âme humaine. « Je ne crois en rien. J’évite même de penser », dit-il. Ses regards sombres et ses longs silences sont redoutables pour les suspects qui cherchent à y échapper. Ils se savent traqués par cette immobilité qui ne laisse rien passer, surtout pas le moindre détail à sa portée. Maigret ne raisonne pas. Il sent.

Patrice Leconte excelle à recréer, avec son directeur photo, Yves Angelo, cette atmosphère simenonienne et modianesque, expressionniste et cendreuse, d’un Paris aux façades noircies, au climat de grisaille, que traverse Depardieu. « Maigret doit impressionner par sa stature », indiquait Simenon (1). Par son physique qui défie les conventions, Depardieu, à 73 ans, en Maigret XXL, les mains dans son vaste pardessus en grosse laine, surmonté de son chapeau qu’il ne retire jamais, amputé de son principal accessoire (sa pipe), répond « amplement » au vœu de son créateur. Avec sa masse imposante où percent les fêlures, menhir de granit fissuré, il lui suffit d’apparaître dans le cadre pour que l’air même de la scène en soit modifié, imprégné. Sa solitude, profonde, irréductible, alourdie par un chagrin muet qu’il partage avec sa femme, lui permet de sonder les abîmes psychologiques des êtres qu’il prend dans ses filets. Il les ferre, les laisse se débattre et les cueille quand ils sont mûrs.

Comme le prêtre ou le médecin, il éprouve le besoin de « raccommoder les destinées ». Et c’est ainsi que Maigret-Depardieu, somptueux de retenue blafarde, nous touche, bloc de compassion (pour cette jeune morte, pour la jeune femme qu’il protège) et d’humanité.

Patrice Leconte s’est débarrassé du titre original (Maigret et la jeune morte). Son film s’appelle Maigret. Comme s’il avait tenu à graver dans le marbre de l’éternité sa vision (cosignée avec Jérôme Tonnerre) et cette interprétation émouvante, grandiose, pour élever ce personnage populaire au rang de mythe définitif. Gérard Depardieu charrie en lui toute l’épaisseur de son existence pour donner au déjà si célèbre commissaire la densité de sentiments et la puissance d’expression que suscite sa présence monumentale.

Incontestable dans ce rôle qui semblait l’attendre, Gérard Depardieu comble un vide. L’absence de Maigret au cinéma depuis soixante ans, alors que le petit écran l’avait usé jusqu’à la corde. Ce retour sonne comme un coup d’éclat dont l’empreinte restera inoubliable. Un très grand Maigret, crépusculaire, teinté de l’obscurité d’un deuil refoulé.

Lire : Leconte fait son cinéma, BD de Nicoby-Joub, Dupuis, 148 p., 19 €. Sur sa carrière et le tournage de Maigret.

AR TLYRIQUE

Publié le 14/02/2022 à 11:44 par papilacabane Tags : sur moi monde paris enfants musique travail femmes nuit art
Art lyrique : deux voix au diapason Sabine Devieilhe et Elsa Dreisig brillent au firmament de l’art lyrique français. Elles échangent sur leur vision de l’opéra et leur passion du chant. Art lyrique : deux voix au diapason

 

Elsa Dreisig et Sabine Devieilhe Simon Fowler / Anna Dabrowska

 

Dans ce grand café parisien avec vue sur l’Opéra Bastille, elles sont arrivées presque en même temps et ont commandé le même thé rooibos. Simples, souriantes, pas divas pour deux sous, Sabine Devieilhe et Elsa Dreisig semblent sincèrement heureuses de cet entretien partagé, curieuse chacune de connaître les opinions de l’autre sur la musique, la carrière, le choix des rôles, les liens avec le public.

Les deux sopranos comptent parmi les plus brillantes ambassadrices de ce chant français qui, depuis plusieurs années, a reconquis un indéniable rayonnement, dans et hors de nos frontières. « C’est très agréable de côtoyer des collègues compatriotes sur les scènes du monde entier », remarque Elsa Dreisig. « Et enthousiasmant d’y défendre des ouvrages français, comme j’ai la chance de le faire prochainement à Madrid avec Lakmé », enchaîne Sabine Devieilhe.

→ À LIRE. À l’Opéra Comique, la poignante douleur d’Ophélie

Pour autant, cette fierté ne revêt aucun caractère « nationaliste » et les deux artistes y décèlent avant tout un beau passage de flambeau, de génération en génération. « Je n’oublierai jamais, reprend Sabine Devieilhe, l’écoute bienveillante et les encouragements de Natalie Dessay il y a douze ans, m’enjoignant de foncer ! »

Avec Mozart pour parrain

À l’image de leur aînée, les deux chanteuses ont connu des débuts protégés par l’aile de Mozart. Pour Elsa Dreisig, « l’ouverture deLa Flûte enchantée me rendait dingue quand j’étais petite et incarner, dans cet opéra, l’un des trois enfants (j’avais 12 ans) fut ma première expérience. »

La voix légère aux aigus incroyablement faciles de Sabine Devieilhe l’a, elle, poussée « directement vers les soubrettes puis la Reine de la nuit de cette mêmeFlûte. Décidément ! » La connaissance intime des méandres de la voix féminine, le sens du théâtre, la finesse d’écriture de l’auteur de Don Giovanniémerveillent l’une et l’autre artistes.

« Je suis immensément admirative de Bach, avoue Elsa Dreisig, mais je ne parviens pas à en ressentir l’humanité. Si bien que ma voix reste comme coincée… » « C’est en effet un Everest, concède sa collègue, mais, précisément, y chercher cette humanité est ce qui me passionne. » En compagnie de son mari, le chef d’orchestre Raphaël Pichon, Sabine Devieilhe explore l’œuvre du Cantor de Leipzig, au disque et en concert.

L’importance parfois insoupçonnée du public

« C’est face au public que notre travail prend son sens. Le chant est une adresse lancée à l’auditeur », assure-t-elle. Elsa Dreisig renchérit, et même insiste : « Le spectateur n’a sans doute pas conscience de son importance. Son énergie infuse le plateau : si je vois quelqu’un qui regarde sa montre ou a l’air de s’enquiquiner, je me sens profondément déstabilisée ! » Et, à l’inverse, de citer les représentations de Cosi fan tutte (Mozart encore) au Festival de Salzbourg en 2020, en pleine pandémie. « Jamais je n’avais éprouvé une telle concentration, une telle tension positive. Inoubliable ! »

Pour recréer ces palpitantes sensations dans les studios d’enregistrement, l’une comme l’autre élabore minutieusement son programme. « Ce qui tiendra la route sur un CD est ce qui tiendra la route en concert,soutient Sabine Devieilhe. Même si, dans le premier cas, on peut jouer sur l’intimité, proposer des nuances très douces qui ne franchiraient pas la rampe en “live”. »

Dans un rire, Elsa Dreisig avoue avoir du mal à dompter son envie de théâtre face au micro placé tout (trop ?) près de ses lèvres : « Les ingénieurs du son me demandent souvent de moins bouger mais, que voulez-vous, j’ai peine à ne pas chanter pour un auditeur placé loin de moi dans une vaste salle… »

Quand il faut choisir

Les deux jeunes femmes divergent dans la « gestion » de leur carrière. Si la voix « légère et, de ce fait, fragile » de Sabine Devieilhe l’a toujours incitée « à la prudence, à refuser des emplois trop lourds proposés trop tôt », Elsa Dreisig reconnaît, elle, « avoir eu finalement jusqu’ici assez peu la main » sur son parcours. « C’est plutôt une somme d’heureux hasards, combinés à mes désirs. Mais j’ai envie de voir désormais un peu plus loin, pour être davantage actrice de mes choix. »

Elles s’accordent en revanche parfaitement sur la mystérieuse alchimie, « bien peu aisée à expliquer », qui fait « qu’un rôle vous convient ou ne vous convient pas ». Et, généreuses, de citer leur émerveillement commun face à leur collègue la soprano américaine Nadine Sierra, dans Rigolettode Verdi sur la scène de la Bastille : « Elle y était Gilda, évidente, scintillante, auprès de Ludovic Tézier, exceptionnel lui aussi dans le rôle-titre ! », admirent-elles en chœur.

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Leur actualité

Sabine Devieilhe

Un CD – Bach. Händel (label Erato) avec l’Ensemble Pygmalion, sous la direction de Raphaël Pichon. De prochains concerts, en récital avec Alexandre Tharaud, les 17 et 19 février à Rouen et Bordeaux, mais aussi en Espagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg (sabinedevieilhe.com)

Elsa Dreisig

Un CD – Mozart × 3 (label Erato) avec le Kammerorchester Basel sous la direction de Louis Langrée. Un prochain concert au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, le 17 février. Puis, à nouveau au TCE, le 8 mars, avec de nombreux artistes, pour une soirée autour des compositrices.

L’une et l’autre artistes sont programmées au prochain Festival d’Aix-en-Provence : Sabine Devieilhe incarne Ilia dans Idoménée de Mozart, et Elsa Dreisig le rôle-titre de Salomé de Richard Strauss.

LES ICONES MODERNES DE JOWLENSKY

Publié le 02/12/2021 à 15:15 par papilacabane Tags : sur moi place saint paris maison dieu nature enfant livre
Les icônes modernes de Jawlensky Le musée La Piscine expose plus de 90 peintures de l’artiste orthodoxe, confrontées à une trentaine d’autres de ses contemporains. Le parcours retrace son évolution, depuis ses débuts figuratifs puis fauves, jusqu’à ses séries de Sainte-Face, géométriques et méditatives.

Lecture en 3 min.

Les icônes modernes de Jawlensky

 

Tête abstraite : Karma, d’Alexej von Jawlensky (1933). Roberto Pellegrini

 

Alexej von Jawlensky, la promesse du visage (1)

La Piscine, Roubaix

Roubaix (Nord)

De notre envoyée spéciale

« Il y a d’abord la droiture même du visage, son exposition droite, sans défense. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. (…) Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps, le visage est ce qui nous interdit de tuer », souligne Emmanuel Levinas (2), qui ajoute que « dans l’accès au visage, il y a certainement aussi un accès à l’idée de Dieu, l’idée de l’infini ». Comment ne pas penser à ces mots en contemplant les visages peints par Alexej von Jawlensky, exposés à La Piscine de Roubaix ? Comme le philosophe, le peintre est né en Russie, un demi-siècle plus tôt, en 1864. Animés d’une foi profonde – l’un est juif, l’autre orthodoxe – ils ont affronté tous deux les tragédies du XXe siècle. En 1939-1945, Levinas a vu une grande partie de sa famille décimée par les nazis. En août 1914, dès la déclaration de guerre, Jawlensky, lui, avait dû quitter précipitamment l’Allemagne pour se réfugier en Suisse. Et c’est dans cet exil qu’il apprit le déclenchement de la révolution russe de 1917 et se rongea les sangs pour ses frères aristocrates, engagés dans l’armée impériale. Ses premières Têtes mystiques naîtront cette année-là… « J’avais compris que la grande peinture n’était possible qu’en ayant un sentiment religieux. Et ceci je ne pouvais le rendre que par le visage humain », écrira-t-il plus tard à son ami Jan Verkade, peintre devenu moine.

Les portraits occupaient déjà une grande place dans l’œuvre de l’artiste russe, comme le rappelle la première section de l’exposition. Formé au réalisme de son maître Repine, il s’en émancipe rapidement en exposant au Salon d’automne de 1905 à Paris où il découvre les Fauves, notamment Matisse. Dès lors, il intensifie ses tons et géométrise le visage de ses modèles, « qui devient presque un masque », note Itzhak Goldberg, le commissaire de l’exposition. En 1908, Jawlensky peint dans une veine similaire des paysages à Murnau en Bavière où il séjourne avec Marianne Werefkin, Gabriele Münter et Vassily Kandinsky. Mais quand ce dernier bascule dans l’abstraction, lui se refuse à choisir.

En 1914, alors qu’il est exilé en Suisse à Saint-Prex, Jawlensky entame une première série, des Variations sur un thème de paysage vu depuis sa fenêtre. Le motif – un chemin bordé d’arbres, avec la silhouette d’une maison et le ciel – rappelle d’abord La Maison du père Pilon de Van Gogh que le peintre russe avait acheté à la veuve de Theo Van Gogh avant de devoir l’abandonner dans sa fuite, à son grand désespoir. Puis, au fil des quatorze Variations réunies à Roubaix, le paysage se synthétise en simples tâches de couleurs, accordées selon la lumière du jour. « Je sentais en moi comme un orgue, dont il fallait absolument que je tire des sons ; et la nature devant moi tenait le rôle de souffle », confiera l’artiste.

La série suivante poursuit ces mêmes variations colorées, cette fois autour du visage de saint Jean-Baptiste ou du Sauveur. Ces Têtes mystiques empruntent aux icônes leur frontalité impassible, leurs grands yeux écarquillés et leurs teintes rutilantes. Jawlensky avait été très impressionné enfant par une icône miraculeuse de la Vierge dévoilée dans une église polonaise, dans une fanfare de trompettes. Des Têtes abstraites leur succèdent, dans lesquelles le visage devient un U, les yeux et la bouche sont fermés par un simple trait. Le point coloré d’un troisième œil apparaît sur le front, témoin de l’intérêt du peintre pour le bouddhisme. Autour du visage, le soleil et la lune surgissent au-dessus d’une ligne d’horizon, inscrivant cette épiphanie dans un cycle cosmique.

Intitulée Méditation, la dernière série de variations sur la Sainte-Face est la plus poignante. Jawlensky l’entame en 1934, à 70 ans, alors qu’il est atteint, comme le peintre Renoir avant lui, d’une polyarthrite rhumatoïde. Handicapé pour peindre, il se rabat sur de petits formats. Et livre désormais des christs de douleur, comme en écho à sa propre souffrance. Il en peindra plus d’un millier jusqu’en 1937, année où les nazis saisissent ses œuvres dans les musées et les exposent comme avec « l’art dégénéré » à Munich. Tracés en épaisses lignes noires, les traits de la Sainte-Face épousent la forme d’une croix, tandis que les couleurs, épandues en longues verticales, suggèrent un visage raviné de larmes. Voilées de noir, ces petites œuvres sourdent pourtant d’un éclat lumineux, comme un vitrail. Jawlensky se souvient-il alors des peintures populaires sous verre, souvent à motif religieux, admiré avec Kandinsky à Murnau ? Il y a dans ces peintures ultimes la lueur d’une incoercible espérance.

(1) L’exposition est présentée pour les 20 ans du musée, jusqu’au 6 février 2022. Rens. : 03.20.69.23.60 ou www.roubaix-lapiscine.com

LA MISSION DE L'ECRIVAIN

Publié le 10/08/2021 à 19:40 par papilacabane Tags : sur bonne vie monde maison dieu pouvoir
La mission de l’écrivain

un été avec Dante (21/34)

Lecture en 2 min.

La mission de l’écrivain

 

Vu par le peintre William Blake (1757-1827) Lucie portant Dante dans son sommeil (1824-1827).Bridgeman

 

« Scribe de Dieu », c’est ainsi qu’il s’avance. Il aborde sa tâche comme une vocation et comme une mission. Le poète s’en explique en écrivant au seigneur Cangrande della Scala, détaillant le projet de sa Divine Comédie: « L’ouvrage entier a pour sujet : l’homme selon que par les mérites ou démérites de sa vie, étant doué de libre arbitre, il va au-devant de la Justice qui récompense et qui châtie. » Il précise son but : « Retirer de l’état de misère les vivants dans cette vie et les conduire à l’état de félicité. »

Dante entend montrer des ­réalités, non des concepts. Il veut dire la béatitude comme une évidence palpable, concevable. De la même manière, il veut exposer les ressorts et entraves de son monde terrestre en mutation. Les guerres, le manque de charité, les blasphèmes, les trahisons, la peste de la corruption et du profit, de l’orgueil et du pouvoir qui gangrène l’Europe, d’Autriche en Écosse, d’Angleterre en Bohême… « Forêt obscure » est le monde dans lequel il vit ; « forêt obscure » est aussi son propre cœur de pécheur. Ce cœur, il veut le mettre entier dans son projet, en rendre témoignage.

Sa mission est une route, un parcours d’écriture. « Comme un pèlerin qui va sur une route où il n’a jamais été, qui prend toute maison de loin pour son relais, et, s’apercevant qu’il n’en est rien, en prend une autre de même, et ainsi de maison en maison, jusqu’à trouver la bonne », écrit-il. « Ainsi notre âme, dès qu’elle s’engage sur le chemin, nouveau et jamais parcouru, de cette vie, tourne les yeux vers son bien suprême, et, pour cette raison, quoi qu’elle voie qui lui semble avoir en soin quelque bien, le prend pour lui. » (Banq IV, 12).

Le rôle de l’écrivain est de « s’ouvrir à la Vérité de haut en bas », écrit Georges Bernanos à son directeur spirituel au moment où il commence l’écriture de Sous le soleil de Satan. À un autre correspondant, il conseille plus tard : « Si le bon Dieu veut vraiment de vous un témoignage, il faut vous attendre à beaucoup souffrir, à douter de vous sans cesse, dans le succès comme dans l’insuccès. Car pris ainsi, le métier d’écrivain n’est plus un métier, c’est une aventure, et d’abord une aventure spirituelle. »

« Ce que je dois narrer maintenant, nulle voix, nulle encre ne l’a encore fait, jamais imaginé mentalement », se vivifie le poète (Par XIX, 7-9). La langue et la poésie sont ses outils, ainsi supplie-t-il le secours de Dieu de faire « que ma langue soit éloquente assez pour qu’une étincelle à peine de ta gloire aux peuples futurs elle puisse laisser ; car à faire retour sur ma mémoire, à faire quelque peu résonner mes vers, on concevra d’autant plus ta victoire » (Par XXXIII, 70-75).

« Dans son impatience d’entendre cette sentence ultime, il projette son environnement terrestre sur les sillons de l’infini, et crée le monde dantesque sub specie aeternitatis – avec la ferme conviction de n’être qu’un mandataire, un annonciateur, un vaisseau de Dieu », écrit le philologue Erich Auerbach.

Le poète montre une insolente assurance. Il est sûr de son dessein et de son destin littéraires. « La sûreté, la tranquillité, la fierté de Dante auteur comme guide de son lecteur – en contraste avec le statut de disciple étonné, hésitant, émotif, qu’il se donne en tant que personnage de son œuvre – est composée de plusieurs strates, note Jacqueline Risset. L’une, la plus surprenante pour nous, est la certitude proprement prophétique qui l’anime ; une autre est liée à l’intensité de l’état poétique qui ne l’abandonne jamais et qu’on pourrait décrire comme une sorte de transe continue dans la langue. »

CELINE

Publié le 06/08/2021 à 16:10 par papilacabane Tags : sur roman monde voyage chez femme mort nuit
L’incroyable réapparition des manuscrits disparus de Louis-Ferdinand Céline « Le Monde » révèle comment ces milliers de pages, dont la partie manquante de « Casse-Pipe » et un roman inédit, disparues en 1944 étaient depuis quinze ans en possession d’un ancien journaliste de « Libération ». Elles devraient être publiées prochainement par Gallimard.

Les faits

Lecture en 2 min.

L’incroyable réapparition des manuscrits disparus de Louis-Ferdinand Céline

 

Longtemps, l’écrivain a clamé que des « pillards », ainsi qu’il qualifiait les libérateurs, lui avaient dérobé de précieux manuscrits dont celui de son roman Casse-Pipe qui devait constituer un triptyque avec Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit. AFP

 

L’histoire est rocambolesque, autant que les circonstances dans lesquelles ces manuscrits avaient disparu, probablement lors de la libération de Paris en 1944. À l’époque, sentant le vent tourner, Louis-Ferdinand Céline, dont les fameux pamphlets antisémites avaient été republiés pendant l’Occupation, avait déjà filé avec sa femme Lucette en direction de Baden-Baden puis de Sigmaringen, laissant l’appartement de la rue Girardon à Montmartre tel quel avec des milliers de pages manuscrites posées sur une armoire.

→ CONTEXTE. Faut-il rééditer les pamphlets antisémites de Céline ?

Longtemps, l’écrivain a clamé que des « pillards », ainsi qu’il qualifiait les libérateurs, lui avaient dérobé de précieux manuscrits dont celui de son roman Casse-Pipe qui devait constituer un triptyque avec Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit. Mais malgré les recherches entreprises après sa mort pour en retrouver la piste, ceux-ci semblaient avoir disparu à jamais dans le chaos de l’histoire.

Un trésor littéraire inestimable

Le quotidien Le Monde a révélé mercredi 4 août les circonstances dans lesquelles ces précieux papiers ont refait surface en 2019 grâce à un journaliste qui les avaient en sa possession depuis plus d’une quinzaine d’années. Jean-Pierre Thibaudat, ancien critique dramatique de Libération, a expliqué que ces documents lui avaient alors été remis par un lecteur à la condition expresse ne pas les rendre publics avant la mort de la veuve de l’écrivain, Lucette Destouches, décédée le 8 novembre 2019 à l’âge de 107 ans.

Le trésor est inestimable. Selon le journal, il y aurait bien parmi ces feuillets les pages manquantes de Casse-Pipe, le manuscrit jusque-là introuvable de Mort à Crédit, un roman inédit intitulé Londres et d’autres écrits et documents. Après un bras de fer judiciaire avec les deux ayants droit de la veuve de Céline, le journaliste a finalement restitué en 2020 ces documents à la justice qui les a fait expertiser avant de les remettre aux héritiers. François Gibault avocat de 89 ans, biographe de référence de l’écrivain, et Véronique Chovin, une amie de la vieille dame devraient les confier à Gallimard pour publication.

Un mystérieux donateur

Mais qui était le mystérieux donateur ? Le journaliste n’a pas voulu le révéler se réfugiant derrière le « secret des sources ». Plusieurs hypothèses, raconte le journal, avaient été avancées sur l’auteur de ce vol. Le nom d’Oscar Rosembly a été évoqué par Céline lui-même. Ce juif corse, réfugié pendant la guerre chez le peintre Gen Paul, ami et voisin de l’écrivain, avait réapparu en FFI à la Libération et aurait perquisitionné plusieurs appartements de célébrités avant de faire de la prison. Yves Morandat, résistant proche de Jean Moulin, qui avait réquisitionné l’appartement de la rue Girardon et y a vécu ensuite plusieurs années aurait pu les avoir eus en sa possession. Ou bien s’agit-il d’un autre de ces « libérateurs » de la butte Montmartre dont les descendants auraient hérité des précieux documents ? On ne le saura peut-être jamais. « Avoir enfin entre les mains ces pages noircies par Céline est très émouvant,a confié François Gibault au Monde. Une fois de plus, même si beaucoup en doutaient, Céline avait dit vrai : on lui avait bien volé ses manuscrits à la Libération. »

L'AMOUR

Publié le 03/06/2021 à 11:50 par papilacabane Tags : image prix sur gif roman moi vie saint amour monde soi chez homme fond femme société texte livre
Dans son nouveau roman La beauté dure toujours (1), le romancier Alexis Jenni célèbre l’amour, loin de tout cynisme. Pour La Croix, il évoque sa fragilité et sa puissance. Et le soin qu’il requiert. Alexis Jenni « On peut faire durer l’amour »Abonnés

Entretien

Lecture en 6 min.

Alexis Jenni « On peut faire durer l’amour »

 

L’écrivain Alexis Jenni.

 

La Croix : Pourquoi écrire sur l’amour d’un homme et d’une femme, « celui qui dure » ? Et pourquoi aujourd’hui ?

Alexis Jenni : On fait des romans pour plusieurs raisons empilées. L’une d’elles est que j’avais beaucoup écrit sur la guerre. Là, j’avais envie d’écrire un livre où les gens ne s’entretuent pas (rires). La guerre et l’amour sont les deux grands sujets de littérature. Mais la littérature privilégie soit le début de l’amour, la joie de l’exaltation, soit sa fin. On adore raconter les amours qui ne marchent pas, l’amour qui s’use, le délitement… Et on se donne alors une lucidité à bon compte. On se prétend dupe de rien. Au fond, l’amour, tout le monde y pense, tout le monde le souhaite, tout le monde en rêve, mais personne n’y croit. C’est un paradoxe très étrange. Avec tout cela, j’ai voulu décrire un amour qui dure, qui soit plein de vitalité, mais de la vitalité de la vie quotidienne.

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→ À LIRE. Hymne à l’amour, le dossier de La Croix

Croire en l’amour serait-il devenu plus difficile ?

A. J. : La sociologue Eva Illouz fait l’hypothèse que le grand amour romantique était lié à une société qui ne le permettait pas. Comme les mariages étaient rigides, plus ou moins arrangés, socialement corsetés, on pouvait fantasmer des amours colossaux, qui transgressaient toutes les règles. Maintenant que les relations amoureuses sont plus fluides, plus évanescentes, on a du mal à penser un grand amour qui occupe toute la vie, qui emploie toutes les forces de l’être et se déploie dans une certaine durée. Rien ne nous empêche plus de transgresser les règles et d’arrêter une relation quand on veut. Alors, celui qui croit en l’amour qui dure passe forcément pour quelqu’un de dupe, un gogo, un naïf. « Moi, je veux bien être dupe », comme dit le narrateur dans le roman.

Vous racontez l’amour d’un couple d’âge mûr, qui a eu d’autres histoires. Est-ce parce que « le culte de la première fois, ça (vous) agace », comme le dit votre narrateur ?

A. J. : Oui, l’idée que la première fois serait pure et intacte, qu’elle serait la vraie expérience et qu’ensuite on serait blasé et désabusé, je n’y crois pas un instant. L’amour n’est pas mieux à 20 ans qu’à 40 ans, et je crois même qu’il est meilleur à 40 ans. À 20 ans, on est plein d’énergie, plein de fougue, mais aussi plein d’idiotie. On a des comptes à régler avec l’enfance, les parents, les modèles que l’on a… Peut-être qu’une fois dépassés ces parasitages, un amour apaisé est possible…

Au fil de votre livre, il semble que les limites humaines et le temps jouent en faveur de l’amour. Est-ce une vérité méconnue ?

A. J. : Je le crois. C’est aussi une vérité mésestimée. Le corps réel, limité, est par définition imparfait, mais c’est cela qui le fait réel et qui fait qu’on peut aimer. Il en va de même pour la dépendance, qui n’est guère valorisée aujourd’hui. Se laisser aller à la dépendance vis-à-vis de l’autre, c’est une caractéristique de l’amour. C’est pour cela que la trahison amoureuse est la pire chose qui puisse arriver. On s’est tellement ouvert, offert, qu’on est nu, sans protection… Je me suis rendu compte, après avoir écrit ce livre, que l’amour est totalement irrécupérable pour le monde contemporain avec ses valeurs de protection, de rapidité, d’autonomie, d’indépendance. Il est tout l’inverse.

Alexis Jenni « On peut faire durer l’amour »
 

Vitrine du restaurant Chez Prosper, dans le 11<sup>e</sup> arrondissement de Paris, au moment de la Saint-Valentin. / Laurent HAZGUI

 

Vous affirmez la vérité et la sincérité des corps. D’où vous vient cette confiance envers le corps, qui va à l’encontre d’une méfiance ancienne, religieuse autant que philosophique…

A. J. :C’est vrai que, dans notre imaginaire, on a l’impression que seule les paroles de confiance échangées sont importantes. Le corps est considéré comme une sorte d’écume. J’inverse les choses, car je suis bien placé pour savoir que les mots peuvent tout inventer (rires) ! J’essaie de garder une éthique dans l’écriture, mais les mots, ça ne pèse pas lourd, ça se met à l’envers, ça se remplace. Le corps ne se remplace pas. Il est là. Notre corps est imprégné de notre esprit. C’est un corps pensé, un corps sensible. En s’approchant de quelqu’un, en le touchant, on apprend beaucoup de lui. Il n’y a pas bien moyen de mentir avec son corps. La dimension érotique est une source de vérité, parce que le corps parle silencieusement. Et on entend très bien.

Vos personnages sont traversés par l’inquiétude pour leur amour et par la conscience de sa force. Cette oscillation est-elle inévitable ?

A. J. :C’est le problème de tout amour. Comme on est emporté par la joie, le temps n’a plus d’importance. On ne prévoit pas que cela va durer, on sent que ça dure. On est dans une sorte de présent où la question de la durée n’a plus de sens. Après, le réel est là : il montre que les choses ont du mal à tenir. L’amour est toujours menacé, menacé de sa propre disparition. C’est toujours inquiétant. Et plus on aime, plus ça fait peur. Ceux qui s’aiment sont dans une sorte de pratique d’équilibriste, entre une éternité ressentie et le savoir qu’en ce monde les choses sont fragiles. Cela ne veut pas dire que rien ne dure. On peut faire durer l’amour. On peut en prendre soin. Comme l’amour est puissant et qu’on ne sait pas d’où il vient, on a souvent l’impression qu’il ne peut qu’être ressenti. Au contraire, je crois qu’il peut et doit être travaillé.

En quoi consiste ce soin de l’amour ?

A. J. :C’est un soin de jardinier. C’est considérer l’autre tout le temps : par le regard, par une attention à ce qu’il est, à ce qu’il fait, à ce qu’il pense. Et remettre ça en permanence sur le métier, par la présence des corps et par la conversation. Ce qui est beau, c’est que l’attention se nourrit de l’attention : plus on regarde l’autre, plus il est un objet fascinant d’attention. Il s’agit de rester émerveillé par l’autre et d’en être content. Cela ne veut pas dire l’idéaliser. L’idéalisation, c’est toxique, parce que c’est toujours raté. Il y a toujours des petites choses qui coincent. Au fond, ce qui ne va pas tellement dans l’autre, ou dans les événements, ce n’est pas très grave. La question n’est pas de savoir si ces grincements doivent avoir lieu ou pas, mais de trouver comment on les traite, comment on les dépasse, comment on les intègre.

→ CHRONIQUE. Une petite explication pas si simple de l’amour

Vos personnages sont sauvés par l’amour. Cela a-t-il pour vous une résonance spirituelle ?

A. J. : L’amour est une expérience d’ouverture à l’autre, qu’il soit un « petit » autre humain ou un « grand » Autre spirituel. C’est une certaine mise en danger de soi et un salut de soi. L’amour sauve du recroquevillement de soi. En acceptant le risque de l’ouverture, la dépendance, la fragilité, à ce prix, on peut sortir de soi, arriver à être autre chose que soi. Tout seul, on n’est pas grand-chose… L’amour et la foi ont le même mouvement.

« La beauté dure toujours », promet votre titre. Quelle est cette beauté ?

A. J. :Ce n’est pas la beauté de magazine. À un moment, Noé dit à Felice, la femme qu’il aime : « La beauté, c’est l’effet que tu me fais. »J’y crois profondément. Quand on aime, ce n’est pas tant l’apparence de l’autre qui est aimée, mais l’autre qui se manifeste par son apparence. Et si son apparence change au fil du temps, c’est toujours lui ou elle. L’autre marqué par le temps, c’est toujours l’autre. Il fait toujours effet. Donc, la beauté est toujours là. La beauté est dans l’enthousiasme qui mène à l’autre.

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Puissance de l’amour

Comment décrire l’amour ? Question d’amoureux, question d’écrivain… À travers la relation de Noé, dessinateur, et de Felice, avocate, le romancier Alexis Jenni écrit l’invisible puissance de l’amour : ses commencements et sa durée, son intimité et sa sensualité, ses tremblements et sa joie. Faisant alterner la parole des amants et celle d’un narrateur, ami et témoin, le romancier multiplie les points de vue pour approcher le mystère de l’amour et en faire mémoire. L’exaltation de l’amour charnel prend ici les couleurs du Cantique des Cantiques. Alexis Jenni a métabolisé ce texte biblique et, avec une audace délicate, le déploie de manière très contemporaine. « J’ai voulu retrouver l’intensité de cette proclamation amoureuse et l’élan qui traverse ce texte, mais aussi le transformer en quelque chose de plus romanesque,confie l’écrivain. C’était aussi une façon de faire de l’érotisme une mythologie.»

(1) Gallimard, 254 p., 19 €. Alexis Jenni publie une chronique hebdomadaire à « La Croix »

MUCEM

Publié le 20/05/2021 à 08:23 par papilacabane Tags : image sur gif vie place enfants travail mort rose centre femmes nuit fille livre
Au Darfour, en ex-Yougoslavie ou en Palestine, l’effroi dessiné à hauteur d’enfant Avec l’exposition « Déflagrations. Dessins d’enfants et violences de masse », le Mucem à Marseille offre une plongée dans l’indicible brutalité des conflits. Un siècle de récits graphiques, livrés par de jeunes témoins ou victimes.

Lecture en 3 min.

Au Darfour, en ex-Yougoslavie ou en Palestine, l’effroi dessiné à hauteur d’enfant

 

Mario, 11 ans, de Pozega en ex-Yougoslavie, La Peur, 1994 Extrait de : UNICEF, I dream of peace. Images of War by Children of Former Yugoslavia

 

C’est un monstre aux yeux noirs vides de vie, à la gueule rouge et aux longues pattes puissantes et crochues. Sur ce dessin d’un petit Mario, garçonnet de 11 ans, de Pozega en ex-Yougoslavie, la créature renverse, insatiable, des hommes tout petits. Des corps ensanglantés, désarticulés, impuissants, face à cet adversaire qui les domine. Son dessin furieusement coloré, Mario l’a baptisé La Peur.

Au Darfour, en ex-Yougoslavie ou en Palestine, l’effroi dessiné à hauteur d’enfant
 

Garçon de 15 ans, réfugié érythréen dans un centre de détention officiel pour migrants en Libye, octobre 2019. / Courtoisie : Médecins Sans Frontières

 

Comme beaucoup des pages – quadrillées ou non, colorées ou monochromes, figuratives ou plus abstraites – exposées au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), à Marseille, du 19 mai au 29 août, ce dessin-là nous hante. Sans doute parce que la peur est le fil invisible qui relie les 150 pièces de « Déflagrations. Dessins d’enfants et violences de masse » .

→ SÉLECTION. Quelles expositions voir pour la réouverture ?

« Nous pouvons avoir le courage de nous tenir devant ces dessins »

« Nous devons rendre hommage à ces enfants. Nous pouvons, collectivement, avoir le courage de nous tenir devant ces dessins, quand eux ont été devant la guerre qui tue. Ce projet veut donner une place et reconnaître ces mémoires, ces récits d’hier et d’aujourd’hui. Car sous l’apparente fragilité de ces traces, ce sont de grands récits », analyse Zérane S. Girardeau, commissaire de l’exposition. Elle est la fondatrice de l’association Déflagrations qui, depuis 2013, orchestre un patient et nécessaire travail de valorisation de cette expression graphique hors norme.

Ces 150 dessins proviennent de bibliothèques, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’archives de psychiatres, psychologues, ou de correspondants de guerre... « Ce sont autant d’alertes et d’avertissements que transmet l’enfant à l’adulte »,poursuit la commissaire qui met là en lumière « une matière commune par-delà le temps, les cultures, les territoires ».

Au Darfour, en ex-Yougoslavie ou en Palestine, l’effroi dessiné à hauteur d’enfant
 

Garçon de 10 ans, camp de personnes déplacées dans le secteur <br/>de Maban, Soudan du Sud, mars 2017. / UNHCR Soudan du Sud

 

Ce qui frappe – outre la violence inouïe dont ces enfants sont témoins, victimes ou acteurs –, c’est la similitude des scènes retranscrites. Le monstre, infiniment personnel mais universel, du petit Mario ressemble comme un frère de cauchemar à celui d’un garçonnet syrien ou d’un enfant qui a réchappé de la guerre d’Espagne. Époques et pays se répondent, du Chili au Rwanda, de la Pologne au Nigeria, du Darfour à la Syrie...

Une émotion palpable

Parfois ces dessins ne sont que gribouillis et explosions de couleurs. L’émotion n’est pas moins palpable. Comme dans les traits sommaires de Moataz, Palestinien de 5 ans qui a vu des victimes de bombardement déchiquetées et dessine « une fille comme une omelette ». Il voisine avec le témoignage coloré de Kenza (4 ans) qui a survécu à l’attentat de Nice.

Mais souvent, ces récits graphiques sont d’une précision qui prend aux tripes. Dans une vidéo, l’ethnologue Françoise Héritier (1933-2017), par ailleurs marraine de « Déflagrations », livre une analyse implacable du dessin bouleversant d’un adolescent du Darfour. « Il est d’une froideur objective totale. Il rend au mieux ce qu’il a vu »,souligne-t-elle. Cases brûlées, femmes enlevées, exécutions sommaires... Ce dessin-là, comme plusieurs qui documentent les camps de la mort nazis, les décapitations de masse dans Rakka aux mains des djihadistes ou l’extermination des Rohingyas en Birmanie, est difficilement soutenable.

Au Darfour, en ex-Yougoslavie ou en Palestine, l’effroi dessiné à hauteur d’enfant
 

Élève d’une école de jeunes filles à Paris, 1939. Paris la nuit, <br/>descente aux caves-abris lors d’une alerte aérienne. / Réseau Canopé - Le Musée national de l’Éducation

 

Enki Bilal, artiste associé de cette exposition, propose une « interprétation-montage » de Guernica de Picasso ; quand d’autres artistes, comme Ernest Pignon-Ernest, répondent à certaines œuvres des petites victimes. Parce que le dessin est, aussi, « un geste qui résiste, un geste qui cherche à sauver la vie »,complète Zérane S. Girardeau. L’espoir est parfois loin dans les ténèbres. Mais par endroits, la résilience pointe. Alors, une fillette irakienne de 8 ans peut laisser éclore des myriades de fleurs rouges sur sa feuille rose.

FALLING

Publié le 20/05/2021 à 08:21 par papilacabane Tags : sur monde chez homme enfants femme mort histoire heureux nature fille carte film
« Falling », le crépuscule de l’homme L’acteur Viggo Mortensen passe pour la première fois derrière la caméra et signe un film sensible et poignant sur l’incommunicabilité des sentiments entre père et fils.

Critique

Lecture en 2 min.

« Falling », le crépuscule de l’homme

 

L’impossible dialogue entre Willis (Lance Henriksen) et son fils John (Viggo Mortensen). Metropolitan Filmexport

 

Falling **

de Viggo Mortensen

Film américain, 1 h 52

Lorsqu’il prend l’avion pour se rendre chez son fils, Willis, 75 ans, est en pleine confusion. Des images du passé surgissent à la manière de flashs et le replongent dans les premiers temps heureux de son mariage, avec sa femme Gwen, dans la ferme du nord-est des États-Unis où il s’est installé comme agriculteur. Un homme sûr de lui et dominateur, laissant entrevoir le père dur et cruel qu’il sera pour ses enfants. Dès le prologue du film, les premiers symptômes de la démence sénile dont il est atteint et la nature difficile de sa relation avec John, son fils aîné, sont installés.

 

 

Tout oppose les deux hommes. Willis, incarné magistralement par l’acteur Lance Henriksen, est tout en aspérités. Acariâtre et ordurier, il remâche l’échec de ses deux mariages qu’il finit par confondre, et vomit un monde qu’il ne comprend plus. John, son fils, est pilote de ligne en Californie, où il vit avec son mari, Eric, et leur petite fille, Monica. Contraints de cohabiter en attendant de trouver une solution pérenne, père et fils s’affrontent parfois violemment autour de leur passé commun et des souvenirs qu’ils en gardent.

C’est à la mort de sa propre mère, et alors que son père déclinait, que l’acteur Viggo Mortensen a écrit cette histoire et a eu envie de passer derrière la caméra. Très vite, il en a arrêté la construction sous forme de flash-back, reflets de la mémoire déconstruite du vieil homme. Ils nous entraînent avec fluidité de l’Amérique rurale des années 1960, avec ses paysages de carte postale et son modèle patriarcal, à celle de la côte Ouest d’aujourd’hui, urbaine, métissée et libérale.

Le portrait de deux Amérique que tout oppose

La relation complexe entre le père et le fils, faite d’admiration et de rejet, est en permanence sous-tendue par ce clivage générationnel et géographique qui dresse en creux le portrait de deux Amériques. Et par l’homosexualité de John qui oppose les deux hommes sur une certaine conception de la masculinité. Viggo Mortensen, qui a choisi d’interpréter lui-même le rôle de John, ne réduit pourtant pas son film à ce simple antagonisme.

→ À LIRE. Viggo Mortensen, artiste et humaniste

Un apprivoisement du père par le fils

Dans une deuxième partie émouvante, les deux hommes de retour dans la ferme familiale vont apprendre à s’apprivoiser. À l’irritabilité du père répond la patience infinie du fils. Derrière la carapace du monstre, dont les jours sont désormais comptés, affleurent les regrets et la culpabilité qui rongent cet homme malheureux.

→ À LIRE. Metin Arditi : « La vraie question entre un père et son fils est celle de l’estime »

C’est là que le film atteint son but et est le plus bouleversant, lorsqu’il montre à travers quelques mots ou gestes simples toute la force de l’amour filial et sa capacité à surmonter l’incommunicabilité des sentiments entre père et fils.

• Non ! * Pourquoi pas ** Bon film *** Très bon film **** Chef-d’œuvre

JEAN-CLAUDE CARRIERE

Publié le 09/02/2021 à 11:15 par papilacabane Tags : sur roman vie france saint monde amour animaux presse homme article femme mort pouvoir
Jean-Claude Carrière, scénariste et écrivain, est mort à l’âge de 89 ans Le grand complice de Luis Buñuel a mis sa plume féconde au service des plus grands réalisateurs et metteurs en scène. Ce conteur né, passionné par les religions, est mort lundi 8 février. Jean-Claude Carrière, en 2014. Jean-Claude Carrière, en 2014. PHILIPPE MATSAS OPALE / LEEMAGE

Il se définissait comme un « encyclopédiste au temps des frères Lumière ». Le scénariste, dramaturge et écrivain Jean-Claude Carrière est mort lundi 8 février à l’âge de 89 ans, a annoncé sa famille à l’Agence France-Presse (AFP).

Né le 17 septembre 1931 à Colombières-sur-Orb dans l’Hérault, dans une famille de viticulteurs habitant une ferme sans eau courante, un milieu sans livres et sans images (il a raconté son enfance dans Le Vin bourru, Plon 2000), ce futur Arcimboldo des bibliothèques, d’instinct touche-à-tout du savoir, parle occitan jusqu’à 13 ans. Puis ses parents ­prennent la gérance d’un café à ­Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), tandis que, boursier, il poursuit des études au lycée ­Voltaire, puis au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine),, et à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, d’où il sort titulaire de maîtrises de lettres et d’histoire.

Conteur né, pédagogue surdoué, passeur éclectique, Jean-Claude Carrière aura passé sa vie à rencontrer, explorer, communiquer, partager, rendre ce qu’il a reçu, griot des temps modernes mi-enchanteur mi-iconoclaste doté d’un sens inné de la clarté, voué à « pouvoir tout dire à tout le monde ».

Sollicité pour se présenter à l’Académie française, et dans d’autres glorieuses institutions, il a toujours décliné ces invitations, fidèle à son refus de ce type de notoriété.

Vivre de sa plume

Le rire fut l’une des boussoles de cet homme qui refoulait l’esprit de sérieux et ne voulait « rien de pontifiant ». Après avoir publié un premier roman en 1957, Lézard (l’histoire d’un fainéant), ainsi que quelques romans d’épouvante sous le pseudonyme de Benoît Becker, il fait la connaissance de Jacques Tati, pour lequel il doit écrire une novélisation des Vacances de Monsieur Hulot, puis deMon oncle.

Griot des temps modernes mi-enchanteur, mi-iconoclaste, il est doté d’un sens inné de la clarté, voué à « pouvoir tout dire à tout le monde »

Devenu acolyte de Pierre Etaix, il cosigne le scénario de ses films, du Soupirant(1963) au Grand Amour (1969), complice de l’ex-assistant de Tati au point de faire le perchman, l’accessoiriste… Auteur de sketchs pour la télévision, plume et histrion des chansonniers Jacques Grello et Robert Rocca, et auteur du commentaire d’un documentaire sur le biologiste Jean Rostand et la vie sexuelle des animaux (Le Bestiaire d’amour, de Gérald Calderon, 1963), il a décidé de vivre de sa plume.

Le surréalisme est son dada. L’une de ses grandes complicités aura été celle qu’il entretint avec Luis Buñuel, qui cherchait un scénariste pour adapter Le Journal d’une femme de chambre, d’après Octave Mirbeau (1964). Les deux hommes ne se sépareront plus, jusqu’à Cet Obscur objet du désir (1977), cultivant dix-neuf ans une complicité d’irrévérences, amoureux des blagues, des délires de l’imaginaire, de l’irruption de l’irrationnel, de l’irrévérence et des récits bousculant la dramaturgie traditionnelle.