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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
31.01.2025
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Après la méditation
Mary Oliver, “Blue Iris,” in Devotions (NY: Penguin, 2017), p. 215.
IRIS BLEU
Maintenant que je suis libre d’être moi-même, qui suis-je ?
Je ne peux pas voler, je ne peux pas courir, et je vois à quel point je marche lentement.
Alors je pense que je peux lire des livres.
« Que fais-tu ?
crie la mouche à tête verte en passant.
Je referme le livre.
Eh bien, je peux écrire des mots, comme ceux-ci, doucement.
« Que fais-tu ? murmure le vent qui s’arrête juste derrière la fenêtre.
Donne-moi un peu de temps, réponds-je à son visage argenté qui me fixe.
Cela n’arrive pas tout d’un coup, tu sais.
« Ah bon ? » dit le vent, et il ouvre grand, libérant une distillation d’iris bleu.
Et mon cœur s’affole de ne pas être, comme je le souhaite ardemment,
un réceptacle vide, en attente, pur et sans voix.
Critique
Lecture en 2 min.
Circé, Poèmes d’argile
de Margaret Atwood
Traduit de l’anglais (Canada) par Christine Evain, avec la participation de Bruno Doucey
Éd. Bruno Doucey, 76 p., 14 €
Voici un recueil de la poétesse canadienne Margaret Atwood qui saute au visage de celui qui le lit. Par ses mots, celle qui est également l’autrice du roman resté fameux, La Servante écarlate, se saisit du parcours de Circé, la magicienne de la mythologie grecque aussi redoutée que puissante. Mais elle le fait à sa manière, offrant une relecture très personnelle de la mythologie grecque à laquelle son personnage appartient.
La Circé qui se dévoile ici nous semble inconnue. Quant à Ulysse, qui visita, selon L’Odyssée, la magicienne sur son île d’Eéa, il est celui qui débarqua un jour de son « stupide bateau ». « N’es-tu pas las de tuer/ceux dont la mort a été prédite/et qui sont donc déjà morts ?/N’es-tu pas las de vouloir/vivre éternellement ? », lance la magicienne au visiteur. Son île, ses « arbustes rabougris », ses « rocailles pittoresques » et ses « couchers de soleil généreux », dignes de « brochures de voyage » prennent une autre dimension que celle dépeinte par Homère. Comme si la Circé d’Atwood nous plongeait d’un coup dans un réalisme cru, éloigné du romantisme que certains attribuent à la mythologie grecque.
Editions Bruno Doucey
« Le propre des figures mythologiques est bien que chacun se les approprie et les revisite à sa manière. Margaret Atwood ne fait pas exception, et nous invite à une relecture aussi subversive qu’émouvante du mythe de Circé », commente très justement Muriel Szac dans la préface.
→ CRITIQUE. « Graine de sorcière », de Margaret Atwood : Shakespeare en prison
Ces mots, parfois crus ou violents, sont des cris d’amour lancés à la face du héros, de la part d’une femme que la passion immense ne semble jamais quitter. Y compris à l’heure du départ, alors qu’Ulysse est rappelé à son devoir par ses compagnons, après une année de repos. Alors, la Circé de Margaret Atwood a peur. Peur du départ et de la solitude.
Et elle le dit avec ses mots de verre et d’argile, d’où se dégagent une force et une fragilité entremêlées. « Dans l’histoire, le bateau disparaît un jour à l’horizon, il disparaît tout simplement, et on ne dit pas ce qui se passe alors. Je veux dire, sur l’île. » Elle poursuit, angoissée : « Suis-je vraiment immortelle, le soleil s’en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l’histoire tu pars, et l’histoire est sans pitié. »
Critique
Lecture en 2 min.
Au loin le ciel du SudetAinsi nous leur faisons la guerre
de Joseph Andras
Actes Sud, 112 p. et 94 p., 9,80 € chaque
Joseph Andras se dérobe à la curiosité publique dans une forme d’orgueil gracquien. Son refus d’apparaître, son rejet du Goncourt des lycéens en 2016 pour son premier livre, De nos frères blessés, sont martelés à satiété. Or derrière cet effacement de l’auteur prospère une quête esthétique, morale et politique rarement soulignée : mettre en relief ceux qui furent balayés, broyés, biffés ; par l’histoire ; ou plutôt par le système, ainsi dénoncé. L’écrivain se veut invisible, pour qu’il nous soit enfin possible de discerner ceux auxquels il se consacre – en leur édifiant des tombeaux poétiques.
Il y eut celui du militant communiste Fernand Iveton guillotiné aux dernières années de l’Algérie française (De nos frères blessés), puis celui d’un non-violent kanak poussé à bout par la domination coloniale, en 1988, lors de la tragédie d’Ouvéa (Kanaky. Sur les traces d’Alphonse Dianou). Joseph Andras n’aime-t-il que les destins terrassés pour ainsi concocter des hymnes déchirants « Aux captifs, aux vaincus !… à bien d’autres encor ! » (Baudelaire) ?
Trouvère en tension – chacune de ses phrases obéit à une placidité surchauffée –, Andras refuse pourtant que son écriture et sa révolte ne virent au procédé. Il fore aujourd’hui dans le destin d’un être devenu considérable donc dominateur – Hô Chi Minh (1890-1969), maître de la République démocratique du Vietnam –, mais en pistant la période parisienne du héros en devenir, à la fin de la Première Guerre mondiale. C’était encore Nguyên Ai Quôc. Le futur oppresseur, au nom de la raison d’État communiste, était alors un opprimé lambda du capitalisme. Le voici saisi par un romancier-entomologiste, de garnis en sous-pentes sordides de la prétendue Ville lumière.
Dans les plis sinueux de la vieille capitale, de fil en aiguille, le récit se fait palimpseste : Fourier, Lénine, Cézanne et d’autres silhouettes ayant hanté les lieux se faufilent, les morts de la Commune ou du métro Charonne s’infiltrent, et même des gilets jaunes s’insinuent. Tandis que Joseph Andras bâtit une prosopopée libertaire aux accents parfois – inconsciemment – malruciens : « Tu sais, bien sûr, que les clairs-obscurs ne font pas corps, que l’ennemi n’a jamais suffi à serrer les rangs, que sourire aux slogans reste un art de coquet. Tu n’en crois pas moins qu’il convient d’écouter l’allié jusqu’à l’aube sitôt que l’ogre appointe ses crocs ; que la désunion est un luxe auquel la Terre n’a pas encore droit ; qu’il faut chercher dans le jour ce que la nuit nous dit et dans la nuit ce que le jour dévoile. »
Au loin le ciel du Sud charrie une mélancolie réfractaire. Sur un ton plus froid et tenu, mais non sans un pouvoir d’évocation toujours terrible (« soixante-dix balles pénètrent le dedans de l’animal, sa chair vive et chaude »), Joseph Andras publie concomitamment un autre livre, tout aussi bref : Ainsi nous leur faisons la guerre. C’est un triptyque dévolu à la cause animale, à la condition humaine, au sort fait aux femmes, aux adversités qu’éprouve le monde du travail, à la violence de l’ordre des choses.
Une fois de plus, ce sont moins les préventions, les allergies, les idées voire l’idéologie de l’auteur qui nous happent, que le lyrisme maîtrisé, le rythme déterminé, la richesse du timbre et la formidable pulsation d’une prose d’aède insoumis : « Mais nous rions des poètes, innocents que nous sommes. »
Critique
Lecture en 2 min.
Le désir en nous comme un défi au monde. 94 poètes d’aujourd’hui
Anthologie réunie par Jean-Yves Reuzeau
Le Castor astral, 416 p., 15 €
Le Désir. Aux couleurs du poème
Anthologie établie par Bruno Doucey & Thierry Renard
Bruno Doucey, 216 p., 20 €
Home body
de Rupi Kaur
Traduit de l’anglais (Canada) par Sabine Rolland, NiL, 192 p., 17,50 €
Désir de vivre, désir d’aimer. Désir, en temps de pandémie, de se réapproprier la langue. Les deux principales anthologies parues à l’occasion du Printemps des poètes, courant jusqu’au 29 mars, permettent, à travers ce thème, de découvrir une nouvelle génération de voix féminines utilisant naturellement les réseaux et renouant avec un lyrisme direct, faisant place au corps, aux questions de l’origine et des discriminations. La poète et journaliste franco-marocaine Rim Battal, née en 1987, reprend ainsi les codes de la poésie amoureuse classique. « Ta cuisse a le parfum de l’herbe/ et de l’ail / et du citron confit / ton œil est l’alun qui flambe au fond du brasero »,déclare-t-elle, posant la question de toutes nos libertés, de leurs conditions, pouvant placer sa mélodie dans un contexte ultra-contemporain faisant contraste, comme un complexe touristique déshumanisé – cadre de son dernier recueil Les Quatrains de l’All inclusive(Le Castor astral).
→ CHRONIQUE. La poésie, notre refuge
Chanteuse franco-tunisienne née en 1988, Nawel Ben Kraïem lance quant à elle « L’accent de la daronne chantonne / Et mes deux sud y fusionnent / Va voir si je n’y suis pas / Couchée sous mes fantômes à moi », témoignant d’une expérience vécue, point de départ désormais préalable pour légitimer d’autres revendications. Son premier recueil J’abrite un secret paraîtra en mai chez Bruno Doucey.
Une génération à l’image de la jeune Américaine Amanda Gorman, poète et militante de 22 ans découverte lors de l’investiture de Joe Biden, dont la première traduction en français paraîtra en mai chez Fayard. Dans le sillage également du succès étonnant de la poète canadienne d’origine indienne Rupi Kaur dont le troisième livre, Home body, sort chez NiL. Une poésie de l’émotion, souvent hélas un peu trop facile, rappelant certains mantras du développement personnel « Tu as tout à gagner / à croire en toi-même /pourtant tu as passé tout ton temps à douter de toi ». Poèmes courts, au format adéquat pour le réseau Instagram où elle s’est fait connaître, qui séduisent peut-être justement par cette expression proche du journal intime.
Pour accueillir ces voix, de nouvelles collections de poche, aux prix accessibles et aux maquettes colorées, voient également le jour : L’Iconopop chez L’Iconoclaste avec Décomposée, recueil à l’ambition formelle remarquable de Clémentine Beauvais, auteure du roman versifié Songe à la douceur et en Poche/poésie au Castor astral, avec la réédition des Ronces rassemblant les premiers poèmes de la romancière Cécile Coulon. Le désir de poésie n’est pas près de s’éteindre.
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Le poète et traducteur suisse de langue française Philippe Jaccottet, dernier grand poète du XXe siècle, est décédé à Grignan (Drôme) où il vivait, à l’âge de 95 ans. Mort du poète suisse Philippe Jaccottet, la justesse d’une voix Abonnés
Portrait
Lecture en 3 min.
Peu d’œuvres poétiques contemporaines nous apparaissent plus proches et fraternelles que celle de Philippe Jaccottet. « Notre compagnon d’ignorance », disait de lui le critique Jean Starobinski, le comparant à Montaigne et soulignant combien sa « vérité était paradoxalement du côté de l’hésitation, du non-savoir, de l’incertitude ». Quant au poète Jacques Dupin, lui aussi son contemporain, il admirait « qu’il ait osé écrire et imposer le mot “Joie” comme un feu léger mais opiniâtre au-dessus du malheur et à travers la nuit ».
→ À LIRE. Jaccottet, « juste de vie, juste de voix »
Ces justes appréciations mettent en lumière le mouvement naturel de partage avec le lecteur et le refus d’affirmer, par le poème, quelque suprématie ou conquête de l’esprit. Refus qui englobe spiritualité et foi, mais sans arrogance ni amertume. L’un de ses commentateurs, Jérôme Thélot, parla d’une « rhétorique de l’humilité ».
Né le 30 juin 1925 à Moudon en Suisse, dans le canton de Vaud, Philippe Jaccottet, de culture protestante, fit ses études à Lausanne, passa quelques années après guerre à Paris, avant de s’installer en 1953 à Grignan (Drôme). Il publiait cette même année son premier recueil, L’Effraie.
Plusieurs rencontres marquèrent sa formation, dont celle du poète romand Gustave Roud (1897-1976), avec qui il noue une amitié profonde. Une autre le lia à Francis Ponge, dont le point de vue sur la poésie (et donc sur le monde) différait du sien. Philippe Jaccottet ne plaça jamais la poésie sur un piédestal, ne sacralisa pas son exercice. Ainsi, son immense travail de traduction (Homère, Ungaretti, Hölderlin, Rilke, Musil…) n’est pas séparable de son univers poétique.
→ CRITIQUE. « Ponge, pâturages, prairies », l’ombre nécessaire à un trop radieux soleil
De même la poésie, au sens strict, trouve d’admirables extensions dans la note, le fragment (La Semaison, 1971 et 1984) ou le récit (L’Obscurité, 1961). Dans le même espace de pensée, on trouve une œuvre de lecteur et critique (L’entretien des muses, 1968 ; Une transaction secrète, 1988). En 2014, la Pléiade réunira soixante ans de sa création poétique.
Jaccottet confiait « au paysage – à la transformation d’un paysage visuel en paysage linguistique – la tâche de transposer les grandes questions poétiques, le va-et-vient de la pensée dans l’écriture, et même quelques questions d’ordre philosophique », expliquait Fabio Pusterla en introduction de ce volume. Le paysage, grand sujet de l’œuvre de Jaccottet, qui permit de dire bien plus que le panorama bucolique.
Dans le magnifique texte réflexif et contemplatif Paysages avec figures absentes(1970), l’écrivain expliquait : « Je n’ai presque jamais cessé, depuis des années, de revenir à ces paysages qui sont aussi mon séjour. Je crains que l’on ne finisse par me reprocher, si ce n’est déjà fait, d’y chercher un asile contre le monde et contre la douleur, et que les hommes, et leurs peines (plus visibles et plus tenaces que leurs joies) ne comptent pas assez à mes yeux. Il me semble toutefois qu’à bien lire ces textes, on y trouverait cette objection presque toute réfutée. Car ils ne parlent jamais que du réel, de ce que tout homme aussi bien peut saisir (jusque dans les villes, au détour d’une rue, au-dessus d’un toit). Peut-être n’est-ce pas moins utile à celui-ci. »
« Peut-on dire que le paysage est la figure qui englobe toutes les autres, paysage où l’on cherche des traces, où l’on découvre des signes de l’Illimité, où l’on apprend à se tenir sur Son seuil ? », interrogeait en 2002 le théologien Jean-Pierre Jossua, disparu début février. Le Dominicain y étudiait les figures de l’œuvre de Jaccottet –air, lumière, nuit, nuages, arbres, fleurs, oiseaux –, en y conviant les figures humaines, qu’on a parfois dit en être absentes. Il reprenait là, faisant une lecture spirituelle de l’œuvre, le thème du seuil abordé de manière ouverte par le poète. Ainsi dans Paysages: « On est debout à cette porte, appuyé à ses montants de pierre immémoriale, et dont la chute vous briserait. Comme un pèlerin écoutant matines, mais sonner dans un espace inconnu, pour un dieu encore sans nom ».
→ CRITIQUE. Philippe Jaccottet, la poésie jour après jour
« Tant d’années,/ et vraiment si maigre savoir,/ cœur si défaillant… », écrit Jaccottet dans Pensées sous les nuages (1983). Et aussi, dans L’Ignorant (1958) : « Seul peut entendre le cœur/qui ne cherche la possession ni la victoire… »Il ne faut pas interpréter ces mots, si simples et nus, comme un renoncement ou l’expression d’un désespoir – même si le chagrin et l’inquiétude ne sont jamais loin –, mais comme une ouverture, une attente, une éthique d’existence : celle qu’il nous lègue.
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Jour à peine plus jaune sur la pierre et plus long,
ne vas-tu pas pouvoir me réparer ?
Soleil enfin moins timoré, soleil croissant,
ressoude-moi ce cœur.
Lumière qui te voûtes pour soulever l’ombre
et secouer le froid de tes épaules,
je n’ai jamais cherché qu’à te comprendre et t’obéir.
Ce mois de février est celui où tu te redresses
très lentement comme un lutteur jeté à terre
et qui va l’emporter
soulève-moi sur tes épaules,
lave-moi de nouveau les yeux, que je m’éveille,
arrache-moi de terre, que je n’en mâche pas
avant le temps comme le lâche que je suis.
Je ne peux plus parler qu’à travers ces fragments pareils
à des pierres qu’il faut soulever avec leur part d’ombres
et contre quoi l’on se heurte,
plus épars qu’elles.
Dans Pensées sous les nuages,1983.
Trois nouveaux livres de Philippe Jaccottet sont à paraître en mars :Le dernier livre de Madrigaux (poésie) etLa Clarté Notre-Dame (notes) chez Gallimard, etBonjour, Monsieur Courbet (Le bruit du temps)
On tient entre nos mains ses livres ultimes, la Clarté Notre-Dame et le Dernier Livre de Madrigaux qui paraîtront les premiers jours de mars chez Gallimard, et c’est une expérience bouleversante à l’heure où l’on apprend la mort de Philippe Jaccottet, l’un des plus grands de l’époque, l’un des trois poètes à avoir été publiés de leur vivant dans la Pléiade (avec René Char et Saint-John Perse). On y retrouve ce qui a fait l’inépuisable lumière et la grâce puissante de son œuvre.
Dans la forme d’abord : la Clarté Notre-Dame fait partie des carnets qui ont toujours accompagné les recueils de Philippe Jaccottet, mêlant prose poétique et vers, observations et questionnements, réflexions sur ses lectures, sur les poètes qu’il a traduits et tant aimés.
Le texte s’ouvre sur un éblouissement fugace, mêlé au souvenir d’une promenade en montagne, dans la grisaille d’un paysage hivernal, mais où retentit soudain « la petite cloche » des vêpres du monastère des sœurs dominicaines de Salernes (83).
Ce « tintement pur, léger, fragile et pourtant net » qu’il essaie de garder par les mots « vivant comme un oiseau dans la paume de la main » pourrait résumer à lui seul la quintessence de la poésie de Jaccottet : la fulgurance qui traverse le promeneur inlassable et attentif qu’il fut, le paysage qui dit toute la mélancolie des dernières années hantées par l’approche de la mort, l’éphémère et profonde sensation de joie à saisir en recherchant au plus près sa vérité par le mot juste.
Tout le combat poétique de Philippe Jaccottet est là, matérialisé par cette balance qu’À travers un verger avait décrite en 1975 : « Sur un plateau, il y avait la douleur, la mort, sur l’autre la beauté de la vie. Le premier portait toujours un poids beaucoup plus lourd, le second, presque rien d’impondérable. Mais il m’arrivait de croire que l’impondérable put l’emporter, par moments. »
Le « par moments » est essentiel. Car cet instant de joie singulière que le poète saisit par l’ouïe dans la Clarté Notre-Dame est plus que jamais assiégé par les tourments que procurent la conscience accablante de la violence inhérente à la vie humaine, le « trop grand âge » et la proximité de la fin, le poète est décédé à 95 ans.
Fragile et intense rempart donc que celui du poème, tiré du paysage qui garde la trace de l’illimité, qui laisse entrevoir les signes du sacré, du plus grand que soi. Mais avec toujours cette humilité et cette réserve qu’on trouve chez Jaccottet, élevé dans la culture protestante de sa Suisse natale, et devenu un mystique sans dogme.
Il le répète ici : « respectueux comme je le suis de l’univers religieux, même si je n’y baigne plus depuis longtemps, et n’y ai, tout compte fait jamais baigné vraiment ».
Les moments d’émerveillement, les épiphanies de Philippe Jaccottet passent enfin par la musique, en témoignent les courts poèmes polyphoniques en vers libres des madrigaux, hommages à Monteverdi mais aussi à tous les anciens bardes que le poète admire.
Entre les royaumes des ombres (ceux des œuvres universelles qu’il a traduites, d’Homère à Dante) et le ciel solaire ou le lac de lumière, entre la beauté et la douleur du monde, on choisit de garder « la braise qui a sauté contre son cœur ». Jaccottet avait titré l’un de ses plus beaux poèmes du recueil l’Ignorant : « Que la fin nous illumine »…
À lire
Les deux derniers ouvrages de Philippe Jaccottet, en librairie le 8 mars 2021.
• Gallimard
• La Clarté Notre-Dame, de Philippe Jaccottet, Gallimard, 10 €, en librairie le 4 mars 2021. La Vie aime : passionnément.
La Vie aime : passionnément.
• Le Dernier Livre de Madrigaux, de Philippe Jaccottet, Gallimard, 9 €, en librairie le 4 mars 2021. La Vie aime : passionnément.
• Œuvres, de Philippe Jaccottet, collection de la Pléiade, Gallimard, 66,50 €. La Vie aime : passionnément.
• Bonjour, Monsieur Courbet. Artistes, amis, en vrac, 1956-2008, de Philippe Jaccottet, le Bruit du temps, 39 €, en librairie le 19 mars 2021.
Amanda Gorman, « The Hill We Climb » [La montée que nous gravissons], présenté à Washington DC le 20 janvier 2021.
Et ainsi nous levons les yeux non pas sur ce qui se trouve entre nous,
mais sur ce qui se trouve devant nous.
Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout,
nous devons d’abord mettre nos différences de côté.
Nous déposons les armes
pour pouvoir tendre les bras aux autres.
Nous cherchons à supprimer tout mal et apporter l’harmonie à tous.
Que la Terre, au moins, dise ceci qui est vrai :
Que même si nous avons pleuré, nous avons grandi,
Que même si nous avons souffert, nous avons espéré,
Que même si nous étions fatigués, nous avons essayé.
Tukaram (v. 1608-1649), « Certitude » dans Love Poems from God, ed. Daniel Ladinsky, New York, Penguin Compass, 2002, p. 350.
La certitude sape tout pouvoir
et transforme le bonheur
en un coup de chance. La certitude confine.
Mes chers, il n’y a rien dans votre vie qui ne changera pas,
avant tout vos idées sur Dieu.
Voyez ce que la folie des certitudes peut faire :
les croisades et les mutilations de milliers de personnes,
en voulant convertir en or
ce qui est déjà de l’or.
La certitude peut devenir une maladie
qui engendre la haine et l’avidité.
Dieu a dit un jour à Tuka :
« Même si je change, je suis toujours au-delà de moi-même ;
ce sur quoi j’ai pu une fois apposer mon sceau
n’est peut-être plus
la plus grande
Vérité ».