1000 films pour aimer le Western

  803--LE TUEUR ET LA BELLE (Man from Del Rio) de Harry Horner 1956 USA

 Quelquefois nous avons des pépites parmi nos découvertes et d’autres fois des pétards mouillés ressortis sans distinction comme un légume sur l’étal du coin.

C’est fort dommage car le prologue annonçait une trame riche : Un étranger Daves Robles () vêtu comme un clochard attend devant un saloon. 2 cowboys débarquent dans cette ville de Mésa et vont y entrer. Ils sont stoppés par l’étranger qui interpelle et provoque l’un des deux arrivants qui se trouve être un pistoléro renommé Dan Richy () et en sort vainqueur.

Ce qui fera l’admiration de Bannister un ex « gunman » propriétaire de saloon qui veut contrôler la ville et tente de s’allier David . Celle-ci verra d’autres règlements de comptes quand plusieurs hommes rosseront un shérif apeuré qui sera secouru que par Estella l’assistante du Dr Adams avant que Robles s’en mêle et abat deux des agresseurs

 Ce qui fait sa réputation et voit venir vers lui les notables qui lui offrent la place de shérif. Robles affrontera Bannister, les notables et Estella dont il s’éprend et qui refuse d’être l’épouse d’un tireur d’élite

 Le film avait  des bonnes cartes, un potentiel dramaturgique (1), des acteurs renommés et une superbe photo

 Le scénario est signé Richard Carr celui d’un excellent Cassavetès : Too Late Blues La ballade des sans-espoirs (1961) (titre qui pourrait être celui de ce western, d’un Don Siegel respectable Hell Is for Heroes L'enfer est pour les héros (1962), d’un western décevant avec Glenn Ford : Heaven with a Gun --Au paradis à coups de révolver (1969) d’un autre moins alléchant Macho Callahan (1970) de Bernard L. Kowalski

Robles est un homme secret qui cache un passé douloureux et avoue avoir appris le maniement des armes pour assumer sa vengeance. Sa relation avec autrui est conflictuelle : il refuse des soins lorsqu’il est blessé, avec Estella où l’union amoureuse peine à exister et avec Bannister une relation ambiguë (qui n’est pas sans rappeler celle deKevin Kline et Brian Dennehy dans Silverado 1985)

 Il est constamment ivre, contradictoire, sauvage, trop pressant avec sa nouvelle conquête, et pas si sympathique que cela même si son entourage est pire. Car il n’est accepté que comme garde du corps d’une ville hypocrite et calculatrice, de biens pensants prêtes à dépenser beaucoup pour leur sécurité et rien pour le relationnel Le personnage est surchargé et son interprète en profite.

 Harry Horner ne dirigera que 7 films dont un autre avec Anthony Quinn : The Wild Party La nuit bestiale (1956) et une adaptation d’un roman de Georges Simenon A Life in the Balance (1955). Il sera  reconnu plus comme directeur artistique que comme réalisateur et pour cause ce palmarès est plus glorieux : 1947 : Othello (A Double Life) de George Cukor-- 1949 : L'Héritière (The Heiress) de William Wyler (premier oscar)  1950 : Outrage d'Ida Lupino  -- 1951 : Menace dans la nuit (He Ran All the Way) de John Berry -- 1959 : L'Aventurier du Rio Grande (The Wonderful Country) de Robert Parrish -- 1961 : L'Arnaqueur (The Hustler) de Robert Rossen ( deuxième oscar)

 Il signe là un huis-clos avec ce western urbain où l’action dans le temps, l’espace et les personnages n’évolue guère. Ses plans tout soignés fussent-ils, laissent perplexes car n’enrichissent point l’histoires ni n’accroit la tension déjà présente ; par contre elles l’aident lors du combat final pour cacher les cascadeurs. Il est plus à l’aise dans les scènes d’action que dans les moments intimes dont certains font sourire tant ils sont ringards et vieillots et abusent des moments répétitifs

 Et malgré sa courte durée le film est trop long, certes honorable mais nous sommes passés à côté de l ’œuvre inoubliable : C’est un film qui se laisse voir comme disent certains critiques en euphémisme de « ce n’est pas terrible » autant se souvenir des autres grands westerns d’Anthony Quinn.

Peter Whitney n’est pas assez imposant comme acteur pour affronter la star principale. Il figure dans de bons westerns sans nous avoir marqué : The Black Dakotas (1954)  et Domino Kid (1957)  de Ray Nazarro --1970 : The Ballad of Cable Hogue. Et puis ce n’est point un hasard si sa carrière est principalement sur la petite lucarne

Katy Jurado (1924–2002) est d’une autre stature ; elle incarne la force féminine ; la révoltée , celle à qui on n’en conte pas et dont on tient compte des désidératas comme Helen Ramírez dans Le train sifflera trois fois High Noon (1952) où elle est l’ex conquête de Gary Cooper où Señora Devereaux la compagne indienne de Spencer Tracy dans La lance brisée Broken Lance (1954) d’ Edward Dmytryk. Etonnamment cette actrice mexicaine avait 20 films de son pays derrière quand elle aborda le cinéma hollywoodien , se fit une réputation dans le western : 1953 : Le Sorcier du Rio Grande (Arrowhead) de Charles Marquis Warren-- 1958 : L'Or du Hollandais (The Badlanders) de Delmer Daves -- 1961 : La Vengeance aux deux visages One-Eyed Jacks de Marlon Brando -- 1973 : Pat Garrett et Billy le Kid de Sam Peckinpah --.

 Les cinéastes , si ce n’est les studios , se  reposant sur son physique de femme brune , bronzée et néanmoins indépendante lui feront jouer souvent des femmes mexicaines, hispaniques ou amérindiennes .Elle ne quittera d’ailleurs jamais le cinéma natal tournant avec Luis Buñuel (1953 : L'Enjôleuse (El Bruto) avec un grand cinéaste mexicain Arturo Ripstein ( La seducción1981) Elle retrouvera son partenaire dans  : The Children of Sanchez (1978) d’ Hall Bartlett

Anthony Quinn, est lui aussi d’origine mexicaine (son vrai nom est Antonio Rodolfo Quinn Oaxaca,)et contrairement à sa collègue précitée n’a point tourné dans son pays natal.Il débute comme figurant ( il est vu dans les films de son beau-père Cecil B. DeMille dont en 1936 : Une aventure de Buffalo Bill (The Plainsman, en  1938 : Les Flibustiers (The Buccaneer) en 1939 : Pacific Express (Union Pacific) ---) puis comme troisième couteau  ( dans l’excellant L'Étrange Incident (The Ox-Bow Incident) de William A. Wellman  en 1943 ) avant d’apparaitre en second rôle imposant notamment dans des westerns  (Viva Zapata! (1952)- (Ride, Vaquero!) de John Farrow1953 -- Le Souffle sauvage (Blowing Wild) d’ Hugo Fregonese 1953) où il prit de plus en plus d’importance et quitta les rôles d’indiens que son visage buriné lui donnait 

Sa carrière se modifia avec 3 grands westerns : 1957 : La Chevauchée du retour (The Ride Back) de Allen H. Miner , 1959 : Le Dernier Train de Gun Hill (Last Train from Gun Hill) de John Sturges  face à Kirk Douglas et l’un de ses meilleurs rôles dans 1959 : L'Homme aux colts d'or (Warlock) de Edward Dmytryk où il est l’adjoint boiteux d’un tueur interprété par Henry Fonda

Le parcours devint captivant quand l’acteur las d’être cantonné dans les mêmes personnages décida d’aborda l’Europe pour y trouver des rôles autres. Ce sera le premier acteur européen qui joua en Italie 1954 : La Strada de FEDERICO FELLINI où il personnifia une bête de foire Zampano un dur qui ne s’émeut jamais jusqu’à sa rencontre avec Giulietta Masina, en France (2) où il fut un autre monstre Quasimodo dans Notre-Dame de Paris de JEAN DELANNOY en 1956, dans La Fabuleuse Aventure de Marco Polo  de DENYS DE LA PATELLIERE et NOËL HOWARD et dans 2 films signés Henri Verneuil (1966 : La Vingt-cinquième Heure--   La Bataille de San Sebastian 1968-)  pour l’Angleterre pour  Lawrence d’Arabie (Lawrence of Arabia) réalisé par DAVID LEAN en 1962, pour l’Afrique du nord et le Moyen Orient avec Le Message de MOUSTAPHA AKKAD en 1977,en  Grèce en 1964 avec Zorba le Grec  , un rôle en or d’épicurien exubérant , l’Espagne (1988 : Pasión de hombre de José Antonio de la Loma) L’Allemagne (La Rancune (The Visit)  de BERNHARD WICKI et sorti en 1964.) le Mexique (Les Vendanges de feu: A Walk in the Clouds) d’ Alfonso Arau,) Dès cinéastes de tout lieu et de tout âge  le sollicitèrent et il croisera la nouvelle génération d’acteurs (Sylvester Stallone-- Keanu Reeves -- Arnold Schwarzenegger -- Samuel L. Jackson-- Kevin Costner –Alain Delon ) . 

Dans sa riche filmographie nous trouvons BUDD BOETTICHER (1955 : Le Brave et la Belle (The Magnificent matador) VINCENTE MINNELLI (1956 : La Vie passionnée de Vincent van Gogh (Lust for Life) où il est aussi formidable que Kirk Douglas  qui lui rapportera un de ses 2 oscars ) GEORGE CUKOR (Car sauvage est le vent (Wild Is the Wind) 1957  où il affronte un autre monstre sacré Anna Magnani et 1959 : La Diablesse en collant rose (Heller in Pink Tights) face à une autre italienne de taille Sophia Loren ) RICHARD FLEISCHER, FRED ZINNEMANN , STANLEY KRAMER avec le moins passionnant Le Secret de Santa Vittoria (The Secret of Santa Vittoria)om il retrouve la Magnani) MAURO BOLOGNINI, SERGIO CORBUCCI, SPIKE LEE

 Et si ce sont souvent des co-productions, le mérite n’en est pas moindre et sa traversée dans le cinéma n’en est pas moins impressionnante. Elle se termina avec sa 168 ième apparition en 2001 année de sa disparition après 65 ans de cinéma dont une bonne dizaine de westerns

(1) Le film a été raconté en photo-roman dans la collection "Far-West magazine" n° 10 d’octobre 1965 sous le titre : la force du lâche.

(2)  Pour l’anecdote amusante, il fut invité par Jacques Martin pour y parler soi-disant d’un nouveau film et entonna le fameux morceau «  Mademoiselle Angèle » en guise de résumé de son nouveau personnage