1000 films pour aimer le Western

BARQUERO 1970 de Gordon Douglas USA

  Sortie Juillet 2018 chez Sidonis Calysta (*)

 Le western qu’on n’arrêtait plus d’enterrer ou de signaler sa disparition renaissait de ses cendres à l’aube de cette décennie  pour preuve cette liste qui contient des œuvres fortes notamment en cette année précise 1970 et ben Amérique :Un homme nommé Cheval  A Man Called Horse de Elliot Silverstein avec Richard Harris ,Un nommé Cable Hogue - The Ballad of Cable Hoguede de  Sam Peckinpah avec Jason Robards --Little Big Man  de   Arthur Penn   --Soldat bleu (1970) Soldier Blue  de Ralph Nelson - Rio Lobo  de Howard Hawks --Monte Walsh  de   William A. Fraker --

Une horde de bandits mexicains commandée par Jack Remy (Warren Oates) décime la population d’une ville pour en acquérir les richesses et leurs armes. Il est secondé par le français Marquette (Kerwin Mathews) , Rémy veut prendre la poudre d’escampette et se rendre sur l’autre bord du Rio Grande. Pour cela il doit lui et sa troupe de sauvages dont Happy (Ed Bakey)  et   Fair (John Davis Chandler) ; emprunter un bac construit par celui qui le dirige Travis (Lee Van Cleef) l’unique passeur qui vit là avec sa maitresse Nola (Marie Gomez) et un ami vieux baroudeur et contrebandier Montain Phill (Forrest Tucker). Ils sont  momentanément voisins d’une colonie de quakers d’où émergent un pasteur peu contentieux et Anna Hall (Mariette Hartley) épouse de l’un d’entre eux.

Le rôle de cette dernière prendra de l’ampleur quand son époux parti à la chasse sera capturé par Rémy suite au refus de Travis de le faire passer et qu’Anna s’offrira à lui s’il libère son mari. La tension va monter de part et d’autre

 Le script qui présente des personnages savoureux est dû à 2 scénaristes : George Schenck, William Marks  brillants dans leurs répliques concises et volontairement peu bavardes

GEORGE SCHENCK écrivit pour Robert Sparr qui devait tourner ce film : Plus mort que vif (1969)More Dead Than Alive avec Clint Walker qui avait tourné 3 westerns pour Gordon Douglas (1) et pour Richard T. HeffronLes rescapés du futur (1976) Futureworld la suite de Mondwest le fameux film de Science-fiction inspiré de Michael Crichton qui le réalisa. Il travailla aussi pour le petit écran :L'île fantastique -Frank, chasseur de fauves -Le justicier de l'ombre --NCIS: Enquêtes spéciales

WILLIAM MARKS acteur éphémère et discret signa quant à lui le script deWar Party (1965) un western de Lesley Selander,Trafic dans la terreur (1967) Kill a Dragon un polar signé Michael D. Moore

 Des  parcours qui laissent pantois et ne préfigurent point qualitativement cette histoire emplie de répliques courtes et expéditives. Est-ce à eux que l’on doit ce ton mi Peckinpah, mi western italien que tout un chacun avait noté. Mais cette remarque toute vraie fut-elle est réductrice car c’est omettre le ton des auteurs Gordon Douglas inclus dont la patte est indéniable

GORDON DOUGLAS est un réalisateur atypique qui signe ici un de ses meilleurs. Il débuta en 1935 avec une série de films qui ne marquèrent point les critiques. Ce n’est qu’à l’aube des années 50 que son nom fut retenu par les critiques et cinéphiles aussi. Lui qui toucha tous les genres avec il faut l’avouer plus ou moins de bonheur  ( Les films avec Jerry Lewis ou Elvis Presley sont indigestes )s’adonna au western  dès 1949  avecFace au châtiment The Doolins of Oklahoma

et qu’il signa son second western avec de nouveau Randolph Scott  L'Homme du Nevada - The Nevadan 1950—suivront Les Rebelles du Missouri (The Great Missouri Raid) qui évoque les frères Franck et Jesse James moins réussi dont nous disions «Si le film n’emporte pas complètement notre enthousiasme, le fait en revient à sa narration conformiste, à cette succession de scènes répétitives et d’actions mornes parfois, il nous interpelle par ce qu’il révèle de la mentalité voire de la pensée américaine » (Chronique 165 bis)  Fort Invincible (Only the Valiant) 1951 western inégal et néanmoins fort attrayant--La Maîtresse de fer (The Iron Mistress)  1952  excellent avec un Alan Ladd déchainé  dont nous avons souligné  un  «Gordon Douglas armé d’un scénario puissant, va œuvrer pour en faire ressortir une magnificence cinématographique.. Son apport est indéniable et sa réalisation stricte et maitrisée » (Chronique 583 ) --La charge sur la rivière rouge « The charge at Feather river1953  beaucoup moins heureux  -- et 3  autres ayant pour vedette Clint Walker : 1958 Sur la piste des Comanches -Fort Dobbs—1959 : Le Géant du Grand Nord (Yellowstone Kelly)-- 1961 : Le Trésor des sept collines (Gold of the Seven Saints)

 Il rata le coche avecLa Diligence vers l'Ouest (Stagecoach) calquée sur la chevauchée fantastique de Ford 1966 pour revenir en force avecChuka le redoutable (Chuka) 1967 ) un film   enlevé et puissant

Le talent de ce cinéaste se logea aussi dans le polarLe fauve en liberté d’après le roman d’Horace McCoy "Kiss Tomorrow Goodbye" en 1950 ; (I Was a Communist for the FBIen 1951 réalisé durant la vague hystérique de films pro-maccarthyste qui assimilait le communisme au mal absolu sans oublier une autre trilogie centrée sur Frank Sinatra  dont seul est digne  Le Détective (The Detective) 1968. Il est aussi le réalisateur d’un des plus beaux films de Science-fiction qui parlait aussi de la peur des autres.

                S’il continua dans ces deux genres, c’est avec un autre qu’il va montrer, démontrer une autre peur : celle d’autrui dans son chef d’œuvre qu'il a pu contrôler contrairement au précédent : THEM ouDes monstres attaquent la ville 1953.

Ici il montre son savoir-faire avec  son efficacité  dans  la réalisation (plans soignés -économie des dialogues, personnages étoffés et scènes et une direction d’acteurs impeccable du plus petit rôle au plus grand. Il signe là son ultime bon western. ; lui qui en tourna pléthore (3)

 Et ceux qui voyant les acteurs de Peckinpah et le western italien débouler se trompent  en avançant ces 2 références même si la violence peut les faire exister  ; Douglas n’incarne , ni l’un , ni l’autre ; il est un conteur attentif qui prend plaisir à signer une œuvre noire , exacerbée , habitée par des êtres malsains ; et même les plus sympathiques ne sont pas exempt  de tout reproche

ED BAKEY joue un personnage surnommé vu son humeur égal Happy (joyeux). Il fréquenta plus la télévision (The Guns of Will Sonnett--La grande vallée--Gunsmoke--Bonanza --Bret Maverick-) que le cinéma où il apparut dansDeux hommes dans l'Ouest- Wild Rovers  de Blake Edwards, dans L'arnaque - The Sting (1973) de George Roy Hill--Le bison blanc --Tête brûlée et pied tendre (1978) Hot Lead and Cold Feet un western loufoque de Robert Butler-- le dernier bon western de Charles BronsonLe bison blanc (1977) The White Buffalo de J. Lee Thompson

JOHN (DAVIS) CHANDLER possède une mine aussi inquiétante que celle de Jack Elam qu’il promènera dans une centaine de rôles et attirera entre autres Sam Peckinpah car il représentait le méchant singulier :Coups de feu dans la Sierra 1962-Ride the High Country--Major Dundee 1965 --Pat Garrett et Billy le Kid 1973  puis d’autres  --Le justicier de l'Arizona  Return of the Gunfighter de  James Neilson--Un homme fait la loi  The Good Guys and the Bad Guys  de Burt Kennedy--  --Josey Wales hors-la-loi  The Outlaw Josey Wales  de Clint Eastwood--Le triomphe d'un homme nommé Cheval Triumphs of a Man Called Horse  pâle suite saccagée par  John Hough - Il est ici victime d’un Forest Tuckerdéchaîné qui l’invite à déguster des fourmis ; il passe de la peur au sourire et du sourire à l’espoir

KERWIN MATHEWS fréquenta beaucoup plus le film d’aventures avec des effets spéciaux signés   Ray Harryhausen  (2) telLe septième voyage de Sinbad The 7th Voyage of Sinbad (1958) etJack le tueur de géants (1962)  tous deux de Jack the Giant Killer de Nathan JuranLes voyages de Gulliver The 3 Worlds of Gulliver (1960)  de Jack Sher , et le polar où il fut Hubert Bonisseur de La Bath, un agent secret :OSS 117 se déchaîne 1963 etBanco à Bangkok pour OSS 117, 2 films français   d’ André Hunebelle ,

 Il incarne ici l’éminence grise, le bras droit de Rémyparlant le français  intelligent et calculateur ; tellement malin qu’il arrive à irriter son patron

FORREST TUCKER joue l’ami du héros qui se délecte de ses actions et de son pouvoir sur ses victimes. Il débuta en 1940 dans des deuxièmes ou troisièmes rôles avec un western :Le cavalier du désert (1940) The Westerner de William Wyler face à Gary Cooper , suivront Les indomptés (1946) Renegades  de George Sherman --La vallée maudite (1947) Gunfighters  de George Waggner --Ton heure a sonné 1948 Coroner Creek  de Ray Enright --Les pillards (1948) The Plunderers  --Le cavalier fantôme (1949) Brimstone The Last Bandit (1949)—et en premier rôleLa ruée vers la Californie (1950) California Passage

--La revanche des Sioux (1951) Oh! Susanna-- Capturez cet homme! (1952) Ride the Man Down --Les rebelles de San Antone (1953)  San Antone--La grande caravane (1954) Jubilee Trail --Courage Indien (1955)  The Vanishing American; 9 films signés par le prolifique cinéaste de série B : Joseph Kane  puis d’autres d’ Allan Dwan , Ray Enright, Roy Rowland, Jerry Hopper, Herbert Wilcox, Tim Whelan, William F. Claxton , Thomas Carr, Joseph M. Newman , Andrew V. McLaglen qui lui offrira son dernier face à John Wayne dans Chisum (1970)

 Il est savoureux en ami de Lee Van Cleef qui taquine ses ennemis, converse avec ironie  avec eux avant de s’en débarrasser et affronte en brave son tueur  l’appelant « fiston »

                                WARREN OATES est un acteur extraordinaire ; une bête de scène et il le prouve avec ce personnage de chef névrosé, hystérique et drogué. Il courut souvent après ce type de personnages . Il avouera sur son jeu « J'ai une gueule, on dirait deux lieues de route de campagne: tout est marqué, chaque nuit blanche, chaque verre vidé, chaque femme après qui j'ai cavalé » Douglas l’emploiera en 1959 :La Mission secrète du sous-marin X16 (Up Periscope)  etLe Géant du Grand Nord (Yellowstone Kelly) ; tout comme Monte Hellman : 1966 :La Mort tragique de Leland Drum (The Shooting) un western à défendre -- 1971 :Macadam à deux voies (Two-lane blacktop)  un « road movie « devenu culte  -- 1974 :Cockfighter -- 1978 : China 9, Liberty 37 (Amore, piombo e furore) et sera présent dans plusieurs autres westerns :  1964 :À l'ouest du Montana (Mail Order Bride)  et  en 1965 :Le Mors aux dents (The Rounders) 1966 :Le Retour des sept (Return of the Seven) signés de Burt Kennedy mais ce sont ceux de Sam Peckinpah qui lui apporteront une plus grande renommée : 1962: Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country)-- 1965 :Major Dundee --  1969 :La Horde sauvage (The Wild bunch) de Sam Peckinpah  au point que le cinéaste lui offrit un premier rôle à sa hauteur dans 1974: Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia (Bring me the head of Alfredo Garcia). ; un acteur pas assez valoriser

 Quant au sieur LEE VAN CLEEF qui poursuit ici son vedettariat et qu’on ne présente plus tant il est devenu une figure incontournable du genre. Ces 2 dernières décennies dans le cinéma sont parsemées de westerns italiens (1971 : Captain Apache d'Alexander Singer et Le Retour de Sabata (È tornato Sabata... hai chiuso un'altra volta) de Gianfranco Parolini -- 1972 : Le Grand Duel (Il grande duello) de Giancarlo Santi ) et d’un retour à sa terre natale (1972 :La Chevauchée des sept mercenaires (The Magnificent Seven Ride) de George McCowan-- 1981 :New York 1997 (Escape from New York) de John Carpenter -- )

 Si l’acteur n’a plus rien à prouver ; il est dans ce film d’une justesse incroyable, sobre et charismatique avec ce personnage serein de passeur, sur de lui en mâle dominant qui s’octroie quelques libertés sexuelles

 (1 )1958 :Sur la piste des Comanches (Fort Dobbs) : Gar Davis1959 :Le Géant du Grand Nord (Yellowstone Kelly) : Yellowstone Kelly1961 :Le Trésor des sept collines (Gold of the Seven Saints) : Jim Rainbolt

(2) Lemaître des effets spéciaux dans le cinéma américain des années 40-70

(3)Voir Chroniques 165-166-168-174 et 187-283-436 et 448-583-909-915

(*)  Présentation de Patrick Brion  et Bertrand Tavernier  Sortie en combo ( DVD + Blu-Ray)