1000 films pour aimer le Western

LA FLECHE BRISEE Broken Arrow de Delmer Daves 1950 USA

Sortie 2019 - 2 Blu-ray*DVD Sidonis / Seven7

Présentation du film par Bertrand Tavernier et Patrick Brion

Voilà un film phare qui révolutionna le western- genre enfermé dans un carcan- par son discours innovant et peu consensuel. Cette oeuvre mature délivra ses lettres de noblesse à son genre par son discours humaniste et par sa dénonciation du racisme.
Les westerns ne seront dès lors plus comme d’antan, prétexte au ludique, dépourvus de réflexion, défendant sur fond musical fade des valeurs phallocrates à quelques exceptions près (1)

L’indien bête noire par outrance, fut souvent peint comme un tueur, un sauvage et un violeur enfin indésirable. Dès lors tout agression contre lui est légitime sans qu’on est rien à redire.

DAVES et son scénariste ALBERT MALTZ renversent les idées reçues, redistribuent les rôles et les bons points, vont sans manichéisme (ils montrent que le mal est des 2 côtés) aussi bien) valoriser cette minorité en l’humanisant lui prêtant les mêmes caractéristiques que l’homme blanc; les mêmes peurs, les mêmes doutes et les mêmes combats. Cette défense subite sera accompagnée suivie et écoutée puisqu’accompagnée de Stars (Clark Gable – Kirk Douglas – Robert Taylor --Burt Lancaster -- Rock Hudson (2)

Cela se passe en 1970 dans l’Arizona où le narrateur, Tom Jeffords (James Stewart) ancien de l’armée unioniste va rencontrer le chef indien Cochise (Jeff Chandler) et devenir le témoin et l’ initiateur de bouleversements sociaux. Ce parcours non sans difficulté débutera par l’aide que Jeffords apporte à un jeune indien moribond et blessé lors de sa recherche de l’or sur leur territoire.
Déja le climat belliciste se fait sentir quand le blessé agresse son sauveur et que celui-ci arrive néanmoins à lui extraire des chevrotines sur son corps. Puis il deviendra plus tard outre un représentant de l’armée un être qui s’initie à la culture, à la pensée et la langue indienne (3). Son ouverture d’esprit en fait un félon auprès des siens mais grâce à lui le rapprochement entre ces 2 peuples se fait incluant un mariage avec la belle indienne Sonseeahray (Debra Paget) et une désunion dans les 2 camps.

ALBERT MALTZ (4) connaîtra ostracisme avec les biens pensants du maccarthysme tant comme il dut l’approcher en tant que juif autre minorité malmené. Il donne à cette oeuvre politique – tant pis le mot est lâché- un ton téméraire, innovateur et réparateur.Il donne au livre( 5) une puissance scénaristique

DELMER DAVES manie avec virtuosité sa caméra laissant place à d’admirables paysages et à de fortes scènes intimistes rarement vues qui vantent l’espace et l’amour.
Tout en poursuivant sa défense de l’indien, se forge une réputation d’auteur s’investissant dans le western avec trois joués par Glen Ford (6) et les non moins remarquables La dernière caravane The Last Wagon (1956) L'or du Hollandais The Badlanders (1958) et le splendide La colline des potences The Hanging Tree (1959) avec un impressionnant Gary Cooper qui dénonçait le lynchage et la foule délirante , le polar avec le superbe Les Passagers de la nuit Dark Passage tiré du roman de David Goodis qui parle aussi d’exclusion de la société. IL est ardu d’affubler cette oeuvre hors des sentiers battus, de superlatifs, néanmoins celle-ci devrait être enseignée dans les écoles pour son message universel

DEBRA PAGET peut s’enorgueillir d’une filmographie imposante en si peu de temps de carrière (7). Elle avait 17 ans quand elle interpréta ce rôle de femme fragile, sécurisante et étonnée des mœurs voisines de Jeffords

JEFF CHANDLER est juste à souhait ; il incarne le calme olympien, le chef réfléchi, droit et juste; il n’hésitera à tueur un des siens qui a failli aux règles d’hospitalités. il reprendra ce rôle en 1952 : Au mépris des lois (Battle at Apache Pass) de George Sherman et en 954 : Taza, fils de Cochise (Taza, son of Cochise) de Douglas Sirk .On le verra dans d’autres westerns : Les Rebelles de Fort Thorn (Two Flags West) de Robert Wise, de 1953 : L'aventure est à l'ouest (The Great Sioux Uprising) de Lloyd Bacon 1955 : Les Forbans (The Spoilers) de Jesse Hibbs et assurera la narration en 1950 de : L'Aigle du désert (The Desert Hawk) de Frederick de Cordova. Son dernier film – il mourut à 42 ans fut en 1961 : Les maraudeurs attaquent (Merrill's Marauders) de Samuel Fuller :

JAMES STEWART 1000 fois évoqué dans nos colonnes incarne et c’est aussi la force de ce script un être pas toujours sympathique du moins au début car il est le stéréotype du raciste à la pensée exiguë et par moments d’une grande innocence. Il sortira brisé et satisfait de cette union ethnique, lui qui rêvait de “lendemains qui chantent” et qui a connu d’autres combats ( Tom Jeffords est un militaire démobilisé de l’armée unioniste )

Il fut l’acteur fétiche de CAPRA : 1938 : Vous ne l'emporterez pas avec vous (You Can't Take It with You) 1939 : Mr. Smith au Sénat (Mr. Smith Goes to Washington)-- 1946 : La vie est belle (It's a Wonderful Life) trois monuments
de ANTHONY MANN : 10 films dont :1950 : Winchester '73-- 1953 : L'Appât (The Naked Spur) 1954 : Je suis un aventurier (The Far Country)--- 1955 : L'Homme de la plaine (The Man from Laramie) 4 classiques

de HITCHCOCK : 1948 : La Corde (Rope)-- 1956 : L'Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much)-- 1958 : Sueurs froides (Vertigo)
de FORD: 1961 : Les Deux Cavaliers (Two Rode Together)-- 1962 : L'Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance-- 1964 : Les Cheyennes (Cheyenne Autumn)
de ANDREW MC LAGLEN: 1965 : LES PRAIRIES DE L'HONNEUR (Shenandoah) 1966 : Rancho Bravo (The Rare Breed) -- 1968 : Bandolero!

A cette carrière rempli de chefs d’œuvres ajoutons ceux de BILLY WILDER (1957 : L'Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit of St. Louis) – d’ ERNST LUBITSCH : 1940 : Rendez-vous (The Shop Around the Corner) une perle du film d’humour -- FRANK BORZAGE : 1940 : La Tempête qui tue (The Mortal Storm – de George Cukor .A lui seul il peut représenter le cinéma américain des années 30-60

(1) Les œuvres de Walsh et Ford

(2) Surtout la même année avec “La porte du diable” de Richard Brooks---- Sur le territoire des Comanches (1950) de George Sherman--- Au-delà du Missouri (1951) de William A. Wellman--- La Captive aux yeux clairs (1952) de -- Bronco Apache (1954) de Robert Aldrich --- Taza, fils de Cochise (1954) de Douglas Sirk

(3) Un préambule stipule néanmoins que tout un chacun parle américain

(4) Nous lui devons les scripts de sujets forts : Tueur à gages (This Gun for Hire) de Frank Tuttle (1942) 1946 : Cape et Poignard (Cloak and Dagger) de Fritz Lang-- 1970 : Sierra torride (Two Mules for Sister Sara) et 1971 : Les Proies (The Beguiled), de Don Siegel ainsi que d’autres de Delmer Daves : 1943 : Destination Tokyo, 1945 : L'Orgueil des marines (Pride of the Marines)

(5) D’ Elliott Arnold (1912–1980) qui travailla pour le petit écran (Rawhide: 5 épisodes -- Bonanza 3 épisodes) et le grand () Son roman sera adapté en une série au titre homonyme de 72 épisodes 1956-1958 ainsi que d’autres écrits (First Comes Courage (1943) film de guerre signé Dorothy Arzner-- Deep in My Heart (1954) comédie musicale de Stanley Donen et un film d’aventure de Michael Anderson : Les trois soldats de l'aventure (1964) Flight from Ashiya )

(6) L'homme de nulle part (1956) Jubal --- 3h10 pour Yuma (1957) qui eut droit à un remake un demi siècle plus tard signé James Mangold avec Russell Crowe et Christian Bale,et Cow-boy 1957

(7) qui est encore parmi nous possède une filmographie brève (elle arrêtera à 32 ans ) mais ô combien chargée : de westerns -- Plumes blanches (White Feather) de Robert D. Webb, sorti en 1955 où elle fut de nouveau une indienne amoureuse de Robert Wagner , se spécialisa avec 1956 : La Dernière chasse (The Last hunt), de Richard Brooks œuvre pertinente défendant aussi cette minorité -- Le Cavalier du crépuscule (Love Me Tender), réalisé en 1956 par Robert D. Webb face à Elvis Presley . elle jouera dans des films prestigieux (Prince Valiant 1954 de Henry Hathaway -- 1956 : Les Dix Commandements -The Ten Commandments de Cecil B. DeMille ) tournera pour Allan Dwan , Jacques Tourneur , Delmer Daves , Roger Corman et couronnera sa carrière avec 2 films de Fritz Lang : 1959 : Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou où elle montre sa plastie gracieuse et envoûtante et coquette dans sa diction laissant apparaître un accent français