1000 films pour aimer le Western

 Chez Sidonis Calysta ---avec des BONUS (*)

Édition Limitée Blu-ray + DVD  juin 2020

SEULS SONT LES INDOMPTÉS (Lonely are the brave) de David MILLER 1962  USA

Quel est ce film fort mouvementé , tourné en noir et blanc , évoquant l’Ouest américain, snobant tout démonstration filiale, qui fit couler beaucoup d’écrits, de témoignages parfois contradictoires qui passa de film délaissé à film culte et qui fit dire à son interprète principal qu’il est son film préféré ?

 C’est d’abord l’histoire d’un homme , d’une personnalité du cinéma américain : Kirk Douglas un être singulier, détaché , indépendant qui occupa durant 3 générations l’écran (1) comme acteur (près de 100 films)  et non conformiste s’octroya le droit de réaliser, écrire des autobiographies (2),  des romans (3)  et des scénarios de films, de pousser la chanson et ôh sacrilège de produire ses films , parfois ceux des autres (Lizzie 1957 de Hugo Haas -- Les sentiers de la gloire (1957) Paths of Glory  , de Stanley Kubrick ce réalisateur qu’il trouvait talentueux et con à la fois et avec qui il fera un des ses films les plus connusSpartacus 1960 ) et cela 10 ans après avoir débuté. Sa position et cela est ou peut-être parlant ne lui amena aucun oscar malgré ses nominations. En 1980 : la France son second pays préféré dont il maîtrise la langue lui remit un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière et 16 ans plus tard en fin de carrière reçut : un Oscar d'honneur «pour 50 ans de force créative et morale dans la communauté cinématographique » Audacieux et engagé, démocrate à fond, il a voyagé dans le monde entier pour le compte des gouvernements successifs sous l'impulsion du président Kennedy. Il poussa sa marginalité jusqu’à mourir à 103 ans

Nous sommes dans les années 60 au Nouveau Mexique Jack alias John W. Burns (Kirk Douglas) habillé en cow-boy se repose paisiblement tandis que dans un brouhaha des avions traversent le ciel. Remontant en selle sur son cheval dénommé « Whisky » il reprend la route traversant une route turbulente du fait du, passage intensif automobilisables cette première scène déjà pointe un antagonisme entre deux mondes, une duplicité entre l’homme et le cheval.

Dans le deuxième acte Jack se rend chez Jerri (Gena Rowlands) l'épouse de son ami Paul (Michael Kane) incarcéré pour avoir aidé des immigrés clandestins mexicains à s'installer aux États-Unis et dont la relation affective avec l’épouse laisse pantois et circonspect tout comme son attachement excessif  au fils de celle-ci . Déjà se traduit un monde différent au point que Jerri lance à Jack une remarque non anodine ; « Fais gaffe tu termineras dans un ranch pour touristes »

Les autres séquences font intervenir un camionneur livreur de matériel sanitaire non innocemment – il deviendra un vecteur du futur - qu’il fait son bonhomme de chemin avant de croiser celui du héros ; Un manchot querelleur et bagarreur (Bill Raisch )  qui amènera Jack en prison où il retrouvera Paul et de laquelle il s’échappera laissant le shérif-adjoint Gutierrez (George Kennedy) un policier agressif à son égard et son supérieur  le shérif Morey Johnson (Walter Matthau) le poursuivre.

Ce sont les dernières scènes magnifiquement tournés qui vont donner de l’épaisseur aux personnages : le héros  chute sur le bitume et non dans la poussière ou dans la montagne lieu qu’il privilégiait s’effronde quand son cheval est tué ; le voilà doublement abattu sur une terre qu’il renie, le policier entouré de flics simplistes est las de cet univers qu’il veut quitter car ce travail ne correspond pas , plus à ses idéaux ; il semble et pour d’autres raisons aussi désenchanté que le chassé

Cette allégorie moderne – que dénonce t-elle réellement, quels reproches adressent -t-elle à un pays englué dans ces années -là dans des conflits internationaux ?- se veut abrupte , contemplative en même temps . Le film est tourné sciemment en noir et blanc ar ce monde n’a que 2 couleurs, ne montre ni pathos, ni autre atermoiement et montre quelque peu sinistre et nous offre l’un des plus beaux portraits du révolté, de l’individualiste du marginal en quête d’une autre existence car sa vie n’a pas de sens ; il est trop seul et « Un solitaire est un infirme «  apprend-on lors d’un dialogue. Un rôle pour Kirk Douglas qui n’est pas sans rappeler celui de Dempsey Rae dans L'homme qui n'a pas d'étoile de King Vidor  en 1955 qui lui aussi s’étonne du nombre de barbelés dans la nature

Déjà en 1962 sortait 2 œuvres qui abhorraient la même approche avec des héros étrangers, lointains au monde qui les entourait ; « L’homme qui tua Liberty Valence » et le non moins pertinent « Coup de feu dans la Sierra » : signes du temps, colère collective , le cinéma et la société vivaient le même bouleversement. Le film  devient dès lors symbolique, symptomatique et « sympathétique »

DALTON TRUMBO fut un scénariste hors pair, rangé à gauche comme le syndicat de sa profession laScreen Writers Guild,dont l’adhésion et le refus d’en démission lui apporteront un renvoi de la Warner Bros pour qui il avait signé ses premiers scénarios : Road Gang (1936) de  Louis King et pour certainsautres ne fut pas crédité. De cses premiers travaux nous retiendrons en 1943 :Un nommé Joe (A Guy Named Joe) de Victor Fleming etTender Comrade d'Edward Dmytryk cinéaste embêté dès 1947 comme lui par les biens -pensants symbolisés parLa commission des activités anti-américaines  qui désirait virer des USA tout communiste ou sympathisant et connue plus tard sous le nom deMaccarthysme  (4)qui gangrena le monde artistique

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 Dalton Trumbo fut condamné à une peine de prison qu'il effectue en 1950 pendant onze mois, inscrit sur la liste noire de Hollywood , interdit de travailler dans le cinéma. Il se servit de différents speudonymes : Ben Perry-- Guy Endore-- Millard Kaufman-- Robert Rich et 2 Oscars furent atribués à ses noms d’emprunt et personne vint chercher la récompense.

Nous pouvons comprendre dès lors à la lecture de ce parcours pourquoi Trumbo et Douglas furent emballés par cette histoire, voire ce roman de Edward Abbey paru en 1956 « The Brave Cowboy » titre que Douglas voulait garder. Un créateur artistique censuré, et un monde qui, se retourne contre les siens, inspirera Trumbo. Ce film s’accompagnera d’une autre libération la fin du placard pour Trumbo qui peut voir enfin son nom au générique ; action libératoire due à Kirk Douglas affirment certains, à Otto Preminger pourExodus (1960)  rétorque les autres

 Dès lors celui-ci sera présent , vivant et signera comme scénariste les films suivants : 1960 :Spartacus de Stanley Kubrick  -- 1961 :El Perdido (The Last Sunset) de Robert Aldrich deux films pour et avec Kirk Douglas   -- 1966 :Hawaï (Hawaii), de George Roy Hill  --- 1968 : L'Homme de Kiev (The Fixer) pamphlet contre l’antisémitisme et   1971 : Les Cavaliers (The Horsemen) de John Frankenheimer -- 1971 : Johnny s'en va-t-en guerre (Johnny Got His Gun) de lui-même d’après son roman antimilitariste paru en 1939  -- 1973 :Papillon de Franklin J. Schaffner dénonciation du bagne et ode à la liberté.

Quand il remit son script à l’équipe du tournage ; personne ne trouva à redire, ni à changer une seule ligne et l’homme avait une réputation d’écrivain viable et solide : Kirk Douglas a déclaré à son sujet :Les autres écrivains peuvent produire 20 pages en une semaine. Lui peut en débiter le double en une seule journée « . Il fut interprété 3 fois à l’écran (5) et eut plusieurs documentaires relatant son parcours (6) c’est dire l’impact qu’il eut sur les générations qui l’ont suivi (Il est mort en 1976)

Sur David Miller , Christian Viviani (7) objectait que « Les années aidant, il faisait montre de plus de punch et même d’une certaine grandeur tragique quand le pauvre cowboy agonisait , sous une pluie battante, sur une autoroute qui représentait tout ce qu’il désirait » et pour Walter C.Clapham   (8) qui consacre 4 pages au film « Il réalisa le film avec simplicité et ardeur. On n’en demandait pas davantage »

BILL RAISCH un réel handicapé qui jouera de 1963 à 1967 le célèbre manchot meurtrier de la série télévisée Le Fugitif que le docteur Richard Kimble poursuivra inlassablement pour prouver son innocence.

CARROLL O'CONNOR jouera dans la série Dans la chaleur de la nuit (In the Heat of the Night) 1988-1995 où il reprenait le rôle de Rod Steiger dans le film éponyme de Norman Jewison en 1967. Il fut présent dans 1965 : Première victoire (In Harm's Way) de Otto Preminger -- 1966 : Qu'as-tu fait à la guerre, papa ? (What Did You Do in the War, Daddy?)  de Blake Edward -- 1966 : Hawaï (Hawaii), de George Roy Hill :  1967 : Le Point de non-retour (Point Blank) et dans 2 westerns : 967 : L'Or des pistoleros (Waterhole #3) deWilliam A. Graham, 1969 : Une poignée de plombs (Death of a Gunfighter), de Don Siegel et Robert Totten œuvre politique et dénonciatrice .Il est ici  l’arme du destin

GEORGE KENNEDY occupa l’écran de 1956 à 2014 avec près de 200 rôles dont un (Dragline  dansLuke la main froide (1967) Cool Hand Luke de Stuart Rosenberg)  lui apportera l’oscar . il tournera beaucoup de westerns dont trois pour Andrew McLaglen (1967 :Le Ranch de l'injustice (The Ballad of Josie) -- 1968 :Bandolero ! -- 1973 :Les Cordes de la potence(Cahill U.S. Marshal)  et  Les quatre fils de Katie Elder-The Sons of Katie Elder de Henry Hathaway--Les colts des sept mercenaires (1969) Guns of the Magnificent Seven de  Paul Wendkos son unique tete d’affiche dans le genre où il reprenait le personnage de Chris échu à Yul Brynner dans les 2 premiers films --Un homme fait la loi (1969) The Good Guys and the Bad Guys de  Burt Kennedy face à Robert Mitchum et du même réalisateur face à Frank Sinatra dans  Un beau salaud (1970) Dirty Dingus Magee -

GENA ROWLANDS peu familier à ce cinéma fera carrière grace aux films de son époux John Cassavetes (1963 : Un enfant attend (A Child Is Waiting)--- 1971 : Ainsi va l'amour (Minnie and Moskowitz) --  1974 : Une femme sous influence (A Woman Under the Influence) --  1980 : Gloria --   1984 : Love Streams ) Elle tournera n éanmoins pour Robert Mulligan ---   Giuliano Montaldo : -- William Friedkin  -- Paul Mazursky  --  Woody Allen quilui écrivit le rôle pour elle  -- Lasse Hallström  -- Jim Jarmusch et fit 4 films pour son fils Nick Cassavetes

 Elle est remarquable dans ce rôle éphémère et pourtant imposant. Tour à tour douce, critique, amoureuse et tolérante ; elle est l’échappatoire pour ce héros meurtri dont les sentiments envers elle sont bien des non-dits.

WALTER MATTHAU s’offre un superbe rôle avec ce policier désabusé, las de sa vie qui commence à admirer le poursuivi faute d’autres modèles. Il débuta dans les années 50 et croisera Kirk Douglas dansLa rivière de nos amours (1955) The Indian Fighter de André De Toth, figurera dans 2 œuvres notables : Un homme dans la foule (1957) A Face in the Crowd de Elia Kazan etDerrière le miroir (1956) Bigger Than Life de Nicholas Ray. Sa véritable rencontre aura lieu en 1966 avec Billy Wilder qui lui proposeraLa grande combine (1966) The Fortune Cookie et l’emploiera à nouveau dans 1974 :Spéciale Première(The Front Page) et dans 981 :Victor la gaffe (Buddy Buddy), remake du film français « L’emmerdeur » où il reprend le personnage de Lino Ventura . L’osmose avec son partenaire Jack Lemmon l’amenera à jouer ensemble dans 10 films .

il s’adonna peu au western ; outre le précité il y eut 1958 :L'Étoile brisée (Ride a Crooked Trail), de Jesse Hibbs. Par contre il tournera pour Gene Kelly , Roberto Benigni, Diane Keaton Burt Lancaster 4 acteurs réalisateurs , Roman Polanski ,Vincente Minnelli , Stanley Donen Sidney Lumet et Don Siegel et Stuart Rosenberg pour 2 polars atypiques :Tuez Charley Varrick ! (Charley Varrick),pour le premier etLe Flic ricanant (The Laughing Policeman) pour l’autre . L’acteur fut moult fois impressionnant.

(1)  De 1946 à 2008 avec une filmographie imposante : 1951 :Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder et   Histoire de détective de William Wyler  - 1952 :Les Ensorcelés 1956 :La Vie passionnée de Vincent van Gogh ,  1962 :Quinze jours ailleurs  3 grands films signés  Vincente Minnelli -- 1954 :Vingt Mille Lieues sous les mers de Richard Fleisher  --  1957 :Les Sentiers de la gloire  et  1960 :Spartacus de Stanley Kubrick -- 1969 :L'Arrangement d'Elia Kazan  --  et de nombreux westerns  dont les chefs d’œuvre suivants :  1951 :Une corde pour te pendre de Raoul Walsh : --  1952 :La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks  --  1955 :L'homme qui n'a pas d'étoile de King Vidor et  La Rivière de nos amours de André de Toth  -- 1957 :Règlements de comptes à OK Corral  et   1959 :Le Dernier Train de Gun Hill de John Sturges --1961 :El Perdidode Robert Aldrich

(2)Le Fils du chiffonnier, en 1988 -- Climbing The Mountain:My Search For Meaning, paru en 2000 , considéré comme la  deuxième partie, la suivante s’appelleraMy Stroke Of Luck, en 2002 et  raconte l'accident vasculaire cérébral dont il est victime en 1996 ; suivrontLet's face it: Ninety years of Living, Loving, and Learning et  en 2012 I Am Spartacus ! : Making a Film, Breaking the Blacklist . La plupart fut traduit en français

  (3)  The Gift, Last tango in Brooklyn, Dance with the Devil

 (4) Maccarthysme : période de l'histoire américaine, connue également sous le nom de « Peur rouge » (Red Scare) et qualifiée fréquemment de chasse aux sorcières (witch hunt). Le maccarthysme trouve ses origines dans le fort sentiment anticommuniste qui s'était développé aux États-Unis dans le contexte de la guerre froide. Il s'étend de 1950, avec l'apparition du sénateur Joseph McCarthy sur le devant de la scène politique américaine, à 1954, avec le vote de censure contre McCarthy. Pendant deux ans (1953-1954), la commission présidée par McCarthy traqua d'éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis

 (5) 2000 :Hollywood liste rouge (One of the Hollywood Ten) de Karl Francis, interprété par Owen Brenman-----2012 :Witness 11 de Sean Mitchell, interprété par Matthew Shelton---2015 :Dalton Trumbo (Trumbo) de Jay Roach, interprété par Bryan Cranston

 (6) Hollywood on Trial (1976) de David Helpern---Dalton Trumbo: Rebel in Hollywood (2006) de Robert Fischer---- Trumbo (2007) de Peter Askin -- Dalton Trumbo: From A-List to Blacklist(2008)

 (7) 1982—LE WESTERN par Christian VIVIANI Artéfact

 (8) 1976-PANORAMA DU WESTERN par Walter C.Clapham  --Grind

(*) Présentation du film par Bertrand Tavernier et Patrick Brion
Interview de Kirk Douglas

Une parabole moderne ; analyse collective du film
Bande-annonce