Philosophie pour tous

Rubrique "Grandes religions". Suite du  billet N°4701.

Extrait de Philosophie pour tous, Tome I, A.MENDIRI, Amazon.

Prochain billet demain mardi 17 septembre.

Il peut apparaître étonnant qu'un billet essentiellement historique soit publié au sein de la rubrique consacrée à la philosophie des religions. La raison en est simple : l'histoire tourmentée du peuple juif est étroitement associée à la religion qui est la sienne, à savoir le Judaïsme. Depuis les origines, être juif ne consiste pas seulement à appartenir à une nationalité mais également à une religion, à un "peuple élu" ou qui se présente comme tel, à une terre promise et donnée par Dieu.

  C'est ainsi que voici 4000 ans, Abraham est "appelé" par Dieu à quitter la Mésopotamie, pays idolâtre et polythéiste, afin de conduire son peuple, c'est-à-dire en fait sa tribu, en pays de Canaan, l'actuelle Palestine. Cette promesse divine fut renouvelée à son fils Isaac et au fils d'Isaac, Jacob qui reçut deDieule nom d'Israël, nom qu'il transmit à sa descendance. Abraham, Isaac et Jacob sont les rois patriarches, c'est-à-dire les trois ancêtres fondateurs de la religion juive et de l'idée d'un "peuple élu" par Dieu. C'est à ce titre que Pascal au XVII° siècle opposera  la religion d'un Dieu personnel, celle "d'Abraham, Isaac et Jacob" au Dieu impersonnel des philosophes Grecs, autrement dit de la Raison.

   Que le peuple Juif soit un "peuple élu" ne signifie pas que les croyances proposées ne soient adressées exclusivement qu'aux juifs et que ceDieuunique et personnel ne concerne que le peuple "élu". "Peuple élu" signifie peuple qui a la vocation d'être exemplaire et de servir à cet effet de modèle pour l'ensemble des nations. Ainsi, contrairement à ce que laisserait supposer l'appellation de "peuple élu", le caractère universaliste de leurs croyances est affirmé d'emblée, conformément d'ailleurs à la notion même de monothéisme, c'est-à-dire à la croyance en unDieuunique.

 Après qu'une période de famine ait conduit ce peuple en Egypte occupée par les Hyksos, nous savons que lorsque les Egyptiens eurent libéré leur territoire, les Hébreux furent réduits en esclavage et Moïse se vit investi de la mission de renouveler l'Alliance avecDieuet de ramener le peuple Hébreu sur sa Terre. Moïse précisa la nature de Dieu ("Je Suis" ou "Je suis celui qui est" ou Yahvé) et délivra à son peuple la Loi divine, à savoir les "Dix commandements", qu'il convenait de suivre afin de mériter cette vocation de "peuple élu" et d'accéder à titre personnel au "Paradis".

   Par la suite, David, guerrier et mystique, soumit les Philistins et établit sa capitale à Jérusalem. Salomon fit d'Israël une puissance économique et surtout édifia le Temple, lieu supposé de la mystérieuse présence divine.

 Vers 586 av JC, Nabuchodonosor conquit Jérusalem, détruisit le Temple et déporta le peuple Juif à Babylone. Ce fut le début de la "diaspora" ou de la dispersion des Juifs. Cinquante ans plus tard, le roi de Perse Cyrus conquit à son tour Babylone et permit aux Juifs de retourner à Jérusalem où ils reconstruisirent leur Temple.

   S'il est vrai que Titus envahit Jérusalem et détruisit le second Temple en 70 (il n'en reste que les murs de soutènement, le fameux" Mur des Lamentations", lieu de pèlerinage et de prière pour les Juifs du monde entier), globalement, sous l'occupation romaine et ce, jusqu'à Constantin qui fit du christianisme, au IV° siècle, la religion officielle de l'Empire, les juifs ne furent pas persécutés. La plupart de ceux qui vivaient hors de Palestine étaient des affranchis romains, en particulier sous le règne d'Auguste. Mais à partir de Constantin, le christianisme s'opposa de plus en plus au judaïsme, les Juifs étant considérés comme le peuple déicide puisqu'ils avaient été les initiateurs de la crucifixion du Christ, présenté comme Dieu fait homme. C'est ainsi qu'au Moyen-Age, les juifs furent persécutés en Europe occidentale. Le concile du Latran en 1215 prit des mesures discriminatoires à l'égard des Juifs, notamment sur le plan vestimentaire avec l'obligation de porter la rouelle, rond d'étoffe jaune cousu sur le vêtement afin de les identifier. Cette obligation fut appliquée en Allemagne dès 1230 et également en France, St Louis donnant suite à la demande des dominicains. De même, en pays islamisés, les juifs devaient-ils porter un signe distinctif de couleur miel et les chrétiens de couleur bleu. Dès lors eut lieu une émigration des juifs en Afrique du nord, aux Balkans et en Asie mineure, constituant ce qu'on a appelé la tradition "Séfarade", et une émigration des Juifs d'Allemagne vers l' Europe orientale, qui constituèrent la tradition "Ashkénaze" avec une langue particulière, le yiddish, mélange d'allemand, d'araméen et d'hébreu.

 Ce n'est qu'à la Révolution française, que sous l'impulsion de l'abbé Grégoire, put débuter l'émancipation des juifs. Mais les persécutions en Europe reprirent très vite. A l'issue de la première guerre mondiale, à l'occasion du démantèlement de l'Empire Ottoman, les Anglais entrent en Palestine et font des promesses difficiles à concilier en donnant des gages aux chefs de La Mecque, en vue de la constitution d'un vaste empire arabe et en même temps, par la Déclaration de Balfour, en préconisant l'établissement d'un foyer juif en Palestine. Rappelons à cet égard que depuis la fin du XIX° siècle s'était développé une doctrine dite sioniste qui visait à donner une terre aux Juifs. Le sionisme possédait deux courants : un courant politique animé notamment par Herzl et qui envisageait d'installer les Juifs en Ouganda et un courant religieux qui désirait récupérer la terre de leurs ancêtres, à savoir la Palestine.

 La rechute de l'antisémitisme atteint son apogée avec le régime hitlérien qui décrète la "Shoa", c'est-à-dire la solution finale ou encore l'holocauste qui conduisit au génocide planifié et industriel de 6 millions de juifs, ce qui représentait 40% des juifs du monde entier.

 Aussi les rescapés des camps de la mort eurent la volonté de récupérer une terre où ils pourraient s'établir, soit par des moyens politiques soit par les armes comme le préconisait une branche extrémiste. Lorsque les Anglais se retirèrent de la Palestine et mirent fin à leur mandat sur ce territoire en 1948, Ben Gourion proclama la constitution d'un Etat juif, Etat avalisé par l'ONU l'année précédente, décision qui, sous l'impulsion des Anglais, proposait le partage de la Palestine entre les Juifs et les Arabes.

 Ce n'est qu'en 1967, à l'issue de la guerre des "Six jours" que Jérusalem redevint la capitale d'Israël. Seule l'esplanade du Temple reste la propriété des Arabes puisque les musulmans avaient édifié sur cet emplacement en 690 une mosquée.

  Enfin, lors du concile de Vatican II, entre 1962 et 1965, l'Eglise catholique supprima de ses textes liturgiques toute référence à l'idée de "peuple déicide", ce qui fut le début d'un assainissement historique et en profondeur des relations entre juifs et chrétiens.

Terminons en rappelant les conditions pour appartenir au peuple Juif : il faut être né d'une mère juive, croyante ou pas ou bien il faut se convertir au Judaïsme. Israël reste un Etat laïque même si tous les documents d'état civil relèvent des autorités religieuses.