soi sur france place presse travail histoire femmes cadre pouvoir place
Rubriques
>> Toutes les rubriques <<
· CULTURE (65)
· L'ACTUALITE (62)
· JARDIN (80)
· LA LECTURE (114)
· HUMEUR,HUMOUR ! (47)
· LES SCIENCES (85)
· RELIGION (64)
· HISTOIRE DE LA FAMILLE (47)
· PRIER (70)
· POESIE (62)
ouedraogo,jose ph
Par Anonyme, le 31.08.2024
+229 95 67 77 26 retour d'affection immédiat
l e grand maître spirituel gambada djogbe apporte une aide pré
Par lutter-contre-coro, le 18.08.2024
· MILLARDAIRES
· SAINT JOSEPH ,PERE.PAR LE PAPE.
· lES EMIRATS ARABE UNIS
· FORUM DE DAVOS
· LA VAGUE VERTE
· LA TURQUIE
· ALLOCATIONS FAMILIALES
· ELECTIONS AMERICAINES
· ELECTIONS
· AVEC MACRON ?
· LES PARASITES
· MARITAIN
· 1200MILLARDS DE DOLLAR SUR LES INFRASTRUCTURES
· LAFILIERE
· LE CORAIL
Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
31.01.2025
10705 articles
Les témoignages remontés au mouvement Emmaüs depuis un an, spontanément puis par l’effet de l’enquête, sont, en quelque sorte, terriblement ordinaires : et le préjudice et la culpabilité sont les mêmes qu’il s’agisse d’agresseurs anonymes ou de personnalités connues. Un agresseur anonyme a souvent une famille qui l’aime, des proches sidérés.
Ici, la famille, ce sont des dizaines de milliers de compagnons, bénévoles, salariés du mouvement Emmaüs, et les proches, c’est quasiment l’ensemble de la population française, qui a fait pendant si longtemps de l’abbé Pierre sa personnalité préférée et qui nourrissait une affection sans bornes pour l’homme au béret, à la cape et à la petite voix faible.
Le mouvement Emmaüs n’aurait pas existé sans l’abbé Pierre, sans son côté visionnaire, sans son charisme, sans son caractère hors du commun. Pour autant, il s’est construit à la fois dans la vénération de son fondateur et dans une certaine distanciation.
Nuire à l’image du défenseur des pauvresJ’ai été l’acteur de l’une de ces prises de distance. En 1996, j’exerçais depuis peu la présidence d’une des branches communautaires quand l’abbé Pierre a apporté son soutien à Roger Garaudy, auteur d’écrits révisionnistes et négationnistes. J’avais menacé de quitter le mouvement si nous ne réagissions pas. Je me souviens d’une journée dramatique où la trentaine de personnes qui exerçaient des responsabilités dans le mouvement Emmaüs s’était réunie pour en débattre.
Il y avait ceux, souvent anciens compagnons sortis de la rue, qui expliquaient tout devoir à l’abbé Pierre, ce qui les mettait dans l’incapacité d’avoir un regard critique à l’égard de leur sauveur. Il y avait ceux qui se demandaient qui avait intérêt à nuire à l’image du défenseur des pauvres. Et nous étions quelques-uns à considérer que, quelle que soit notre admiration à l’égard de l’abbé Pierre, nous ne pouvions tolérer une attitude contraire à nos valeurs.
C’est notre ligne qui l’a emporté et, pour la première fois de son histoire, le mouvement Emmaüs a acheté des espaces dans la presse pour diffuser largement un communiqué condamnant l’ambiguïté de son fondateur.
Le secret d’EmmaüsCela a conduit les anciens à m’expliquer un secret d’Emmaüs. La branche que je présidais avait été créée en 1958, pour s’autonomiser vis-à-vis de l’abbé Pierre, dont on considérait les comportements problématiques. En 1957, peu après l’appel de 1954 qui fit de lui une légende vivante, ses proches l’avaient envoyé dans une clinique en Suisse, à l’isolement, parce que son comportement avec les femmes posait problème.
On ne parlait pas d’agressions, mais de pulsions. On évoquait une maladie et un traitement qui lui aurait été donné depuis lors. Et d’ores et déjà, on considérait que l’une des missions d’Emmaüs était de se protéger et de protéger son fondateur contre lui-même et contre sa maladie.
Pendant un demi-siècle, le mouvement Emmaüs a pensé que ces excèsappartenaient à l’histoire ancienne, qu’ils avaient été surmontés et qu’il ne fallait rien faire qui détourne du combat contre la misère et que l’on avait su canaliser l’énergie débordante de l’abbé Pierre vers de justes causes.
La maturité du mouvement EmmaüsSi je rappelle cette histoire aujourd’hui, ce n’est pas pour en rajouter dans la période douloureuse que nous traversons, encore moins pour minimiser les faits, mais parce qu’on ne peut pas comprendre le mouvement Emmaüs sans cette simultanéité dans la reconnaissance et la distanciation, dans l’admiration des forces et la crainte des faiblesses de son fondateur. Et si le mouvement Emmaüs a réagi avec courage, se plaçant d’emblée du côté des victimes, c’est précisément qu’il a acquis suffisamment de maturité, au cours des années, pour ne pas se placer dans l’adoration inconditionnelle, mais pour savoir faire la part de l’ombre et de la lumière.
Je me suis souvent interrogé sur ce qu’était le véritable héritage de l’abbé Pierre. Ce qu’il a su faire, c’est donner envie à des générations entières de s’engager, de refuser la fatalité de la misère, d’avoir à combattre contre la misère, de prendre des risques. Ils l’ont fait parce que l’abbé Pierre leur a donné l’exemple, les a fait sortir d’un certain confort, les a forcés à ouvrir les yeux sur la réalité qui les entourait. Ceux-là, nombreux, ne portent aucune part de responsabilité dans les écarts et doivent pouvoir continuer et pousser encore les générations à venir à s’engager.
La défense des vulnérablesLe plus choquant, c’est que l’abbé Pierre avait comme mot d’ordre « servir premier les plus souffrants »,et l’on s’aperçoit aujourd’hui qu’il a créé de la souffrance, parmi des personnes qui ne pouvaient pas se défendre. L’un des principaux enseignements qu’il faut tirer de cette révélation, c’est que la défense des plus vulnérables ne peut se faire dans une zone de non-droit.
L’abbé Pierre a fondé les communautés Emmaüs, comme une utopie, en marge de la légalité. Puisque les règles sociales ne savaient pas trouver une place aux exclus, les communautés se dispenseraient des règles, l’esprit de solidarité en tenant lieu. Et l’abbé Pierre pouvait faire rempart de son mythe pour éviter que les pouvoirs publics y trouvent à redire.
Les dernières décennies ont donné lieu à un important travail pour sortir de cette conception, qui risque de faire coexister le pire avec le meilleur, pour définir un cadre juridique permettant l’accueil de personnes vulnérables, participant aux activités de la communauté. Les crises récentes ont montré que ceux qui persistaient à se mettre en dehors de ce cadre pervertissaient leur mission.
Il y a encore du chemin à faire. C’est, pourrait-on dire, le deuxième combat du mouvement Emmaüs. Transformer les bonnes intuitions initiales en un environnement sûr pour les personnes les plus vulnérables. Les révélations récentes auront comme conséquence de finir de couper le cordon ombilical. La cape ne jouera plus son rôle protecteur. Pour autant le rôle d’Emmaüs et de la Fondation Abbé-Pierre, aux côtés des autres associations, sera toujours aussi crucial.
Aux obsèques de l’abbé Pierre, j’avais dit que le meilleur hommage, c’était de continuer. Aujourd’hui, ce que disent à raison les responsables du mouvement Emmaüs, c’est que le meilleur hommage à rendre aux victimes, c’est de continuer le combat contre la misère.