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MEMOIRE DES TIRAILLEURS

Publié le 01/08/2024 à 17:45 par papilacabane Tags : sur france place travail mort histoire message pouvoir

Mémoire des tirailleurs, la France en fait-elle assez ?

C’est une reconnaissance nécessaire mais, pour beaucoup, encore insuffisante : l’attribution de la mention « Mort pour la France » à six tirailleurs exécutés dans le camp de Thiaroye, à 20 kilomètres de Dakar, lors d’un épisode honteux de l’histoire de l’ex-métropole.

Les faits remontent au petit matin du 1er décembre 1944. Des officiers ordonnent à des troupes coloniales et des gendarmes français d’ouvrir le feu sur des soldats africains réclamant leurs arriérés de solde après avoir été démobilisés et rapatriés. Pas moins de 35 mourront sur place ou des suites de leurs blessures, dont six soldats reconnus « morts pour la France » le 18 juin… 2024 ! L’un d’eux était originaire de Haute-Volta – l’actuel Burkina Faso –, un autre de Côte-d’Ivoire et quatre du Sénégal.

« C’est un premier pas dont on peut se féliciter », salue l’historien et spécialiste Martin Mourre (1). Une satisfaction que ne partage pas le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko. Dimanche 28 juillet, celui-ci a réagi sur les réseaux sociaux. « Je tiens à rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. »Il ne revient pas à l’ancienne puissance coloniale « de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent », a-t-il prévenu.

Un traumatisme au Sénégal

En creux, le message d’Ousmane Sonko souligne le retard de la reconnaissance de la responsabilité française dans la tragédie de « Thiaroye 44 ». Longtemps, Paris a préféré le silence, mésestimant l’importance du traumatisme au Sénégal, où il occupe une place majeure dans le récit national. « La mémoire de Thiaroye y est régulièrement réactivée », poursuit l’historien Martin Mourre. À l’heure de la décolonisation, ce fut un ferment de lutte. Dans les années 1970, ça l’était aussi pour la jeunesse contestataire. »

Dès 1948, Léopold Sédar Senghor, ancien fantassin de l’infanterie coloniale et futur premier président du Sénégal, consacre au massacre un poème indigné dans son recueil Hosties noires. « Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français est-ce donc vrai que la France n’est plus la France ? » feint-il de s’interroger.

Malgré les décennies, le souvenir restera au cœur de la mémoire collective. En 2004, c’est au cimetière militaire de Thiaroye que le président Abdoulaye Wade dépose une gerbe de fleurs pour marquer l’institution d’une journée du tirailleur. Celle-ci, fixée au 23 août – en référence à la libération de Toulon, en 1944, qui doit beaucoup aux troupes coloniales –, est pourtant conçue comme un hommage à tous les Africains qui ont servi sous le drapeau tricolore.

Un geste tardif de la France

Il faudra attendre 2014, soit le 70e anniversaire de la tragédie, pour que la France fasse un geste. Devant le cimetière militaire, François Hollande reconnaît alors que « les événements qui ont eu lieu ici sont tout simplement épouvantables, insupportables ». Le président français remet donc une partie des archives liées aux événements aux autorités sénégalaises.

Dans ce contexte, l’attribution de la mention « Mort pour la France »à six victimes marque une étape de plus dans l’examen de conscience. Mais à entendre le premier ministre sénégalais, celle-ci se montre trop timide, voire inadaptée. Une question se pose en effet sur l’ampleur de la reconnaissance.

« Seules six victimes ont été reconnues mortes pour la France, or le massacre en a fait des dizaines », relève l’historien Martin Mourre. Encore faut-il que l’Office national français des combattants et des victimes de guerre parvienne à les identifier.

Une autre interrogation concerne le sens de cet hommage, les tirailleurs de Thiaroye ayant été tués sur ordre de la France plus que « pour » elle. « “Mort pour la France” est une mention qui ne reflète pas ce qui s’est passé, mais c’est la seule à disposition de l’État français », décrypte l’historien.

Encore de nombreux points d’interrogation

L’enjeu, désormais, concerne les prochaines étapes. « D’autres gestes pourraient être réalisés,poursuit Martin Mourre. Honorer un tirailleurau Panthéon, donner le nom de l’un d’eux à une rue, une station de métro… »

Encore faudrait-il que de tels hommages résultent d’un travail commun entre la France et le Sénégal… « C’est le sens de la déclaration du premier ministre, Sonko,indique Mouhamadou Sow, professeur d’histoire contemporaine à l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar. Il faut la comprendre comme une invitation à changer d’approche, afin que les choses ne soient pas seulement impulsées de France. »

À l’heure actuelle, le massacre de Thiaroye ne fait l’objet d’aucune initiative de recherche commune entre la France et le Sénégal. Des dispositifs sont pourtant possibles, comme le montre la mise en place, en 2022, d’une commission d’historiens français et algériens sur la colonisation et la guerre d’Algérie.

Une des priorités est d’établir le nombre exact de morts, qui varie de 35 à 300 selon les historiens. De même, la question des fosses communes demeure en suspens. Celles-ci sont évoquées côté sénégalais mais, « dans les archives françaises, il n’y en a aucune trace », rappelle l’historien Julien Fargettas (2). Et, si des fosses existent, où se situent-elles vraiment ?

La construction de l’autoroute entre Dakar et l’aéroport, sur le terrain de l’ancien camp, complique le travail. De même que la situation des archives remises par la France. « Malheureusement, regrette Mouhamadou Sow, les autorités ne laissent pas les historiens accéder à ces documents. »Quatre-vingts ans après, le massacre de Thiaroye n’appartient toujours pas au passé.

(1) Auteur de Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial, Presses universitaires de Rennes, 2017, 240 p., 20 €.

(2) Auteur de Les Tirailleurs sénégalais, Tallandier, 2012, 384 p., 21,90 €.