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ISRAELCOLONIAL

Publié le 11/08/2024 à 08:35 par papilacabane Tags : sur france monde société nature cadre

« Parler de la colonialité de l’État d’Israël ne revient pas à souhaiter sa destruction » « Parler de la colonialité de l’État d’Israël ne revient pas à souhaiter sa destruction »

 

La colonie israélienne de Maale Adumim en Cisjordanie occupée, à la périphérie de Jérusalem, le 28 juin 2024. AHMAD GHARABLI / AFP

 

La nature coloniale du sionisme et, par conséquent, de l’État d’Israël a été envisagée par les Palestiniens et les premiers sionistes eux-mêmes. Les Palestiniens se sont historiquement représenté leur condition comme une forme de domination coloniale ; tandis que le sionisme s’est inspiré du discours colonial, hégémonique dans l’Europe de la seconde moitié du XIXe siècle, marquant inévitablement la construction de l’ethos national israélien.

Le prisme colonial ne peut donc pas être réduit à une approche moralisante à visée accusatrice. N’en déplaise à ses détracteurs et détractrices, pour qui l’usage de cette grille de lecture serait motivé par la volonté de délégitimer l’existence de l’État d’Israël et n’aurait aucun fondement scientifique.

Si le premier à parler du sionisme comme d’un colonialisme de peuplement est l’intellectuel et diplomate palestinien Fayez Sayegh en 1965 (1), des voix se sont levées dans le monde occidental aussi. En France, dès 1967, Maxime Rodinson avance l’hypothèse que le sionisme est un mouvement de colonisation de peuplement auquel la Grande-Bretagne a servi, à certains moments, de mère-patrie.

Ces analyses mettent l’accent sur les deux caractéristiques principales du colonialisme de peuplement, que l’on retrouve dans l’entreprise sioniste : la «logique d’élimination » de la population autochtone et la mise à mal du modèle « métropole/colonie ». Dans le cas du colonialisme de peuplement, les colons « viennent pour rester : l’invasion est une structure et non un événement», selon la célèbre formule de l’anthropologue Patrick Wolfe (2).

Eliminer la population autochtone

À la différence du colonialisme dit « classique », ici les colons ne cherchent pas à exploiter la population autochtone comme main-d’œuvre, mais à l’éliminer, physiquement ou par voie d’assimilation culturelle, pour la remplacer avec une nouvelle société coloniale.

Deuxièmement, le colonialisme « classique » tend à renforcer la dichotomie « métropole/colonie », là où le colonialisme de peuplement vise à l’effacer. La nouvelle société coloniale développe des intérêts propres qui peuvent entrer en concurrence avec ceux de la métropole, comme cela a été le cas en Algérie où les colons français se sont opposés à plusieurs reprises aux politiques imposées par Paris.

D’autres situations coloniales

Sorti du paradigme de l’exceptionnalité, le cas palestinien entre ainsi en dialogue avec d’autres situations coloniales, d’origine européenne et non européenne : Australie, États-Unis, Kanaky/Nouvelle-Calédonie, Irlande, mais aussi Japon, Tibet, Sahara occidental et Cachemire.

Aux critiques qui voudraient que l’absence d’une métropole et la dimension nationale du mouvement sioniste soient incompatibles avec la désignation de ce dernier comme mouvement colonial, l’historien Lorenzo Veracini répond que cette approche ne cherche pas à comparer des mouvements coloniaux entre eux, mais bien la relation qu’ils ont établie avec des collectivités autochtones. « Il ne s’agit pas de comparer des pommes, mais la manière dont elles tombent. [Le sionisme] a beau être une pomme géniale, il n’en reste pas moins qu’elle est tombée en Palestine», précise-t-il. (3)

L’approche relationnelle et comparative est au cœur du projet épistémologique des sciences sociales. S’il est vrai que l’on ne compare jamais deux choses tout à fait identiques, il est difficile de comprendre pourquoi le projet sioniste en Palestine devrait échapper à la comparaison et, in fine, à l’analyse socio-historique.

Un cadre d’analyse pertinent

Pourtant, cette question fait encore l’objet de débats houleux, a fortiori depuis le 7 octobre 2023. Les plans scientifique et politique s’y trouvent inévitablement entremêlés, mais les discussions au sein du monde académique gagneraient à être davantage dépassionnées : le colonialisme de peuplement constitue d’abord un cadre d’analyse pertinent. Il permet de rendre intelligibles certains phénomènes, passés et présents, que l’on ne comprend pas avec une lecture axée sur l’idée de « conflit national ».

On mentionnera l’inégalité des droits entre citoyens palestiniens et juifs au sein des frontières de l’État d’Israël ; les représentations de l’« autre » palestinien et de la « terre juive » qui puisent dans le répertoire discursif du colonialisme européen, avec notamment l’idée de supériorité de la civilisation européenne ; ou encore, les alliances entre l’État d’Israël et d’autres États coloniaux comme l’Afrique du Sud, les États-Unis ou le Maroc. Cette approche permet de saisir l’histoire palestinienne dans la continuité, au plus près du vécu des Palestiniens. Car non, tout n’a pas commencé en 1967 avec l’occupation israélienne de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza.

Une transformation radicale

Que ce paradigme circule et fasse l’objet de réappropriations aussi fructueuses que complexes, jusqu’à devenir un cri de ralliement et de mobilisation à l’échelle mondiale, prouve sa vivacité et sa force politique. Le prisme colonial et son corollaire, la décolonisation, sont aujourd’hui perçus par une large partie du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien comme des notions émancipatrices. D’un point de vue sociologique, on assiste là à une étape dans l’histoire sociale de ces concepts.

Aucun paradigme ne devrait être mobilisé de manière rigide et a-critique. Comme en témoignent aussi les débats vifs parmi les tenants de cette approche, aucun paradigme ne suffit à lui seul pour comprendre une réalité complexe. Il faut néanmoins admettre ses apports. Et se résoudre à ce qui devrait être une évidence pour toute personne dotée d’honnêteté intellectuelle ayant à cœur la justice : parler de la colonialité de l’État d’Israël ne revient pas à souhaiter sa destruction, mais à en revendiquer une transformation radicale.