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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
12.02.2025
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Le prince André Bolkonski, l’un des principaux personnages du roman de Tolstoï, Guerre et Paix, s’engage dans l’armée pour défendre son pays, la Russie impériale, de l’invasion napoléonienne. Il mourra d’une seconde blessure, à Borodino, la première ayant eu lieu sur le champ de bataille d’Austerlitz, sur la montagne de Pratzen. Blessé, allongé sur le dos, il s’évanouit, puis, le soir venu, revient à lui et regarde le ciel, traversé de nuages. Tolstoï écrit ceci :
« ”Où est-il, ce haut ciel que je ne connaissais pas et que j’ai vu aujourd’hui pour la première fois ?” Telle fut sa première pensée. “Et cette souffrance, que je ne connaissais pas non plus. Oui, jusqu’à présent, je ne savais rien, rien. Mais où suis-je ?” »
Il entend les sabots des chevaux, des voix, et comprend qu’il s’agit de Napoléon et de deux aides de camp. L’Empereur s’arrête à sa hauteur, le regarde et constate : « Voilà une belle mort ! » Le prince André l’entend mais ne s’en soucie pas :
« Il voyait au-dessus de lui le ciel lointain, haut, infini. Il savait que c’était son héros, Napoléon, mais à ce moment, Napoléon lui semblait un homme si petit, si minime en comparaison de ce qui se passait maintenant entre son âme et ce haut ciel infini où couraient des nuages !… Maintenant il se souciait peu qu’on s’arrêtât près de lui, qu’on dît de lui n’importe quoi, néanmoins il était content que des hommes se fussent arrêtés près de lui, et il désirait que ces hommes l’aidassent et le ramenassent à la vie qui lui semblait si belle, maintenant qu’il la comprenait autrement. »
C’est face à la mort que le prince André a, pour la première fois, la sensation d’exister, et je me demande si ce n’est pas parce que mon grand-père paternel fut lui aussi laissé pour mort sur un champ de bataille, un siècle plus tard, à Verdun, que cet épisode de Guerre et Paix m’accompagne depuis l’adolescence, lorsque je lus pour la première fois ce roman. Mon grand-père avait été déposé, disait-on, « sur le tas des morts ». Petite, cette image me hantait. J’imaginais mon grand-père, non pas comme il devait être alors, un gamin de dix-huit ans, mais un vieil homme au ventre proéminent, sur une charrette, au-dessus d’un nombre incalculable de cadavres.
À Verdun, lorsqu’il apprit la nouvelle de sa mort, son ami Eugène, qui combattait à ses côtés, n’y crut pas. La mort d’un être aimé nous paraît souvent impossible, inimaginable. Alors, Eugène alla le chercher sur « le tas des morts » et constata que Joseph, mon grand-père, respirait encore. Il le sauva. Lui-même, quelque temps plus tard, perdit la vue, on disait qu’il était un « mutilé des yeux », et il portait en lui un monde dont il ne parlait jamais, comme tant d’hommes et de femmes revenus de l’enfer.
Mon grand-père lui doit la vie.
Je dois la vie à cet homme-là.
Toutes les guerres et toutes les vies ne sont faites que de cela : d’un amour plus fort que la peur, d’un besoin de secourir l’autre, de défendre un pays, une famille, un amour, de se battre pour une cause ou pour quelqu’un, d’engager ses forces au-delà de soi-même.
J’aime m’allonger sous un arbre et regarder le ciel, longtemps, m’y perdre, et dans cette observation tranquille, me sentir aérienne, presque dissoute, évanouie dans l’infini. La sensation d’exister est là, dans ce détachement spirituel et corporel, cette vision hypnotique du ciel à travers les branches, avec la sensation sur la peau, d’un petit vent, d’une fraîcheur ou d’un soleil qui joue avec les feuilles, d’une bruine, tous ces éléments qui nous échappent, changent et nous surprennent. Ces temps-là, ceux de la simple contemplation, de la rêverie, nous rendent-ils meilleurs ? Moins orgueilleux ? Plus libres intérieurement ? Ce face-à-face, cette confrontation avec l’immensité et la beauté de l’immensité, peuvent-ils quelque chose face à la folie, au mal, ou à la barbarie ?
Que peut-on face au carnage ? Que peuvent les courageux, ceux qui sont prêts à donner leur vie pour en sauver d’autres ? Je crois qu’ils peuvent beaucoup. Je crois que par leur engagement ils peuvent l’essentiel : donner au mot « humanité », tout son sens.