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LA PENDUE DE LONDRES : CECI EST BIEN PLUS QU'UN FAIT DIVERS

Publié le 16/05/2013 à 22:25 par lesartsausoleil Tags : image vie monde homme histoire femme roman mode mort femmes littérature divers pub collection
LA PENDUE DE LONDRES : CECI EST BIEN PLUS QU'UN FAIT DIVERS

 

La remarquable collection de Grasset« Ceci n'est pas un fait divers »vient de s'enrichir d'un nouveau titre : La Pendue de Londres. Signé Didier Decoin, dont on avait déjà grandement apprécié pour le même label« Est ce ainsi que les femmes meurent ? »(l'histoire du calvaire de Kitty Genovese assassinée à New York à la fin des années 60 sans qu'aucun des témoins de son meurtre n'intervienne directement pour lui porter secours, récit adapté au cinéma par Lucas Belvaux sous le titre de« 38 témoins »), cet opus parvient à combiner à la perfection littérature et fait divers.

Empruntant à Souvestre et Allain en le féminisant le titre d'un de leur épisode des aventures de Fantômas (Le Pendu de Londres), Didier Decoin retrace les destins croisés de la dernière femme condamnée à mort et exécutée en Angleterre et de son bourreau. Une sorte de sobre gentleman de la peine capitale, bras armé de la justice capable d'expédier ad patres homme ou femme en à peine quelques dizaines de secondes, toujours soucieux de ne pas faire souffrir physiquement le sujet qu'on lui soumet.

Où l'on découvre tout un rituel caché participant de l'accomplissement d'un verdict sans rémission, qu'il soit destiné à punir des criminels de guerre en Allemagne ou des condamnés de droit commun au Royaume Uni. Avec le même professionnalisme quelles que soient les circonstances, le bourreau en titre, mari parfait et tenancier de pub dans le civil, nous apparaît au quotidien, faisant la part des choses entre ses activités régulières et ce sacerdoce héréditaire exercé ponctuellement, au gré des décisions judiciaires nécessitant son savoir faire si particulier.

Dans le Londres d'après guerre, encore touché par les restrictions en tous genres et le rationnement des denrées de base, le récit débute par les allers retours nocturnes de notre bourreau discret vers les prisons germaniques où l'attendent d'autres bourreaux, nazis vaincus, lesquels agissaient quant à eux sans une once d'humanité pour leurs victimes dans les camps d'extermination.

Troublé par la pendaison d'une jeune nazie gardienne de camp, Albert Pierrepoint (le bourreau) ignore que plusieurs années plus tard, c'est une autre femme qui aura raison de sa drôle de vocation. Didier Decoin s'attache alors à nous narrer le parcours édifiant de Ruth Ellis, demoiselle en apparence délurée dont on saura tout ou presque : innocence enfantine sacrifiée sur l'autel de la perversité d'un père immonde, capacité à vendre ses charmes pour faire son chemin dans un drôle de monde interlope (celui du Londres nocturne des noceurs concupiscents), amours contrariées et grossesses non désirées.

Sorte de demi mondaine, mi entraineuse mi entrainée dans sa propre turpitude par la force et les faiblesses d'une moralité douteuse, Ruth Ellis a tout de l'héroïne de roman. A la fois vamp et victime, c'est une femme fatale pour elle comme pour les hommes qui succombent à ses charmes. Battue, humiliée, la tragédie lui colle aux talons puisque aussi bien on sait rapidement qu'elle ne sortira pas indemne de son mode de vie équivoque. Loin de la juger, Didier Decoin s'efforce de nous la présenter dans toute sa complexité mais aussi sa simplicité émotionnelle d'écorchée vive, rattrapée par un destin funeste autant que par un amant jaloux qui va s'efforcer de la pousser à l'irréparrable, l'instrumentalisant à son profit.

Assumant pleinement son geste, elle ira au bout de sa logique autodestructrice et finira par affronter notre fameux bourreau, avec un stoïcisme de vierge jetée aux lions contrastant furieusement avec l'image d'aventurière ou de femme libérée avant l'heure véhiculée par des coupures de journaux. Ou des clichés montrant face à l'objectif une émule de Diana Dors, trop blonde péroxydée pour être une honnête femme.

Du bourreau à la victime, le roman ne condamne personne, il se contente de tisser à rebours les fils du destin et de nous amener à contempler les personnages, tels qu'avançant inexorablement vers ce funeste mercredi 13 juillet 1955, date programmée pour la pendaison de Ruth Ellis. Plaidant du bout des mots pour que le lecteur accorde a minima et rétrospectivement les circonstances atténuantes à Ruth, plus victime que coupable à bien des égards, le roman rejoint l'esprit d'une lettre ouverte que Raymond Chandler fit paraître dans la presse de l'époque pour qualifier publiquement cette exécution de« sauvagerie médiévale de la loi ».

A lire Didier Decoin, on reste persuadé que ce qui a pu conduire Ruth Ellis à l'échafaud, c'est au moins autant le verdict d'un jury populaire que sa propre incapacité au bonheur. Comme si sa peine de vivre s'était progressivement muée en implacable peine de mort...