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jeudi 29 octobre 2015

Découverte de galaxies primitives réionisant l'univers

Le 22 octobre 2015 et pour la première fois, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Hakim Atek du Laboratoire d'Astrophysique de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) a annoncé la découverte grâce au programme "Frontier Fields" du Télescope Spatial Hubble de plus de 250 galaxies naines impliquées dans le processus de réionisation de l'univers.

L'amas de galaxies Abell 2744 également appelé l'amas de Pandore photographié par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. Le champ couvre 2'x3'. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
Ces galaxies ont été découvertes dans trois amas de galaxies contenant des lentilles gravitationnelles, Abell 2744 (l'amas de Pandore), MACSJ0416.1-24503 et MACSJ0717.5+3745 et les champs associés présentant de hauts redshifts. A ce jour, c'est MACSJ0717 qui présente les plus grandes lentilles gravitationnelles.
Les galaxies étudiées présentent un décalage Doppler compris entre z~6 et z~8, certaines se situant à plus de 13 milliards d'années-lumière. Leur magnitude apparente varie entre +26 et +29 pour une magnitude absolue comprise entre -17 et -20 (fonction de luminosité UV) et ce qui est 20 fois plus brillant qu'une galaxie normale à cette distance.

L'amas de galaxies MACSJ0416.1-24503. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
Ces galaxies ont la particularité de s'être formées entre 600 et 900 millions d'années après le Big Bang. L'analyse de leur spectre en ultraviolet a révélé qu'elles étaient impliquées dans le processus de réionisation de l'univers qui s'est déroulé entre 400000 ans et 1 milliard d'années après le Big Bang.
Ce processus est encore très mal connu des astronomes car jusqu'à présent, en raison de la taille réduite des instruments, aucun télescope n'était parvenu à observer des galaxies remontant à cette lointaine époque.
Aujourd'hui, grâce à l'effet amplificateur des lentilles gravitationnelles et au télescope infrarouge Spitzer, les astronomes sont en mesure d'observer des galaxies encore un peu plus éloignées, jusque 13.2 milliards d'années-lumière, présentant un décalage Doppler jusque z~12. Au-delà, il faudra patienter jusqu'en 2018 avec le lancement du télescope JWST de 6.5 m qui permettra d'atteindre z=30 et d'observer en détail des galaxies qui se sont formées entre 400000 et 600000 ans après le Big Bang.

L'amas de galaxies MACSJ0717.5+3745. Cet amas comprend les plus grandes lentilles gravitationnelles découvertes à ce jour. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
La réionisation de l'hydrogène
Pendant la période qu'on appelle les Âges Sombres qui débuta environ 300000 ans après le Big Bang, l'univers était essentiellement constitué d'hydrogène neutre totalement opaque au rayonnement.
Il a fallut attendre que le rayonnement UV des étoiles "chauffe" l'hydrogène neutre dans des régions de plus en plus vastes jusqu'à ioniser totalement le milieu intergalactique constitué de protons (noyaux d'hydrogène) et d'électrons libres. On estime que ce processus se termina au plus tard environ 1 milliard d'années après le Big Bang.
L'espace devenu transparent a ensuite permis à ce rayonnement dit Lyman alpha de se libérer des nuages d'hydrogène ionisé et de parvenir sur Terre. 
C'est ce rayonnement que les astronomes recherchent dans le spectre des galaxies et des quasars les plus éloignés. Vu l'époque à laquelle il fut émis, il est bien entendu fortement décalé vers le rouge, passant d'une longueur au repos de 121.5 nm à plus de 1160 nm pour z=8.

Les étapes clés de l'évolution de l'Univers.
Document S.G.Djorgovski/Caltech Digital Media Center adapté par l'auteur.
Selon les astrophysiciens, les galaxies massives et lumineuses qu'on observe à plus courte distance ne sont pas suffisantes pour expliquer la réionisation de l'univers. Le bilan doit tenir compte d'autres d'autres sources d'énergie comme le vent stellaire émit par les premières étoiles dites de Population III, hypermassives et très chaudes qui vécurent entre 10 millions et 100 millions d'années, les explosions de ces mêmes étoiles en supernovae et sur les nombreuses galaxies naines primitives, d'où l'intérêt de cette étude et d'utiliser les télescopes les plus puissants.
Cette étude a montré que la fin de la réionisation se situe aux alentours de 700 millions d'années après le Big Bang, correspondant à z=7.5, donc un peu plus tôt que prévu, ce que d'autres études avaient déjà indiqué.
Ces travaux furent publiés dans l'Astrophysical Journal sous le titre "The Faint-end of the UV Luminosity Function at z~6 to z~8: Combined Constraints from the Hubble Frontier Fields Clusters and Parallels" dont voici le draft sur ArXiv et un résumé sur site Hubble Space Telescope.
Notons qu'une étude similaire portant également sur l'amas Abell 2744 (Pandore) fut publiée en 2014 par l'équipe dirigée par Masafumi Ishigaki et comprenant notamment Ryota Kawamata dont les travaux sont cités dans le même article et dont voici le draft sur ArXiv.

mardi 20 octobre 2015

Des traces de vie remontant à 4.1 milliards d'années

Le géochimiste Mark T. Harrison et son équipe de l’UCLA ont annoncé dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences du 14 octobre 2015 avoir découvert des traces de vie âgées de 4.1 milliards d’années.
Sa collègue Elizabeth A. Bell et son équipe ont analysé plus de 10000 grains de zircons extraits d’une roche récoltée à Jack Hills, dans l’ouest de l’Australie, une région déjà connue pour abriter les plus anciens fossiles.
Les chercheurs ont ensuite sélectionné 656 spécimens âgés de plus de 3.8 milliards d'années présentant des inclusions sombres puis analysé 79 spécimens par spectroscopie Raman, une technique qui permet de connaître la structure moléculaire et chimique de microfossiles en trois dimensions grâce à un balayage vertical à travers l’échantillon.

Spectroscopie Raman révélant des traces de graphite dans un échantillon de zircon.
Document M.Harrison et al.
Du graphite, du carbone pur, a été découvert dans une inclusion de zircon. Or, le graphite est la forme stable des molécules carbonées que Steve Mojzsis avait déjà découvert en 1996 à Isua au Groenland et où Vic MacGregor avait trouvé des échantillons biologiques datant de 3.7 milliards d'années.
Dans les nouvelles inclusions, les chercheurs ont trouvé un mélange d’isotopes de carbone C12/C13 rappelant "les restes visqueux d’une vie biotique", a déclaré Harrison.
Ces résidus carbonés contiennent un taux plus important de C12 que de C13, typique des échantillons d’organismes vivants ou fossiles. Selon Harrison le carbone proviendrait d’une colonie de micro-organismes inconnus.
Jusqu’à présent, les plus anciennes traces de vie remontaient à 3.8 milliards d’années (Isua 1996 et Akilia 2007). Cette découverte reculerait l’apparition de la vie de 300 millions d’années, soit vers 4.1 milliards d’années.
Toutefois les indices récoltés ne constituent pas une preuve irréfutable que la vie est apparue à cette époque. En effet, plusieurs études (Mark Van Zuilen 2002, Dominic Papineau 2011) ont déjà montré que du graphite pouvait se former sous l'action de fluides infiltrés postérieurement dans ces roches.
Ceci dit, ajoutée aux autres découvertes similaires, celle-ci renforce l’idée que la biosphère a pu abriter une forme de vie bien plus tôt qu’on le pensait, en fait dès que la surface terrestre s’est solidifiée et les premières étendues liquides sont apparues, c’est-à-dire 440 millions d’années seulement après la formation de la Terre.
Complétée par la découverte de zircons remontant à 4.4 milliards d’années (voir ci-dessous), ces traces carbonées montrent qu’à cette époque la Terre présentait déjà des surfaces solides et abritait vraisemblablement la vie.
Bien que la vie complexe se développe sur des échelles de temps très longues, elle semble facilement émerger dès que les conditions physico-chimiques sont réunies. Cela donne encore plus d’espoir aux exobiologistes de trouver des traces de vie, vivantes ou fossiles, ailleurs que sur Terre et notamment sur Mars sans même imaginer sur les exoplanètes telluriques.
Des zircons âgés de 4.4 milliards d'années
En 2014, le géochimiste John Valley et son équipe de l’Université du Wisconsin à Madison avaient annoncé dans le magazine Nature Geoscience avoir découvert en Australie des fragments de zircons âgés de 4.4 milliards d’années. Ils avaient été découverts dans des roches sédimentaires partiellement métamorphisées datées de 3 milliards d'années.
Ces zircons mesurent moins d’un millimètre de diamètre et représenteraient les plus anciennes roches terrestres découvertes à ce jour.
Leur datation a fait l'objet de controverse car la méthode habituelle de datation à l'uranium-plomb tire profit de la désintégration radioactive pour dater le moment où les éléments ont été piégés. Malheureusement, cette méthode est susceptible de contaminer l'échantillon par le plomb, faussant les calculs. Ainsi, une première analyse par la méthode pb-pb donnait à la roche un âge d'environ 5.5 milliards d'années et donc antérieure à la formation du système solaire (pour rappel, la Terre s'est formée il y a 4.54 milliards d'années).

L'échantillon de zircon daté de 4.4 milliards d'années. Il comprend également de l'oxygène et de la silice (les grandes zones bleues foncées elliptiques correspondent à des inclusions de quartz). Document J.Valley et al.
L'équipe de John Valley a donc eu recours à une nouvelle méthode, la tomographique atomique.
Cette technique consiste à découper l'échantillon en aiguilles de 100 nm puis à les placer dans un champ électrique intense afin d'augmenter le niveau d'énergie des atomes, jusqu'à évaporation des atomes de surface qui sont ensuite collectés, identifiés et localisés. Cela permet de connaître la nature chimique de chaque atome et la position de chacun d'eux dans le matériau analysé. Grâce à cette méthode, ils ont pu déterminer son âge et son histoire.
Grâce à cette technique, les chercheurs ont obtenu pour le coeur du zircon un âge de 4.374 milliards d'années et pour les formations de zircons entourant le coeur, un âge de 3.4 milliards d'années.
Une opportunité pour la vie
Cette roche s'est formée en Australie seulement 100 millions d’années après la formation de la Terre, c'est-à-dire à une époque où l’on pensait que la surface de notre planète était encore brûlante, totalement recouverte de roches en fusion.
Cette découverte renforce l'hypothèse que le refroidissement de la surface de la Terre aurait pu se produire bien plus tôt que prévu et reculer d'autant l'apparition de la vie, à condition de bénéficier de conditions propices et notamment d'eau liquide.

dimanche 18 octobre 2015

KIC 8462852 et les aliens ou le mauvais journalisme

Ces derniers mois, dans le cadre de la recherche des exoplanètes, les astronomes ont pointé le télescope spatial Kepler vers l'étoile KIC 8462852 de type F3 située dans la constellation du Cygne à environ 1480 années-lumière.
Les faits
Utilisant la méthode du transit pour débusquer les éventuelles exoplanètes, les astronomes ont constaté que la courbe lumineuse de cette étoile était "bizarre" selon les termes de l'astronome Jason T. Wright et chutait jusqu'à 22% avec des assombrissements répétés comme on le voit sur les courbes présentées ci-dessous.

Ce que nous dit la science : les courbes de luminosité de l'étoile KIC 8462852 mesurées par l'équipe de Boyajian grâce au télescope Kepler. Document T.Byajian et al.
L'astrophysicienne Tabetha Boyajian et son équipe de l'Université de Yale ont publié cette découverte en octobre 2015, expliquant que la cause la plus probable de ces transits était la présence de fragments exocométaires, des "clumps" comme on en voit quelquefois dans la queue des comètes (cf. cette vidéo sur YouTube), tombant sur l'étoile.
De nombreuses autres hypothèses ont été invoquées pour expliquer ces fluctuations lumineuses : une variabilité intrinsèque par exemple liée à l'émission de matière par l'étoile (étoile de type Be) ou une variabilité extrinsèque liée par exemple à la présence de planétésimaux ou d'astéroïdes. La présence d'un compagnon tout proche (une étoile naine à 1000 U.A) aurait également pu perturber les trajectoires de ces petits corps.

Ces variations lumineuses pourraient s'expliquer par le transit de débris exocométaires ou d'astéroïdes tombant sur l'étoile, deux hypothèses parmi d'autres. Document NASA/JPL.
D'ores et déjà, l'hypothèse du disque de poussière est rejetée car l'étoile est trop vieille ainsi que celle de débris résultant d'une collision, le satellite infrarouge WISE n'ayant rien détecté de tel.
Espérons que les analyses ultérieures réalisées soit depuis l'espace soit au moyen de radiotélescopes en interférométrie (VLBI) permettront de vérifier certaines de ces hypothèses.
L'hypothèse de la mégastructure artificielle
Avant même de connaître ces résulats, dans la foulée le planétologue Jason T. Wright et ses collègues de l'Université d'état de Pennsylvanie ont suggéré d'étudier cette "mégastructure en essaim" dans le cadre de SETI.

Ce à quoi pensent Jason Wright et son équipe de scientifiques en mal de notoriété : la sphère de Dyson ! Document CapnHack.
En effet, en 2005 déjà, l'astronome français Luc Arnold de l'Observatoire de Haute Provence/Aix Marseille Université avait suggéré que le télescope Kepler pourrait détecter des structures artificielles de la taille d'une planète dans la banlieue du Soleil.
Dans cette logique, Wright et son équipe n'ont pas hésité à évoquer une mégastructure artificielle, telle une "sphère de Dyson" qui aurait été construite par une civilisation de Kardashev de Type II (rappelons que l'humanité en est toujours au stade de civilisation de Type 0) !
Immédiatement les implications de cette annonce ont fait le tour de tous les sites d'actualité, des chaînes de TV aux sites Internet de vulgarisation scientifique qui se sont faits écho de cette éventualité et ses sous-entendus concernant l'existence d'aliens...
La plupart des webzines cherchant probablement "à faire le buzz" et s'attirer de nouveaux lecteurs (CNNDiscoveryForbesScience et AvenirSpace.comSlateUniverse Today, ainsi que beaucoup de journaux francophones) ont mis en tête de page cettte hypothèse extraterrestre avant même d'aborder la découverte scientifique, y compris certaines éditions nationales du National Geographic (Pologne et Russie notamment, mais pourquoi cela ne nous étonne même pas ?!). Cela s'appelle du mauvais journalisme.
Document anonyme.
En revanche, le Time et Futura-Sciences parmi d'autres ont traité le sujet plus sérieusement et subtilement tandis que d'autres n'en n'ont même pas encore parlé (La Recherche, Scientific American, etc).
L'Institut SETI ne l'a pas non plus mentionné dans son actualité ni ses annonces de presse, ce qui est très indicatif.
Bien entendu, le physicien et futurologue Michio Kaku, passionné de vie extraterrestre et conseillé scientifique de la chaîne américaine CBS a été interviewé à propos de cette découverte et de ce qu'il pourrait s'agir.
La réponse immédiate de Kaku fut de dire : "nous n'en savons rien". Dans son esprit, pour l'heure toute explication définitive serait pure spéculation. Et de rappeler qu'"une explication remarquable requiert une preuve remarquable". Autrement dit, le débat sur la vie extraterrestre est clos jusqu'à nouvel ordre.
Rapidement interviewé par les journalistes, le 13 octobre 2015 Wright a tout de même remis les pendules à l'heure pour éviter d'être considéré comme un farfelu par ses collègues astronomes (ce qui peut rapidement avoir des effets négatifs sur sa carrière) : "Les extraterrestres devraient toujours être la dernière hypothèse à considérer, mais cela ressemble à quelque chose que l’on pourrait attendre d’une civilisation extraterrestre", a-t-il déclaré au journaliste du The Atlantic.
En fait, il est plus vraisemblable que la réalité soit une nouvelle fois plus "terre-à-terre" et que ces variations lumineuses s'expliquent par un phénomène naturel. C'est aussi l'explication la plus simple.
Après l'aventure de CTA 102 (1964) dont le rayonnement synchrotron fut faussement interprété comme l'émission d'extraterrestres par les astronomes russes et les soi-disant "Petits Hommes Verts" (1967) liés à la découverte des pulsars, les astronomes en ont tiré la leçon, enfin presque tous.
Dernières nouvelles
Fin octobre 2015, l'Institut SETI a orienté les antennes du réseau ATA sur cette étoile et écouté toutes les fréquences entre 1 et 10 GHz mais n'a pour l'instant rien détecté d'origine artificielle.

lundi 28 septembre 2015

Il existe des ruisseaux de saumure sur Mars

La NASA a annoncé ce lundi 28 septembre 2015 avoir des preuves confirmant la présence d’eau liquide aujourd’hui sur la planète Rouge.
Des ruisseaux de saumure
Ceci est une découverte majeure qui semble confirmer que "de l’eau liquide s'écoule sur le sol martien sous forme de ruisseaux de saumure", a déclaré John Grunsfeld, administrateur adjoint de la NASA, lors d’une conférence de presse.
Baptisées "Recurring Slope Lineae" ou RSL, ces "lignes de pente récurrentes" mesurent entre 50 cm et 5 m de large et peuvent s'étendre sur une centaine de mètres.
Ces ruisseaux sont des phénomènes saisonniers qui apparaissent lorsque le temps se réchauffe et disparaissent lorsque les températures redeviennent négatives, c'est-à-dire entre +24 et -70°C.
Cette découverte a été faite en 2010 par Lujendra Ojha du Georgia Tech grâce à l'imager HiRISE de la sonde orbitale MRO et confirmée en 2012 grâce au spectromètre embarqué à bord de MRO. Mais il fallut ensuite plusieurs années pour préciser les conditions physico-chimiques de leur apparition.

Traces de ruisseaux de saumure (en brun) d'une centaine de mètres de longueur sur les pentes du cratère Hale (les hauteurs sont exagérées 1.5 x et les couleurs ont été accentuées). Document NASA.
Les perchlorates
C'est en 2008 que la mission Phoenix trouva des indices de l'existence probable de perchlorates, une variété de sels, dans le sol de Mars mais la découverte ne fut pas confirmée.
Plus récemment, en 2012, la sonde Curiosity découvrit du perchlorate de calcium dans le cratère Gale et depuis les scientifiques en ont découvert à une douzaine d'endroits de la surface de Mars.
Selon Javier Martin-Torres, de l'équipe de Curiosity, "ces sels de perchlorate présentent une propriété appelée déliquescence. Ils capturent la vapeur d'eau de l'atmosphère et l'absorbe pour produire de l'eau salée". Ce cycle est quotidien et est maintenu par l'eau salée.
Cette substance agit également comme un antigel en abaissant le niveau de congélation de l'eau, raison pour laquelle les ruisseaux de saumure restent liquides jusque -70°C en raison de la faible pression atmosphérique (~6.3 mbar ou hPa contre 1013 hPa sur Terre au niveau de la mer).

Variation du taux d'humidité relative et de la température au sol dans le cratère Gale (gauche) et conditions de stabilité du perchlorate de calcium (droite). Document NASA/J.Martin-Torres et al.
Cela faisait des années que les scientifiques avaient émis l’hypothèse que les traces saisonnières d’écoulement pouvaient être formées par des coulées liquides. Mais c'est la première fois que les instruments confirment l'existence de saumures de perchlorate de calcium.
De formule chimique Ca(ClO4)2, sur Terre on trouve généralement les anions perchlorates (ClO4)- dans les endroits désertiques (Vallée de la Mort, désert d'Atacama, etc), parfois associés à des nitrates et souvent à des métaux (potassium, magnésium, sodium, etc).
Leur découverte sur Mars renforce donc encore un peu plus la filiation de la planète Rouge avec la Terre mais ne constitue pas un indice en faveur ou en défaveur de la vie.
A ce propos, Martin-Torres souligne que "les conditions près de la surface martienne ne sont aujourd'hui guère favorables à la vie microbienne telle que nous la connaissons".
Les perchlorates ont de nombreux usages dans l'industrie, des oxydants (propergols) pour l'armement ou les fusées aux feux d'artifices. Mais ce sont également des contaminants et des polluants persistants. Ils ne sont pas présents dans l'eau potable et ne sont donc pas tracés, sauf en cas de pollution.

jeudi 10 septembre 2015

Découverte d'une nouvelle espèce, l'Homo naledi

Une équipe internationale de chercheurs dirigée par Lee R. Berger de l'Université de Witwatersrand à Johannesburg, a annoncé le 10 septembre 2015 dans le magazine eLife avoir découvert une nouvelle espèce d'homininé baptisée Homo naledi.
En 2013 et 2014, des scientifiques financés par la National Geographic Society ont exhumé dans une caverne d'Afrique du Sud située près de Johannesbourg plus de 1550 ossements appartenant à au moins 15 individus, parmi lesquels des bébés, de jeunes adultes et des personnes plus âgées. Tous présentent une morphologie homogène.
Les squelettes dateraient entre 2.8 et 2.5 millions d'années (à confirmer).

Reconstruction du crâne de l'Homo naledi. Document Wits University/L.Berger/NGS.

samedi 5 septembre 2015

Le cerveau du ventre

Nous avons tous appris sur les bancs d'école que nous avons un cerveau, le cortex, et des organes rassemblés dans les viscères. Le coeur ou le tube digestif est considéré comme faisant partie des viscères, c'est-à-dire réduit à des cavités internes sans cerveau.
Or il y a quelques années, les scientifiques ont découvert que le coeur avait un petit cerveau et plus récemment que la paroi intestinale était couverte de millions de neurones ! Le corps humain dispose ainsi de deux systèmes neuronaux décentralisés dont le rôle était tout à fait insoupçonné il y a encore une génération.
La question est à présent de savoir quelle est la fonction de ces cerveaux et quelle importance jouent-ils vis-à-vis du cortex cérébral : comment communiquent-ils, quelles informations transmettent-ils, lequel arbitre les décisions, lequel fonctionne consciemment ou inconsciemment, quelles sont les effets du dérèglement de l'un ou de l'autre, comment peut-on soigner ces cerveaux décentralisés, etc.
Les deux reportages suivants décrivent ces découvertes étonnantes.


Il y a quelques années, les scientifiques ont découvert que non seulement nous avions des neurones dans les viscères mais que notre intestin abritait cent mille milliards de bactéries !
En d'autres termes, nous avons 100 fois plus de bactéries dans notre ventre que de cellules humaines dans notre corps ! Ces bactéries génèrent environ 30% des calories dont a besoin le corps.
Cette flore intestinale qu'on appelle également le microbiote veille sur notre santé. Il y veille si bien que sa présence influence directement notre façon de vivre et une bonne partie des maladies que nous contractons.
Devant l'importance de son rôle, en 2010 les scientifiques ont dressé le génome complet de toutes ces espèces de bactéries et c'est alors qu'ils ont découvert l'incroyable : le microbiote communique avec le cortex via le nerf vague notamment et est capable de déclencher toute une série de comportements qui jusqu'ici étaient a priori du ressort des maladies nerveuses, dégénératives ou encore dites de "civilisation" (diabète, stress, etc).
Aujourd'hui la vision que les scientifiques ont de notre corps est en train de changer et finalement il s'avère que notre ventre joue peut être un rôle plus important que notre cerveau !
En fait, nous connaissons encore très mal la complexité et le rôle des milliers de gènes, des milliards de neurones et des centaines de milliards de bactéries que nous possédons.
Au fait, n'est-ce pas en Chine dont nul n'ignore la médecine millénaire qui a été validée en Occident, qu'on soigne par la nutrition ?
En fin de compte, la vision holistique qu'à la médecine chinoise du corps humain semble être une approche toute aussi intéressante et en tous cas complémentaire de la médecine occidentale, réductionniste.

jeudi 6 août 2015

EGSY8p7, une galaxie à 13.23 milliards d'années-lumière

Une équipe internationale d'astronomes a annoncé le 6 août 2015 la découverte de la galaxie la plus distante de l'Univers : EGSY8p7. Son décalage Doppler z=8.68. Elle se situe à 13.23 milliards d'années-lumière !
EGSY8p7 est la première galaxie observée au-delà de z=8. Elle fut découverte par le doctorant Guido Roberts-Borsani du Collège Universitaire de Londres (UCL) sur les photographies prises par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. 
La découverte fut ensuite confirmée par une équipe d'astronomes utilisant le spectrographe infrarouge multi-objet MOSFIRE du télescope WM Keck de 10 m  d'Hawaii. Un spectre infrarouge fut obtenu après un temps d'intégration total de 4.3 heures.
Les astronomes ont déterminé la distance de cette galaxie à partir de la position des raies de la série Lyman de l'hydrogène visibles dans la partie infrarouge de son spectre.
En effet, alors que sur Terre (référentiel statique), la raie Ly-alpha se trouve dans la partie UV du spectre, à 121.5 nm, dans le spectre de cette galaxie elle se trouve dans le proche IR, à 1177.6 nm du fait de son important décalage Doppler !
La série de raies de Lyman est la signature caractéristique d'un gaz d'hydrogène chauffé par le rayonnement UV des jeunes étoiles dans l'univers alors âgé de moins de 600 millions d'années soit juste un peu plus de 4% de son âge actuel.

Images de la galaxie EGSY8p7. Documents I.Labbé/U.Leiden, NASA/ESA/JPL-Caltech.
La découverte des raies de la série de Lyman en émission à une aussi grande distance était inespérée car elles peuvent facilement être absorbées dans la ligne de visée par les nombreux atomes d'hydrogène présents dans le milieu intergalactique (c'est la fameuse "forêt Lyman-alpha" typique des spectres d'absorption des galaxies et des quasars lointains).
Mais comme le précise l'astronome Adi Zitrin du Caltech,"en pénétrant plus profondément dans l'Univers et donc vers des temps plus jeunes, l'espace entre les galaxies contiendra de plus en plus de nuages sombres d'hydrogène qui absorberont les signaux".
"Les premières galaxies montrant un tel déclin spectral apparaissent lorsque l'Univers avait environ 1 milliard d'années, ce qui équivaut à un redshift d'environ z=6. A l'époque de z=8.68, l'Univers devrait être rempli de nuages d'hydrogène absorbants", déclara Zitrin.
Cette observation apporte donc de nouveaux indices sur le processus de réionisation cosmique au cours duquel les nuages obscurs d'hydrogène furent séparés en leurs protons et électrons constitutifs par la première génération de galaxies.

Image de la galaxie EGSY8p7 obtenue par le télescope WM Keck
Les simulations de la réionisation cosmique suggèrent que l'Univers était totalement opaque au rayonnement Lyman-alpha durant les premiers 400 millions d'années de l'histoire cosmique. 
Ensuite, progressivement, à mesure que les premières galaxies sont apparues, l'intense rayonnement UV de leurs jeunes étoiles  a brûlé cet hydrogène obscurcissant dans des bulles de plus en plus vastes qui finalement ont "ionisé" la totalité de l'espace compris entre les galaxies, composé d'électrons libres et de protons. 
Arrivé à ce stade, le rayonnement Lyman-alpha a pu se propager librement dans l'Univers jusqu'à parvenir sur Terre.
Selon le doctorant Sirio Belli du Caltech, "EGSY8p7 est à la fois intrinsèquement très lumineuse et très éloignée, présentant de fortes émissions d'hydrogène suggérant qu'elle est alimentée par une population inhabituelle d'étoiles très chaudes. Il est possible que cela soit l'indice que les galaxies contribuent au processus de réionisation. On peut concevoir que ce processus se déroule dans certaines régions de l'espace évoluant plus rapidement que d'autres, par exemple en raison de variations de densité de la matière d'un endroit à l'autre.
Une explication alternative est de considérer EGSY8p7 comme le premier exemple d'une génération primordiale de galaxies présentant un intense rayonnement très ionisant".
A propos de l'analyse de son spectre et de la question de la réionisation cosmique, lire l'article d'Adi Zitrin et al. (ApJ, 2015).

jeudi 23 juillet 2015

La matière noire et l'alignement des galaxies naines

En juillet 2015, dans un article publié par l'astrophysicien Noam Libeskind et ses collègues de l'Institut Leibniz d'astrophysique de Potsdam, en Allemagne, dans les "Monthly Notices of the Royal Astronomical Society" (MNRAS, 2015), on apprend que la matière noire expliquerait l'alignement des galaxies naines satellites de la Voie Lactée.
Les effets de la matière noire
En vertu de la gravité, en principe les galaxies satellites doivent se répartir de façon sphérique autour de la galaxie centrale. Ce principe est valable pour la Voie Lactée comme pour les amas de galaxies. Cette distribution peut-être simulée sur ordinateur sur de très longue périodes de temps.
Confrontant les observations aux modèles, dans les années 1930 Fritz Zwicky constata que ce modèle n'expliquait pas la distribution des galaxies satellites dans l'amas de Coma (Chevelure de Berenice) et évoqua pour la première fois l'influence d'une "matière noire", invisible et indétectable qui solidariserait l'ensemble et influencerait les déplacements de la matière.
Cette matière noire serait omniprésente dans l'Univers et pourrait a priori également avoir un effet local sur la distribution des galaxies naines et même des étoiles au sein des galaxies.

Simulation de l'agglomération des galaxies autour des noeuds de filaments de matière noire réalisée par les superordinateurs de l'Institut Kavli d'astrophysique des particules et de cosmologie de l'Université Stanford. Document KIPAC.
Cette théorie fut révolutionnaire en son temps et même si elle explique plutôt bien la dynamique des galaxies et de leurs satellites, elle fait encore l'objet de débats très controversés. Et pour cause, le modèle Standard n'a pas usurpé son nom et tous les astronomes n'acceptent pas une théorie sans preuve, encore moins une théorie exotique, même si elle peut expliquer les observations.
Les astronomes ont longtemps pensé que l'arrangement des galaxies dans les amas et des galaxies naines autour de la Voie Lactée résultait d'une distribution sphérique de la matière noire autour de la galaxie centrale. Cette substance hypothétique dont on ignore encore la composition et la structure n'interagit avec la matière ordinaire que par l'interaction gravitationnelle. Etant donné que cette force porte son influence à longues distances, la matière noire jouerait un rôle clé dans la formation des galaxies, l'expansion de l'univers, bref dans l'évolution du cosmos.

Cette représentation illustre le courant de galaxies, le flux galactique le long de la "super-autoroute" cosmique et sur le "pont de Virgo", dans la région entourant la Voie Lactée (MW), celle d'Andromède et de Centaurus A. Ces courants s'expliqueraient par l'alignement des galaxies le long de filaments de matière noire. Document N.Libesking/AIP.
En 2014, Noam Libeskind et ses collègues ont découvert que les galaxies naines satellites de la Voie Lactée s'alignaient de façon particulière.
Les résultats des recherches de l'équipe dirigée par Libesking ont montré que ces galaxies seraient entraînées par des structures cosmiques de matière noire qui s'étendraient bien au-delà de la Voie Lactée.
En effet, il existerait un réseau d'énormes filaments de matière noire le long desquels les galaxies naines s'aligneraient comme on le voit sur les schémas ci-joints.


Mais reste la question qui fâche : où se trouve cette matière noire dont on parle ? L'a-t-on détectée ? Les astronomes ont bien détecté certaines émissions X de gaz chaud (cf. l'amas NGC 2300 alias Arp 114) ainsi que des corps sombres mais quant à dire qu'il s'agit de la matière noire qu'ils recherchent, ce n'est pas tout à fait pareil.
C'est l'une des raisons pour laquelle Pavel Kroupa parmi d'autres astrophysiciens réfute cette théorie sous prétexte qu'il s'agit de spéculations non corroborées par l'observation.
Or, les travaux de Libesking prouvent aujourd'hui que Kroupa se trompe et que ce modèle expliquerait mieux les observations que n'importe quelle autre théorie classique. Espérons que l'avenir apportera un peu de lumière sur cette matière noire insaisissable.

mardi 14 juillet 2015

Une nouvelle classe de particules : le pentaquark

Le CERN vient d'annoncer ce 14 juillet 2015 la découverte grâce à l'expérience LHCb d'une nouvelle classe de particules appelée le pentaquark. 
Selon Guy Wilkinson, porte-parole du CERN, "le pentaquark n'est pas simplement une nouvelle particule. Il représente une méthode d'agrégation des quarks - les briques fondamentales de la matière ordinaire faite de protons et de neutrons - d'une manière qui n'a jamais été observée en plus de 50 ans de recherches expérimentales. L'étude de ses propriétés pourraient nous aider à mieux comprendre comme la matière ordinaire est constituée".

Deux structures possibles du pentaquark : union des 5 quarks dans une seule particule et sous forme de "molécule subatomique", 2+3 quarks, en interactions. Il est possible que le pentaquark adopte alternativement les deux structures, une idée qu'approuve Murray Gell-Mann. Document CERN.
Cette structure exotique composée de 5 quarks pèse environ 4280 MeV/c2. Elle est constituée de 2 quarks up, un down, un charm et un anti-charm. Il présente deux états de spin, 3/2 et 5/2.
Notons que les quarks u et d pèsent respectivement 5 et 8 MeV/c2, tandis que le quark c pèse 1270 MeV/c2, ce qui explique la masse élevée de ce pentaquark.
Ce pentaquark a été observé lors de la décroissance du Lambda-b ou baryon  lambda (un hypérion de la famille des fermions) en 3 autres particules, un J/ψ- (J-psi ou charmonium fait des quarks c et anti-c), un proton et un kaon chargé (méson K).
On doit cette découverte importante à la collaboration de près de 700 chercheurs.
Selon Gell-Mann les chercheurs "pourraient découvrir de plus en plus de particules de ce type, faites de quarks et d'anti-quarks et de différentes combinaisons. Et de même concernant les gluons. Il pourrait exister une particule constituée de gluons et d'aucun quark".
Vous trouvez plus d'informations dans l'article du CERN, celui du LHCb et l'analyse technique dans celui de la Physical Review Letters.
Comme introduction, consultez l'article sur les particules élémentaires sur Luxorion.

jeudi 18 juin 2015

Des étoiles de Population III dans la galaxie CR7

Dans un article scientifique publié le 17 juin 2015, des astronomes ont annoncé avoir découvert au moyen du télescope VLT de 8.20m de l'ESO, la galaxie la plus brillante de l'Univers primordial ainsi que des preuves solides de l'existence de la première génération d'étoiles en son sein, appelée la Population III.
Ces étoiles massives et brillantes qui étaient encore récemment considérées comme des astres théoriques sont à l'origine de la création des tous premiers éléments lourds qui entrent dans la composition des étoiles de 2eme et 3eme génération qui peuplent aujourd'hui l'univers ainsi que de leurs cortèges planétaires et de la vie telle que nous la connaissons.
La nouvelle galaxie CR7 (COSMOS Redshift 7) située à 12.9 milliards d'années-lumière (z=7) est trois fois plus brillante que la galaxie primordiale la plus lumineuse connue à ce jour !

La galaxie CR7. Document ESO.
Cela fait des décennies que les astronomes ont supposé l'existence d'une première génération d'étoiles issue de la matière originelle créée lors du Big Bang.
Tous les éléments lourds (c'est-à-dire plus lourd que l'hydrogène, tels l'oxygène, l'azote, le carbone, etc, jusqu'au fer) essentiels à la vie ont été créés à l'intérieur des étoiles. Cela signifie que les premières étoiles étaient constituées des seuls éléments précurseurs, à savoir l'hydrogène, l'hélium, et quelques traces de lithium.
Ces étoiles de Population III auraient été gigantesques, des centaines, voire des milliers de fois plus massives que le Soleil, elles étaient excessivement chaudes et éphémères. En raison de leur masse, elles ont explosé en supernovae après seulement deux millions d'années d'existence.
Mais jusqu'à présent, aucune réelle preuve matérielle n'était venue étayer l'hypothèse de leur existence.
Une équipe menée par David Sobral de l'Institut d'Astrophysique et des Sciences Spatiales, de l'Université de Lisbonne au Portugal, et de l'Observatoire de Leiden aux Pays-Bas, a utilisé le VLT pour sonder l'Univers primordial et remonter à l'époque de la réionisation, soit quelque 800 millions d'années après le Big Bang.

Les quatre télescopes VLT de 8.20m de l'ESO, l'un d'eux utilisant son optique adaptative pour améliorer la résolution des images. Document Serge Brunier.
Plutôt que d'étudier une infime partie du ciel profond, avec ses collègues astronomes ils ont étendu leur champ d'observation et produit le sondage galactique le plus vaste jamais réalisé. Cette étude fit appel à toute la puissance des télescopes Keck, Subaru et au Télescope Spatial Hubble.
C'est au cours de cette étude que l'équipe a découvert la galaxie CR7.
Grâce aux instrumentations scientifiques équipant le VLT, les astronomes ont détecté une forte émission d'hélium ionisé au coeur de cette galaxie mais, curieusement et fort heureusement, aucun signe de la présence d'éléments plus lourds au sein de sa partie lumineuse. 
Autrement dit, les astronomes ont découvert le premier véritable indice de l'existence d'amas d'étoiles de Population III responsables de l'ionisation du gaz contenu à l'intérieur d'une galaxie de l'Univers primordial.
Au sein de CR7, des amas d'étoiles de couleur plus bleue, parfois plus rouge, ont été détectés, suggérant que les étoiles de Population III sont apparues par vagues successives – comme cela avait été prédit.
L'équipe a également observé la toute dernière vague d'étoiles de Population III. Ainsi donc, ces étoiles seraient plus faciles à détecter qu'on ne le pensait auparavant : elles résident parmi les étoiles ordinaires, au sein de galaxies brillantes – pas seulement au cœur des premières galaxies, de tailles réduites et de luminosités plus faibles, si faibles que leur étude s'avère extrêmement compliquée.
Vous trouverez plus d'informations sur le site de l'ESO.

jeudi 28 mai 2015

Evolution cellulaire : Lokiarchaeum, le chaînon manquant

Une équipe de biologistes de l'Université d'Uppsala, en Suède, a affirmé dans le magazine Nature du 14 mai 2015 avoir découvert un organisme transitionnel entre les cellules procaryotes (sans noyau, comme les bactéries) et les cellules eucaryotes (à noyau et que'on retrouve dans tout le règne animal). Il s'agit d'une nouvelle espèce d'archéobactérie baptisée Lokiarchaeum. Elle appartient au nouveau phylum ou embranchement archéen des Lokiarchaeota.


Cet organisme fut découvert grâce à un robot explorant l'océan Arctique, entre le Groenland et la Norvège, dans une couche de sédiments située à plus de 3000 mètres de profondeur, au pied d'une cheminée hydrothermale appelée le "Château de Loki" par 73°N.
Pour rappel, les cellules eucaryotes sont les organismes les plus complexes du vivant, en particulier en raison de la présence non seulement du noyau cellulaire qui protège et renferme l'ADN mais également des mitochondries, véritables usines énergétiques de la cellule.
Ces mitochondries sont à l'origine des bactéries, des parasites que les premières cellules ont incorporées (phagocytées) dans leur enceinte cellulaire et dont elles ont tiré profit. Or les cellules procaryotes ne possèdent pas ces entités.
Un organisme transitionnel
Les bactéries et les archées sont probablement les organismes les plus anciens. On retrouve des signatures chimiques des lipides archéens remontant à 3.8 milliards d'années alors que les cellules eucaryotes les plus anciennes remontent à 2.1 milliards d'années.
Jusqu'à présent il n'existait pas de forme intermédiaire (qu'on appelle à tord le "chaînon manquant"). Aussi, la découverte de Lokiarchaeum qui ne présente pas encore toutes les caractéristiques des eucaryotes témoigne de l'existence d'une transition entre les archées et les eucaryotes.

Illustration artistique représentant le passage des cellules procaryotes aux eucaryotes par association de plusieurs cellules procaryotes, une sorte de symbiose primitive. Document Jacopin/BSIP.
Selon Anja Spang, chercheuse au département de biologie cellulaire et moléculaire à l'Université d'Uppsala, Lokiarchaeum n'a ni noyau ni mitochondrie : "l'étude de son génome la fait apparaître dans l'arbre phylogénétique comme un groupe sœur des cellules procaryotes." En effet, elle présenterait une troublante similarité génétique avec les cellules eucaryotes. Elle dispose de gènes qui codent pour des protéines qu'on ne retrouve normalement que chez les cellules eucaryotes. "On n'en connaît pas encore la fonction chez Lokiarchaeum" précise Anja Spang.
Cet organisme dispose également de facultés génétiques lui permettant de fabriquer des protéines complexes. "Naturellement cela ne veut pas dire que Lokiarchaeum est la copie conforme de cet ancêtre commun" entre procaryotes et eucaryotes, relativise Anja Spang car "Lokiarchaeum a également évolué pendant des siècles."
Cette découverte représente une étape majeure dans notre compréhension de l'évolution cellulaire.
Lokiarchaeum apporte un nouvel éclairage sur la manière dont les cellules complexes qui composent aujourd'hui tout le règne du vivant, des champignons à la faune en passant par la flore, ont évolué à partir de cellules sans noyau.

mercredi 11 février 2015

Planck renforce la théorie du Big Bang inflationnaire

L'équipe scientifique de la mission Planck de l'ESA vient de publier ses résultats complets, révélant une vue remarquablement détaillée de l'Univers et de notre Galaxie. Voici l'aspect du ciel comme vous ne l'avez jamais vu, tel qu'il était environ 380000 ans après le Big Bang, c'est-à-dire il y a 13.4 milliards d'années, lorsque l'univers était 1100 fois plus petit qu'aujourd'hui.

Les données complètes de la mission Planck publiée en février 2015 fournissent une carte précise de la polarisation (au-dessus) et de la température (en-dessous) du fond diffus cosmologique micro-onde à travers tout le ciel. Les données mesurées par Planck montrent des fluctuations aussi faibles que 2 microKelvin (2 millionième de degré). Précisons que l'empreinte de la Voie Lactée a été retirée de ces données mais elle fut également exploitée par les astrophysiciens. Document Planck - collaboration ESA.
La mission Planck et l'écho du Big Bang 
Le satellite Planck fut lancé en 2009 par l'ESA pour étudier le fond de rayonnement diffus cosmologique micro-onde (CMB en anglais) à 2.7 K également appelé le rayonnement "fossile" émis au cours de la naissance de l'Univers. Ceci demande une explication.
Par analogie, quand une explosion se produit, à mesure que le temps passe le son et la température du phénomène diminuent.
L'Univers connut un phénomène analogue à l'exception qu'il ne s'est pas produit dans une enceinte. Aujourd'hui, la température moyenne de l'Univers est tombée précisément à 2.72548 ±0.00057 K soit environ -270.4°C, un froid glacial. Cette température est isotrope et donc indépendante de l'endroit du ciel ou plutôt de l'orientation dans laquelle on la mesure.
Le satellite Planck.
Mais mieux que cela, cette courbe de température épouse parfaitement la courbe d'énergie d'un corps noir porté à la même température, renforçant la confiance des scientifiques en leurs théories.
Cela signifie également que cette température est indépendante de la nature de la matière ou de l'énergie l'ayant émise.
Ce rayonnement diffus cosmologique c'est-à-dire consécutif à la création de l'Univers, résulte de la dégradation d'une température initiale de 3000 K émise il y a 380000 ans, à l'époque dite du découplage, lorsque l'Univers devint transparent au rayonnement et que la matière a pu se forrmer.
A cette époque, l'Univers avait 0.1% de sa taille actuelle et contenait encore 1 milliard de photons (rayonnement) pour chaque proton (de matière). Ceux-ci avaient une énergie de repos de 0.94 GeV, autrement dit aussi puissante que celle des rayons gamma. Autrement dit, pratiquement rien ne pouvait survivre à cette époque où le rayonnement était encore bien trop intense.
Mais il a suffit que l'Univers grandisse encore un peu et se refroidisse un tout petit peu afin que l'énergie des photons se dégrade d'1 eV pour que la matière prenne le pas sur le rayonnement et que l'Univers permette l'élaboration de la matière, qu'il se matérialise avec son cortège de nébuleuses, étoiles, galaxies et planètes jusqu'à créer la vie complexe.
Ce modèle d'Univers appelé le modèle du Big Bang a été renforcé par les résultats des missions COBE (1992), WMAP (2012) et aujourd'hui Planck.
Les mesures effectuées par Planck sont 30 fois plus précises que celles de WMAP et 1000 fois plus précises que celles COBE.
On peut donc dire aujourd'hui avec certitude que le Big Bang a eu lieu, quelle fut sa température et son niveau d'énergie parmi d'autres paramètres.
Cela signifie également que les théories alternatives (modèle quasi-stationnaire HBN, de la création continue, de la lumière fatiguée ou encore l'univers META et son antimatière parmi d'autres) doivent être abandonnées.
Reste en théorie dans la course, certains modèles exotiques faisant par exemple appel aux supercordes et aux théories membranaires (théorie M, etc) pour tenter d'unifier la relativité générale et la physique quantique et peut-être comprendre ce qui s'est produit à l'instant ou même avant le Big Bang. Mais ceci est une autre histoire.
La théorie du Big Bang
En attendant d'inventer cette théorie plus générale, la théorie du Big Bang représente aujourd'hui le modèle Standard de la cosmologie.
Il se développa à partir de 1934 mais il fut surtout popularisé à partir 1976 par le physicien Steven Weinberg de l’Université d'Harvard grâce à son fameux livre "Les trois premières minutes de l'Univers" toujours disponible.
Planck a cartographié le ciel à neuf fréquences thermiques et sept de polarisation comprises entre 30 et 857 GHz avec une résolution angulaire variant entre 5°' et 5' selon la fréquence. Il cessa de fonctionner quatre ans plus tard, fin 2013.
Les fluctuations de densité qu'on observe dans la carte du rayonnement à 2.7 K représentent les germes de croissance des futures grandes structures cosmiques que sont aujourd'hui les superamas de galaxies reliés entre eux par d'immenses ponts de matière, l'ensemble étant enveloppé dans une masse d'énergie sombre indétectable.
En essayant de comprendre pourquoi le rayonnement cosmologique micro-onde présente cet aspect irrégulier à grande échelle, les cosmologistes et les physiciens peuvent mieux comprendre l’entièreté du processus cosmique et affiner les contraintes sur leurs modèles.


Les limites du modèle cosmologique Standard
En cosmologie, les scientifiques s'intéressent à l'évolution de l'Univers et essentiellement aux premiers instants de sa genèse car dans une certaine mesure, elle peut faire l'objet d'expériences.
A cette époque reculée, les évènements n'avaient pas grand chose à voir avec ce qu'on observe aujourd'hui dans la vie de tous les jours.
Dans l'Univers primordial à l'époque étudiée par Planck, le niveau d'énergie était intense (~1 GeV), la chaleur infernale (6000 K), l'Univers était opaque et les particules animées d'une vitesse relativiste. Bref, les évènements se déroulant à l'échelle subatomique étaient extrêmement rapides et violents et seules les lois de la physique quantique alliées à celles la relativité générale s'appliquaient.
Aujourd'hui, ces lois s'appliquent encore mais soit elles portent leur influence à l'échelle subatomique ou au contraire à grande échelle (globale)soit elles sont "écrasées" par des forces locales beaucoup plus intenses comme les liaisons fortes interatomiques ou les liaisons chimiques au sein des molécules.
Mais à cette époque reculée, tout baignait encore dans une sorte de soupe de  plasma (des particules pratiquement élémentaires) et d'énergie gamma opaque et peu dense, contenant 75% de noyaux d'hydrogène (des hélions ou particules alpha) et des électrons ainsi que d'innombrables neutrinos et d'autres particules élémentaires (quarks, etc., mais a priori rien "d'exotique" au grand dam de certains théoriciens).
Mais inventé voici plusieurs décennies à une époque où on imaginait encore l'Univers comme étant assez simple, ce modèle cosmologique Standard souffre aujourd'hui de quelques défauts.
Il ne "fonctionne" qu'à partir d'environ 10-35 secondes après le Big Bang et n'accepte pas d'autres structures mathématiques que les équations de champ de la relativité générale ni d'autres particules élémentaires que les quarks, les leptons (électron, neutrinos, muon, etc.) et une poignée de bosons (photon, graviton, etc).
Or l'observation et l'étude de l'Univers à haute énergie contredisent ce résultat; il existe d'autres types de particules dont potentiellement tout un bestiaire de particules supersymétriques et des entités de dimensions supérieures (branes, etc).
Ce modèle ne répond donc que partiellement à l'unification des forces développée dans les théories de Grande Unification (GUT et autre TOE) qui étudient vraiment les tout premiers instants de l'Univers.
De plus, la théorie du Big Bang est incapable d'expliquer ce qui a provoqué le "bang" et ce qui a fait "bang", ni pourquoi l'Univers a le même aspect dans toutes les directions, pourquoi la densité actuelle de l'Univers est si proche de 1 alors qu'elle aurait pu avoir n'importe quelle valeur, pourquoi l'Univers paraît si plat ou pourquoi les constantes fondamentales ont des valeurs si finement ajustées, etc.
Pour espérer résoudre toutes ces énigmes, il fallait donc amender le modèle Standard du Big Bang.


Le modèle cosmologique lambda-CDM
La théorie du Big Bang a été affinée et complétée pour que les physiciens et les cosmologistes puissent étudier ce qui s'est passé au commencement de l'Univers, c'est-à-dire si possible (et s'il existe) jusqu'au temps "0", notamment grâce au modèle baptisé lambda-CDM.
Lambda-CDM est le plus simple modèle d'univers inflationnaire, un univers plat contenant de la matière sombre et froide (Cold Dark Matter) et une constante cosmologique, lambda.
"Lambda" est la fameuse constante cosmologique d'Einstein qu'il ajouta à sa théorie de la relativité générale en 1917 avant de la considérer comme une erreur en 1929 lorsque Edwin Hubble découvrit la récession des galaxies, leur fuite apparente vers les confins de l'Univers.
Selon l'équation de champ d'Einstein, une valeur non nulle de lambda représente une densité d'énergie du vide non nulle (on parle de "faux vide" pour le différencier du vide classique).
Aujourd'hui, la plupart des cosmologistes se réfèrent à une autre constante cosmologique "lambda" qui joue un tout autre rôle en accélérant le taux d'expansion de l'Univers par le biais d'une énergie sombre et inconnue qui semble envahir l'espace.
En soi l'association  de "lambda" à l'une ou l'autre forme d'énergie permet de mettre les modèles d'Univers en concurrence, jusqu'à ce qu'une version émerge, la plus conforme aux observations.
Ces concepts plutôt abstraits et mathématiquement très élaborés font référence à des modèles inflationnaires de l'Univers dans lesquels la physique des hautes énergies joue un rôle essentiel.
Ainsi, les mécanismes de Higgs (Cf. Alan Guth et Andrei Linde) également appelés le champ d'inflaton intervient spontanément pour briser la symétrie entre les interactions afin de permettre au modèle inflationnaire de rejoindre le modèle Standard une fraction de seconde après le Big Bang.
Même si dans la version de l'énergie du vide, sa valeur est dérisoire (lambda est de l'ordre de 10-29 g/cm3), à grande échelle elle provoque une répulsion qui conduisit à l'expansion accélérée de l'Univers, raison pour laquelle elle revient dans toutes les théories modernes sur la cosmologie.
Le modèle lambda-CDM impose plusieurs conditions :
- l'Univers est une solution particulière des équations de la gravité de la théorie de la relativité générale
- l'Univers est homogène à grande échelle et est en expansion
- l'Univers connut une période d'expansion exponentielle appelée l'inflation qui s'arrêta lorsque l'asymétrie apparut, 10-35 sec après le Big Bang
- les fluctuations quantiques sont à l'origine de la distribution de la matière à grande échelle observée aujourd'hui.
Les deux dernières conditions sont spécifiques à cette théorie et sont pour le moins exotiques dans la mesure où elles sortent des phénomènes habituels et palpables. Mais comme nous le savons en science, ce n'est pas parce qu'on ne voit pas quelque chose, qu'il n'existe pas.
A partir de là, les physiciens ont dû faire des suppositions et émettre des hypothèses de travail, que d'autres ont cherché à combattre, certaines pour de bonnes raisons, d'autres tout simplement parce qu'ils ne les comprenaient pas et ne voyaient pas l'intérêt d'inventer une physique a priori exotique qui semblait impossible à vérifier.

Dans le modèle cosmologique inflationnaire que nous devons à Alan Guth, l'inflation (rectangle bleu) se produit lorsque la densité de Planck est descendue en-dessous de 1094 g/cm3, peu avant 10-35 sec. Mais ce scénario ne fonctionne pas. Andrei Linde l'a modifié en faisant commencer l'inflation au temps de Planck, à 10-43 sec (rectangle gris) et en faisant intervenir une théorie tachyonique. Toutefois quel que soit le scénario inflationnaire le rayon de l'univers observable (13.78 milliards d'années-lumière) est de loin inférieur à la distance de l'horizon cosmologique qui représente la distance maximale entre deux régions causalement liées par un signal lumineux. Document T.Lombry.
Mais on peut dire que depuis les travaux précurseurs d'Alexey Straboninsky puis ceux d'Andrei Linde en 1974 notamment, ce modèle inflationnaire a reçu du galon suite aux premières découvertes des satellites COBE et WMAP et est aujourd'hui supporté par la majorité des cosmologistes.
Cerise sur le gâteau, les résultats de Planck confirment tout à fait ce modèle avec une très grande précision.
Ce qui est plus étonnant encore, c'est que cette théorie fonctionne. C'est bien sûr le but de la Science de proposer des explications, mais nous savons qu'au cours de l'Histoire, on a parfois cherché à "sauver les phénomènes" comme à l'époque des Anciens Grecs ou le public n'acceptait tout simplement pas la réalité et préférait croire que la Terre était plate et placée au centre du monde, une manière aussi de se rassurer face à l'inconnu.
Dans ce contexte, le fait que le modèle lambda-CDM et ses quatre conditions fonctionnent s'explique physiquement parce qu'à l'époque de la Recombinaison, l'Univers s'était suffisamment refroidi pour devenir transparent au rayonnement cosmologique qui a pu se libérer de la purée d'énergie et se dissiper dans tout l'Univers de manière isotrope tout en conservant l'empreinte des germes d'hétérogénéité qui seront les futures grandes structures cosmiques.
Finalement, 380000 ans après le Big Bang, l'Univers était encore très simple. Il était constitué d'une soupe de plasma baryonique a priori mélangée à de la matière et de l'énergie sombre dans laquelle il n'y avait encore aucune réaction chimique car le niveau d'énergie l'empêchait.
A partir des données de Planck et en les comparant aux modèles et aidés par des superordinateurs vectoriels simulant ces processus, les scientifiques sont aujourd'hui en mesure de proposer une recette, une configuration physique de l'Univers qui permet de reproduire avec une très haute précision la distribution du rayonnement cosmologique observée par Planck.

Gros-plan sur la carte du rayonnement cosmologique à 2.7 K cartographié par Planck. Les couleurs sont tracées en fonction de la température et témoignent de la distribution de la matière. Les textures matérialisent les lignes de champ magnétique créées en fonction de l'orientation de la polarisation; elles témoignent des déplacements de la matière. Le signal polarisé (mode B) est largement dominé par les ondes de densité de la matière (les modes scalaires ou modes E). La carte de gauche présente une résolution de 5°, celle de droite de 20'. Document Planck - collaboration ESA. 
Les taches hétérogènes rouges et bleues qu'on voit dans l'image thermique de Planck sont les signatures d'un état et d'un mode particulier d'évolution du modèle du Big Bang inflationnaire associé au modèle lambda-CDM.
L'inflation de l'Univers s'expliquerait en raison de l'amplitude de plus en plus grande des fluctuations quantiques des ondes de densité (des champs scalaires, non orientés) qui ont fini par comprimer et dilater la matière, donnant naissance à des hétérogénéités à "petite échelle" à cette époque, les germes des futurs superamas de galaxies.
Ceci résume le contexte historique et scientifique à l'origine de la mission Planck. Voyons à présent les résultats de cette mission à laquelle ont collaboré 500 chercheurs internationaux répartis en deux équipes, une italienne et une française.
Les résultats de Planck
Les résultats présentés en 2015 soutiennent ceux publiés en 2013 à quelques virgules près dans les paramètres cosmologiques. Ils renforcent et même confirment que l'Univers primordial peut se définir au moyen de six paramètres, quelle que soit la manière dont les scientifiques manipulent les données. Ces six paramètres sont :
1. la densité de matière baryonique (constituant la matière ordinaire) créée au cours des premières minutes de l'Univers
2. la densité de matière sombre à la même époque
3. la distance de propagation des ondes soniques à l'époque où le rayonnement cosmologique s'est libéré (l'horizon du son) ou la taille angulaire des oscillations baryoniques acoustiques (BAO)
4. le pourcentage de photons du rayonnement cosmologique ayant dispersé les particules libérées par le rayonnement stellaire ou celui des quasars et ionisé l'hydrogène neutre remplissant le cosmos
5. l'amplitude des fluctuations de densité en fonction de l'échelle angulaire à la fin de la période inflationnaire et comment elles ont évolué en fonction de la taille de l'Univers
6. La pente du 5eme paramètre à travers le spectre.
A partir de ces variables, les scientifiques ont pu calculer toutes les autres propriétés de l'Univers comme son âge ou son taux d'expansion.

Spectre de puissance du rayonnement cosmologique à 2.7 K. L'intensité des variations de température (verticalement) a été tracée en fonction de leur dimension angulaire (horizontalement, c'est approximatif). La ligne rouge représente les prédictions du modèle cosmologique Standard, les points bleus les données de Planck. En résumé, l'expérience confirme la théorie. Document Planck - collaboration ESA.
Mais comme rien n'est jamais simple et isolé en science, les valeurs exactes dépendent de sous-ensembles de données qui apportent une tolérance ou une certaine marge d'erreur aux résultats dont les plus importants sont les paramètres cosmologiques suivants :
- L'âge de l'Univers : 13.799 ±0.038 milliards d'années
- Le paramètre de Hubble : Ho = 67.8 ±0.9 km/s/Mpc
- La densité baryonique : 0.4181 ±0.0043 yg/m3 (yoctogrammes/mètre cube)
- La densité de l'énergie sombre : 0.692 ±0.012
- La densité de la matière sombre et froide : 2.23 ±0.032
- Le rayon de courbure de l'Univers : -0.0029 < K < +0.008 avec 95% de confiance.
Les conséquences de la constante de Hubble
La constante de Hubble, Ho, fut découverte par Edwin Hubble en 1929 lorsqu'il découvrit que les galaxies se situaient bien au delà des distances ordinaires et semblaient nous fuir d'autant plus rapidement qu'elles étaient éloignées. L’intervalle de temps 1/Ho est une valeur indépendant de la distance qui permet de déterminer l’âge de l’Univers.
Avec Ho=100, dans le modèle cosmologique le plus simple (Einstein-De Sitter ou FRW) dans lequel l'univers est plat, l’Univers n’aurait pas 10 milliards d’années. Pour Ho=100 et un paramètre de densité précis, l'Univers peut avoir 20 milliards d'années. Son âge peut donc passer du simple au double en fonction d'un seul paramètre.
La constante de Hubble a été estimée à Ho = 69.32 ±0.80 km/s/Mpc selon WMAP et Ho = 73.8 ±2.4 km/s km/s/Mpc selon le Télescope Spatial Hubble.

L'Univers tel qu'il est à plusieurs milliards d'années-lumière... Il y a bien sûr des milliers de galaxies mais il y a surtout 75% de matière et d'énergie sombres ! Document NASA/STSCI/HST.
On savait en théorie que la valeur de Ho pouvait osciller entre 50 et 100 mais on privilégiait une valeur proche de 73 km/s/Mpc déduites des mesures du HST.
Une faible valeur de Ho comme 67.8 km/s/Mpc signifie que le taux d'expansion de l'Univers est plus lent que celui estimé par le HST, que l'Univers est plus jeune (13.8 milliards d'années) qui si on adoptait la valeur de 73 km/s/Mpc et que quelque chose l'empêche de s'étendre.
Il peut s'agir de matière (mais c'est peu probable car on la voit et on peut la détecter) ou d'autre chose de plus exotique et invisible dans la plupart des instruments et dans la plus grande partie du spectre.
Cette "matière manquante" peut se cacher sous forme d'innombrables corps sombres, d'antiparticules ou de particules interagissant peu avec la matière ordinaire. D'où l'importance de savoir ce que représente cette énergie sombre d'origine inconnue qui remplit les deux tiers de l'Univers.
Si on prend l'exemple des élusifs neutrinos, ce type de particule élémentaire est uniquement sensible à l’interaction faible. Aussi, bien qu'ils soient nombreux (chaque seconde, chaque centimètre carré de notre corps est traversé par 65 milliards de neutrinos), ils sont également très difficiles à capturer.
Imaginez alors une "matière" dix mille fois plus abondante et pourtant encore moins sensible aux interactions. Comment la détecter ? La question reste ouverte et si vous trouvez une méthode, le Prix Nobel vous attend !
Le modèle du Big Bang inflationnaire confirmé
Voici quelques détails des analyses qui ont permis de confirmer le modèle du Big Bang lambda-CDM, inflationnaire et euclidien, ainsi que les propriétés de l'Univers.
L'univers visible contient seulement 4.9% de matière baryonique (total des protons, neutrons et hypérions) contre 26.8% de matière sombre et 68.3% d'énergie sombre.
La densité de la matière baryonique est connue avec une précision de 1.1%, celle de la matière sombre et froide avec une précision de 1.4% et celle de l'énergie sombre avec une précision de 3.7%.
En tenant compte de ces valeurs dans les équations cosmologiques, l'horizon de l'univers observable (qui varie en fonction du taux d'expansion de l'Univers) se trouve aujourd'hui à environ 13.79 milliards d'années-lumière ou 4233 Mpc.
Cela n'empêche pas l'Univers réel d'être beaucoup plus vaste. L'horizon cosmologique a été multiplié par ~1093 depuis l'époque du découplage et se situe aujourd'hui à 46.5 milliards d'années-lumière selon le modèle Standard tandis qu'il aurait enflé d'un facteur 101012  dans le modèle inflationnaire ! L'une comme l'autre sont des distances inconcevables...

Document A.Linde/Scientific American adapté par l'auteur.
Dans le modèle Standard, sur base des mêmes proportions de matière et d'énergie, cela correspond à environ 5.4 nucléons par mètre cube d'espace alors que Planck a porté cette valeur moyenne à 1 proton tous les centimètres cubes d'espace.
En tenant compte des valeurs de Planck, ce volume d'univers visible "pèse" environ 2.8x1054 kg et vingt fois moins (1.25x1053 kg) si on ne considère que la contribution des baryons.
A partir de ces derniers, on estime que l'univers contient quelque 1080 nucléons (et autant de photons), ce qui représente environ 1023 masses solaires ou cent mille milliards de milliards de Soleil.
Si on convertit la quantité de matière sombre en équivalent énergie, bien que la densité de l'énergie sombre (6.9x10-27 yg/m3) soit plus de 1300 fois plus faible que celle de la matière ordinaire (9.24x10-27 ykg/m3), elle domine à grande échelle du fait de son uniformité à travers tout l'univers.
A propos des limites du 1er paramètre concernant la densité de matière, Planck confirme que la densité de l'Univers est de 0.9995 ±0.0034, ce qui est compatible avec un Univers plat (modèle FRW), euclidien. Il n'est donc ni sphérique (rayon de courbure sup.0, densité sup.1) ni hyperbolique (rayon de courbure inf.0, densité inf.1). Dans notre univers, les lignes parallèles ne se rejoignent jamais à l'infini.
On en déduit également qu'il n'y a pas d'autres familles de neutrinos. Il n'existe que trois saveurs, aux tolérances près (3.3 ±0.28 contre 3.046 selon les prédictions) et leur masse globale est inférieure à 0.23 eV.


Les données de Planck confirment aussi les mesures de WMAP concernant l'asymétrie entre les températures moyennes des deux hémisphères. Cela suggère que l'Univers n'est pas homogène dans toutes les directions à une échelle supérieure aux observations.
Une explication serait que le rayonnement cosmologique nous est parvenu en suivant un cheminement plus complexe qu’on l'a imaginé jusqu’ici.
Les mesures de Planck confirment aussi l'anisotropie du pôle Sud, la "tache froide" étant même plus étendue qu'on l'escomptait.

Cette carte montre l’asymétrie entre les températures moyennes des deux hémisphères du ciel et la tache froide dans l'hémisphère sud. Document Planck - collaboration ESA.
Les mesures confirment aussi l'idée que les petites fluctuations quantiques furent légèrement plus intenses à grandes échelles qu'à petites échelles. WMAP avait relevé cette différence, mais Planck a confirmé sa valeur avec précision, renforçant les prédictions et la validité du modèle inflationnaire qui précise ces valeurs.
L'équipe de Planck en collaboration avec l'équipe BICEP2/Keck ont étudié la polarisation du rayonnement cosmologique par d'éventuelles ondes gravitationnelles amplifiées par le phénomène d'inflation.
L'équipe BICEP2/Keck avait en effet découvert en mars 2014 un signal polarisé (mode B) à 353 GHz dans le rayonnement à 2.7 K mais qui pouvait a priori être parasité par la présence de poussière de la Voie Lactée située à l'avant-plan.

Contribution de la poussière et de la matière sombre du halo à différentes époques de l'Univers. Document Planck - collaboration ESA. Notons que la composante gravitationnelle a été infirmée en 2016 : il ne s'agit que de l'effet de la poussière présente dans la Voie Lactée (voir fin de l'article).
Le signal étant également présent à 150 GHz, à cette fréquence on constate que la contribution supposée des lentilles gravitationnelles (en fait la matière sombre qui induit ces effets) est beaucoup plus importante (mais voir fin d'article car cette conclusion fut infirmée en 2016).
En 2014, on en conclut que le reste est d'origine cosmologique (en fait émit par des ondes gravitationnelles primordiales). Il fallait donc confirmer que cette polarisation était liée ou non à la présence de poussière interstellaire qui est omniprésente (elle dessine notamment la Voie Lactée et toutes les nébuleuses).
Les analyses confirment que les deux signaux sont globalement de même amplitude. Si on retire les contributions de la poussière galactique et de la matière sombre (principalement celle du halo galactique) à l'origine des lentilles gravitationnelles, le reste du signal paraît donc bien associé aux ondes gravitationnelles primordiales, ce qui est une découverte majeure (mais fausse, cf. fin d'article).
Les mesures de Planck sont conformes aux valeurs calculées par le modèle lambda-CDM ayant donné naissance aux grandes structures cosmiques que nous observons. Cela veut dire que jusqu'ici, la contribution de la poussière dans les mesures a été sous-estimée.
Enfin, la polarisation du rayonnement cosmologique confirme ainsi le phénomène d'inflation, une cerise de plus sur le gâteau.

Carte mixte de la poussière (en couleurs) et du champ magnétique galactique (lignes en relief) mesurés par Planck à 353 GHz. Le champ d'observation de BICEP2 est indiqué en pointillés blancs et se situe dans l'hémisphère sud. Ce champ contient peu de poussières (dans les bleus ciels et pas bleu foncé). Le signal polarisé permet clairement de tracer les lignes du champ magnétique galactique et ne peut être ignoré ni confondu avec une émission locale. Document Planck - collaboration ESA.
Les deux équipes Planck et BICEP2/Keck ont trouvé une limite supérieure pour le rapport des ondes gravitationnelles en fonction des fluctuations de densité de 0.08, légèrement inférieure aux résultats des analyses précédentes (0.12 et 0.11).
Une valeur plus faible est favorable à un modèle inflationnaire plus simple. Elle implique un modèle où l'inflation est engendrée par la décroissance d'un seul champ d'énergie, un champ qui diminua "lentement" comparé au taux d'expansion exponentiel de l'Univers (durant l'inflation l'univers s'est dilaté d'au moins 5 milliards de milliards de fois en 10 nano-nano-nano-nanosecondes, c'est pas si lent que ça !).
Le niveau d'énergie requis pour l'inflation était inférieur à 2x1016 GeV, équivalent au niveau nécessaire pour unifier les interactions forte, faible et électromagnétique en une seule Théorie de Grande Unification ou GUT.
Autre correction qu'a permis Planck, l'ère stellaire qui suivit l'ère de la Recombinaison, durant laquelle nous assistâmes à la formation des protoétoiles, des protogalaxies et des quasars et où l'Univers des étoiles commença à briller a été réévalué.
WMAP indiquait qu'elle correspondait à un décalage Doppler vers le rouge (redshift z) de 10, ce qui correspond à 470 millions d'années après le Big Bang, mais Planck a retardé le début de cette ère à z= 8.8 ou 560 millions d'années après le Big Bang, il y a 13.2 milliards d'années.
Précisons que sur base de ces chiffres, durant l'intervalle  z=8.8-10, H = 1255 km/sec/Mpc.
De même, le niveau d'annihilation de matière qu'on observe dans le coeur de la Voie Lactée supporte le modèle Standard et les valeurs observées dans le rayonnement cosmologique au détriment des théories alternatives (comme une émission gamma diffuse par exemple).


Concernant l'évolution de l'amplitude des fluctuations de densité (le 5eme paramètre du modèle lambda-CDM), également appelé indice spectral scalaire, il est relativement important car il décrit l'état de l'Univers à la fin de l'inflation.
Planck a mesuré une valeur de 0.968 ce qui veut dire que l'amplitude des fluctuations est légèrement plus grande à grandes échelles que ce que prédisent la plupart des modèles inflationnaires. Cette différence produit un léger effet sur le taux de formation des galaxies au cours du temps.
Reste la question étrange des petits amas de galaxies qui manquent à notre inventaire cosmique. L'équipe de Planck a bien trouvé certaines petites bosses ou irrégularités dans le rayonnement cosmologique qu'on peut associer à des fluctuations de la distribution de la matière dans l'Univers primordial.
Mais Planck prédit 2.5 fois plus d'amas que ce que les astronomes observent. Il peut s'agir d'erreurs dans les estimations comme il peut tout aussi bien s'agir des effets d'une nouvelle physique. La question reste ouverte, une de plus parmi les dizaines d'autres de la cosmologie.
Quant aux théories exotiques expliquant le Big Bang, comme celle faisant par exemple appel à des collisions entre branes de dimensions supérieures, elles ne prédisent pas une telle polarisation. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles Planck fut construit. Les résultats vont donc au-delà des espérances.
En résumé
Toutes les valeurs mesurées et affinées par Planck sont en accord avec les observations antérieures du rayonnement cosmologique à 2.7 K. Complétées par la confirmation de quelques découvertes faites au sol, elles confirment que le modèle cosmologique Standard inflationnaire est non seulement correct et cohérent mais s'accorde parfaitement avec la constante cosmologique lambda-CDM.
En d'autres termes, l'Univers est né au cours d'un phénomène de Big Bang inflationnaire dont nous retrouvons aujourd'hui l'empreinte à grande échelle dans la fuite apparente des galaxies, des superamas, la polarisation du rayonnement diffus cosmologique et l'énergie sombre, et à petite échelle dans l'existence même des particules élémentaires et des étoiles individuelles sans lesquelles rien n'existerait à part le vide et les photons.


Il reste évidemment des questions ouvertes et des inconnues ainsi que des constantes dans les équations dont les physiciens aimeraient bien se débarrasser.
Mais c'est également le but de la Science d'essayer d'y répondre et notamment aux questions encore métaphysiques : pourquoi le Big Bang a-t-il eu lieu, qu'y avait-il avant le Big Bang ainsi qu'à la question ultime : pourquoi sommes-nous là à nous poser la question ? Les réponses viendront.
PS. Les résultats de la mission Planck ont été présentés au cours de la Conférence Planck qui s'est tenue à Ferrara, en Italie en décembre 2014 mais les articles d'analyses n'ont été publiés que le 5 février 2015.
Dernières nouvelles
Suite à des contre-analyses des données de l'expérience BICEP2, des astronomes ont confirmé début 2016 dans le magazine "Nature" que la polarisation en mode B ne provient pas des ondes gravitationnelles comme cela fut publié mais de la poussière interstellaire omniprésente dans la Voie Lactée, ce que certains chercheurs avait déjà suggéré en 2014.
Pour plus d'informations
Planck publications, 2013, 2015, ESA
Planck results papers 2015, JPL (pareil que le site de l'ESA)
Planck resultats 2013 (surtout le tableau récapitulatif), Wikipedia US
Joint analysis BICEP2/Keck
La cosmologie, Luxorion
L'Univers inflationnaire, Luxorion
Ned Wright's Cosmology, UCLA
Andrei Linde page, Stanford U.
Alan Guth page, MIT